A few thoughts, a few sayings

-"Je suis celui qui te connais quand tu fuis jusqu'au bout du monde" Jacques Bertin (Je suis celui qui court)

- "Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..." Saint-Exupéry (Petit Prince)

- "Et le plus beau, tu m'as trahi. Mais tu ne m'en as pas voulu" Reggiani (Le Vieux Couple)

- "We all got holes to fill And them holes are all that's real" Townes Van Zandt (To Live is To Fly)

- "Et de vivre, il s'en fout, sa vie de lui s'éloigne... Tu marches dans la rue, tu t'en fous, tu te moques, de toi, de tout, de rien, de ta vie qui s'en va." Jacques Bertin (Je parle pour celui qui a manqué le train)

- "I thought that you'd want what I want. Sorry my dear." Stephen Sondheim (Send in the clowns)

- "Pauvre, je suis de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace. Mon père jamais n'eu grand richesse, Ni son aïeul nommé Orace. Pauvreté nous suit à la trace, sur les tombeaux de mes ancêtres, Les âmes desquels Dieu embrasse! On n'y voit ni couronnes ni sceptres." François Villon (Pauvre, je suis)

- "Vous êtes prêts à tout obéir, tuer, croire. Des comme vous le siècle en a plein ses tiroirs. On vous solde à la pelle et c'est fort bien vendu" Aragon (Ce qu'il m'aura fallu de temps pour tout comprendre)

- "And honey I miss you and I'm being good and I'd love to be with you if only I could" Bobby Russell (Honey)

- "And I need a good woman, to make me feel like a good man should. I'm not saying I am a good man Oh but I would be if I could" Fleetwood Mac (Man of the World)

- "Je ne comprends pas ces gens qui peuvent s'installer n'importe où quand je cherche inlassablement avec la tête fermée que tu connais l'endroit où je retrouverai mon enfance" Jacques Bertin (Colline)

vendredi, mai 28, 2010

Un brouillon

Je suis encore loin d'une version finale, reste que ça fait la quatrième fois que je fais une variation sur ce thème et que donc à terme j'aurai au moins un premier chapitre. Voilà donc l'une de ces variations (ou le début).

Elle avait les cheveux bruns, tirant vers le roux, la taille fine. Il avait déjà envie d'elle alors qu'il venait à peine de rentrer dans la pièce. Son membre se tendait. Son être entier semble ainsi s'étirer, chercher à l'atteindre plus vite. Il ferma la porte et attendit. Il avait besoin de la toucher, cela faisait si longtemps. Elle crispa ses épaules lorsqu'elle l'entendit, elle savait que c'était lui. Elle avait toujours eu ce don pour le sentir, le lire comme s'il était transparent pour elle. Cela l'avait désarçonné au début, lui qui se trouvait si malin, si secret.

Il ouvrit la bouche pour murmurer son nom, sa main se leva lentement, anticipant la caresse qu'il lui donnait déjà en songe. Mais elle se tourna brusquement, brisant le rêve éveillé, le ramenant à la triste réalité.
"Vas-t-en, je ne veux plus te voir Romain, tu ne comprends pas?" Elle se jeta sur lui, ses yeux rougis par les pleurs. Depuis qu'elle sait que je vais venir pensa-t-il amèrement. Autrefois, il l'aurait prise dans ses bras, l'aurait laissée le frapper de ses petites mains délicates, il aurait emprisonné sa taille, ses mains l'auraient caressée, sa bouche aurait cherché ses lèvres pour faire taire ses faibles mots de protestations. Peut-être aurait-il alors glissé sa main entre ses jambes, ou l'aurait-il jetée sur le lit où elle serait tombée en soumission. Tout cela changerait son "non" offusqué en "oui" suppliant.
Il l'aurait prise et elle aurait pleuré de joie cette fois. Autrefois. Mais pas aujourd'hui. Sa lettre lui avait glacé le coeur et même s'il l'aimait et la désirait toujours autant il n'arrivait plus à le lui imposer. Il ne pouvait pas la forcer à l'aimer si elle disait en aimer un autre. Même s'il savait qu'elle l'aimait encore. Mais à quoi bon?

Un mari ça se trompe, on le connait, on l'aime tendrement, on y est attaché mais il a perdu le pouvoir de la nouveauté, un prétendant c'était une toute autre affaire, peu importe son statut, son origine (il le haissait déjà), il avait du pouvoir, de quoi séduire, mentir et éblouir.
Un autre amant que lui, plus présent, plus proche, plus réel donc qui lui enlevait son unicité à lui, sa place de roi dans ses yeux à elle et surtout dans son coeur. Il aurait dû se battre comme le font les coqs et les chiens mais il était trop digne pour ça, même pour elle. Il ne voulait pas être différent de celui qu'elle avait aimé. Elle lui avait dit qu'elle l'aimait encore et il n'avait pas compris. Elle l'aimait oui mais par défaut sans qu'il ait droit au chapitre. Elle aimait comme on aime une peinture et non ce qu'elle dépeint et encore moins l'artiste.

Lui il l'aimait du désespoir car malgré tout ce qu'il avait dans la vie, il ne voulait qu'elle et quelqu'un la lui avait prise, non pire, elle s'était donnée. Un premier venu, un peu intelligent, très charmeur, un homme bon probablement si on avait confiance à son jugement mais un autre homme quand même. Il avait souffert quelque temps enfermé, décidé à vivre sans elle, à vivre malgré elle.
Mais il n'y arrivait pas vraiment, alors il était venu la voir.

Et là, ici, il comprenait enfin qu'elle avait mal, ou qu'elle avait eu mal et qu'elle avait une autre façon que lui de le vivre. Cela l'attrista et il grimaça. Sa main se portant instinctivement à son ventre et puis il sentit les larmes couler sans avoir eu le temps de les retenir mais malgré toutes ses envies de la supplier, de la tenir, de se fâcher et de la prendre là il ne fit rien. Il se força à sourire et dit "Je comprends, c'est probablement mieux ainsi". Il s'effaça lentement, regardant leur image se séparer dans le miroir plutôt que de sonder ses yeux, qu'elle avait comme lui, bleu gris, de peur d'y voir une lueur d'espoir, de désir. La porte se referma sans qu'il embrasse à nouveau cette bouche parfaite. La porte se referme et l'oubli prit le pas. L'oubli complet.

Je clignai des yeux, lentement d'abord, l'espace semblait s'agrandir autour de moi, l'air se rafraîchir, la lumière envahir ma vision, m'aveuglant comme le fait le soleil lorsqu'on viole une chambre de malade en ouvrant les rideaux. Je portai une main protectrice à mon visage, j'essayai à tout le moins. Mon bras resta mollement pendu à mon côté, inerte, alors que les sensations reprenaient droit sur mon corps. La douleur et les fourmis se répandaient à travers moi, je grimaçais. Ankylosé, je pris le temps de regarder alentours. Une forêt insoudable, fraîche, presque froide, inextricable, enchevêtrée, le soleil ne perçant pas la frondaison. J'avais l'impression de sentir l'humus jusqu'ici car tout en elle respirait la putréfaction, la décadance.

Je toussai, sans trop savoir pourquoi, le soleil, la fraîcheur, le corps qui reprenait ses droits par une réaction instinctive et protestatrice.

Lentement mon regard se déporta vers sa droite, sur la plaine coulant entre moi et la forêt, moi sur ma souche, la plaine se cabrant au soleil et s'étirant dans le lointain, grimpant en colline douce où se creusait un chemin de terre brune. Là bas, la route, là se trouvait le destin, je le sentait car en haut de la colline se dessinait une innocente auberge croisée de colombages rassurants, humains, tout comme la fumée à peine perceptible qui paraissait hors de la maigre cheminée.
"Vous voilà enfin revenu dans le monde des vivants?" Je sursautai sur place, tentai de me retourner, en vain, les jambes encore endormies ne m'obéirent pas et je m'affallai mollement sur le côté dans l'herbe tel un pantin auquel on avait joué un mauvais tour et dont on s'était lassé.
Je ne me souvenais de rien, sauf de ce songe, de ce souvenir, cet amour qui me brûlait déjà les entrailles pour une femme dont je ne connaissais même pas le nom. Dont je ne connaissais rien sauf les cheveux, la bouche, les yeux, un corps que j'arrivais presque à sentir sous mes doigts. Mais le pire c'est que j'en savais encore moins sur moi-même. La panique me prit à la gorge. Ma mémoire avait été complètement effacée.