A few thoughts, a few sayings

-"Je suis celui qui te connais quand tu fuis jusqu'au bout du monde" Jacques Bertin (Je suis celui qui court)

- "Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..." Saint-Exupéry (Petit Prince)

- "Et le plus beau, tu m'as trahi. Mais tu ne m'en as pas voulu" Reggiani (Le Vieux Couple)

- "We all got holes to fill And them holes are all that's real" Townes Van Zandt (To Live is To Fly)

- "Et de vivre, il s'en fout, sa vie de lui s'éloigne... Tu marches dans la rue, tu t'en fous, tu te moques, de toi, de tout, de rien, de ta vie qui s'en va." Jacques Bertin (Je parle pour celui qui a manqué le train)

- "I thought that you'd want what I want. Sorry my dear." Stephen Sondheim (Send in the clowns)

- "Pauvre, je suis de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace. Mon père jamais n'eu grand richesse, Ni son aïeul nommé Orace. Pauvreté nous suit à la trace, sur les tombeaux de mes ancêtres, Les âmes desquels Dieu embrasse! On n'y voit ni couronnes ni sceptres." François Villon (Pauvre, je suis)

- "Vous êtes prêts à tout obéir, tuer, croire. Des comme vous le siècle en a plein ses tiroirs. On vous solde à la pelle et c'est fort bien vendu" Aragon (Ce qu'il m'aura fallu de temps pour tout comprendre)

- "And honey I miss you and I'm being good and I'd love to be with you if only I could" Bobby Russell (Honey)

- "And I need a good woman, to make me feel like a good man should. I'm not saying I am a good man Oh but I would be if I could" Fleetwood Mac (Man of the World)

- "Je ne comprends pas ces gens qui peuvent s'installer n'importe où quand je cherche inlassablement avec la tête fermée que tu connais l'endroit où je retrouverai mon enfance" Jacques Bertin (Colline)

mardi, août 28, 2007

Le Vengeur - Chapitre 12. Thibaut - La Fuite

Voilà enfin le chapitre 12. Assez content de voir le troisième cycle (groupe de 5 chapitres) avancer.

Chapitre XII. Thibaut.

Tout avait pourtant bien commencé. Il avait réagit comme à l’entrainement : souplesse, fluidité et rapidité ! Il s’était écarté d’un pas vers la gauche, sa lame tranchant net le bois d’une pique. Le bout de celle-ci était tombé lourdement sur le pont dans un vacarme que Thibaut, dans sa concentration, n’entendait pas. D’un coup sec, il avait repoussé l’autre hallebarde avec le pied, la faisant remonter vers le haut. Son propriétaire surpris fut déséquilibré et tomba à la renverse mais Thibaut s’était déjà retourné. Il écarta une autre pique de son épée. Il était surpris de la facilité avec laquelle tout se passait. Contrairement à lui, ces hommes n’avaient pas eu un entrainement martial depuis le plus jeune âge et malgré l’avantage de l’allonge, le poids de leurs hallebardes rendait le combat presque égal. Ici pas de complication, pas de tournoi, c’était homme contre homme, talent contre talent.
Pourtant il déchanta lorsqu’il reçut un coup de bâton qui l’envoya au sol. Le temps qu’il se relève les gardes étaient sur lui. Celui dont il avait coupé la pique s’était servi de la hampe pour le bastonner. Pas très loyal se disait Thibaut encore sous le coup de la surprise alors que les hommes commençaient à lui donner des coups de pieds dans le ventre.

Malgré sa douleur actuelle il s’estimait chanceux, que serait-il arrivé s’ils n’avaient pas voulu le prendre vivant. Avait-il été trop confiant ? Etait-il aussi incapable qu’il commençait à le croire ? Pourquoi son entrainement n’avait pas fait mention de cette possibilité ?
Il était las. Que faisait-il dans ce cachot ? Que lui voulait-on ? Il se demanda combien de temps il allait devoir rester dans cette cellule aux murs suintant d’humidité. L’attente ne fut pas très longue.
Des pas lourds retentirent dans le couloir et une clé tourna dans la serrure. Il tenta vaille que vaille de se mettre debout. Deux gardes entrèrent sans lui adresser un mot, ils lui passèrent une capuche sombre sur le crâne et lui tirèrent les bras en arrière. Thibaut gémit, son corps le faisait souffrir.
Ils l’emmenèrent sans ménagement au travers des couloirs humides du château. Inquiet, presque paniqué, Thibaut tournait la tête dans tous les sens, ses yeux écarquillés essayant de capter un peu de lumière dans le noir.

Il fut jeté au sol et sa capuche enlevée. Pour le coup, il aurait préféré qu’on la lui laisse. La lumière des torches dansait sur les outils de torture et Thibaut sentit ses genoux flancher sous lui et les larmes lui monter aux yeux. « Non ! Ne faites pas ça. Mon père paiera rançon ! ». On attacha ses poignets à un anneau de métal froid et sombre. Il peinait pour toucher le sol du bout des orteils et se doutait de la douleur qu’il allait ressentir d’ici peu. « Non, je suis Thibaut Montfaucon, vous ne pouvez pas. Je suis un noble. Laissez-moi, je vous en prie. Par Saint Viach non ! » Personne ne réagissait à sa litanie, personne n’avait même un regard de compassion pour lui. Un homme le regardait dans l’ombre et semblait attendre qu’on installe Thibaut. Même dans la faible clarté de la pièce, il pouvait voir la richesse des vêtements de l’homme. Des fils d’or étaient cousus sur sa tunique bleue roi. Probablement le seigneur de Montveilh lui-même. Ca ne pouvait pas être, pourquoi celui-ci voulait-il sa mort ? Comment osait-il défier ainsi l’autorité de son seigneur ? De tels actes envers la noblesse entraineraient des représailles. La famille Montveilh serait rayée des livres d’histoires, trahison envers son seigneur lige, il n’y avait pas de pire crime. Mais tout cela ne rassurait pas Thibaut outre mesure, au contraire, il avait maintenant perdu tout espoir. Il perdit aussi toute dignité quand un prêtre de Péran fit son entrée et que sa vessie lâcha.
Historiquement les prêtres silencieux de Péran ne s’occupaient que des morts, leurs prérogatives s’étaient cependant vues étendues à tout ce qui touchait à la douleur, aux maladies incurables, aux condamnés à mort et aux tortures. On les utilisait dans ce dernier cas lorsqu’on voulait être sûr que ce qui allait être appris par ce biais ne serait pas répété. Les prêtres de Péran avaient en effet tous eu la langue arrachée lors de leur ordination. Le prêtre avait une tunique rouge sang poussiéreuse qui donnait une apparence encore plus sinistre à son regard bleu acier sans âge. Des cheveux blonds soyeux encadraient son visage. « Tel un ange de la mort. » pensa Thibaut.
La peur tenaillait le ventre de Thibaut qui se tortillait à chaque crampe virulente qui le parcourait, la sueur dégoulinait le long de ses bras musclés mais il avait froid. Seule l’urine sur ses jambes le réchauffait un peu. Il n’avait jamais été entraîné pour résister à la douleur, il se doutait bien qu’on allait lui faire avouer n’importe quoi. Probablement quelque chose qui nuirait à son père, Thibaut était encore trop jeune pour avoir un autre seigneur pour ennemi, reste qu’il ne s’était jamais douté pas que son père en avait.
Les gardes saluèrent le prêtre avec déférence. Thibaut eu cependant l’impression d’avoir déjà vu cet homme quelque part. Celui-ci retira sa capuche et Thibaut cru avoir perdu la raison. Le prêtre n’était autre que Roland le regard toujours aussi inexpressif comme s’il ne le reconnaissait pas. Il voulu ouvrir la bouche, demander pourquoi, crier sa haine aux dieux mais sous la surprise rien ne sortit.
Thibaut sentit son sang se glacer encore plus, la trahison de Roland lui insuffla un grand vide au fond de ses entrailles. Celles-ci se réchauffèrent instantanément quand son ancien compagnon attrapa un instrument de torture et le balança à la figure du garde à gauche de Thibaut. Le nez boursouflé de l’homme craqua et sembla se rétracter dans son visage alors que le sang maculait le métal de l’outil.
Roland avait déjà lâché l’outil et planté sa dague dans le gorgerin d’un second garde avant que quiconque ne réagisse. Le dernier garde avait enfin sorti son épée mais cela ne lui servi pas à grand chose.
Thibaut ne put qu’admirer la technique de son sauveur, qui se contenta d’éviter l’épée d’un mouvement fluide et de pousser le garde qui dans son élan alla se cogner contre une vierge de fer avant de s’affaler par terre. Oh il essaya bien de se relever mais Roland lui écrasa la nuque d’un coup de pieds bien senti.
L’homme dans l’ombre n’avait pas bougé mais il avait crié comme un putois « A la garde ! A la garde ! »
Ses cris se terminèrent dans un gargouillis sanglant, un objet (une dague ?) l’avait atteint au visage. Roland bougeait trop vite pour les yeux fatigués de Thibaut et celui-ci s’afférait déjà à le libérer.
- Si tu pouvais éviter de combattre une garnison tout seul la prochaine fois. J’ai pas que ça à foutre que de retrouver mes vieilles fripes pour faire le guignol dans ce taudis humide.
Thibaut ne faisait que sourire béatement en répétant le nom de son sauveur. Il lui sauta aux bras dès qu’il le put.
- Je... j’ai cru. Comment ??
- Plus tard, faut se défiler ! ça va grouiller de soldats.
Ils n’eurent pas le temps de sortir de la salle avant que deux gardes n’arrivent. Il leur fallut une seconde de trop pour comprendre ce qui se passait. De ce temps Roland avait frappé le premier dans l’entrejambe. Le deuxième encore dans l’encadrement de la porte ne pouvait sortir son épée et décida de foncer directement sur son adversaire. Roland eu un mouvement des plus étrange, flottant presque dans les airs un instant, il envoya son pied frapper le menton du soldat là où le casque ne le protégeait pas. L’homme qui allait probablement dire quelque chose claqua ses dents pourries les unes contre les autres, en cassant plusieurs et en se coupant la langue. La douleur le fit s’arrêter pour porter ses mains à son visage.
Ce réflexe permit à Roland de sortir l’épée du fourreau du garde et de la lui renfoncer directement dans le bide. Le garde était gros et Thibaut fut étonné de le voir rentrer autant le ventre sous le choc.
Roland était couvert de sang mais grâce à sa robe celui-ci passait presque inaperçu.
Ils suivirent plusieurs couloirs, Roland semblait savoir où aller et les gardes n’avaient pas encore assez d’informations pour savoir ce qui se passait. Ils passèrent même en courant devant un qui ne réagit qu’une fois qu’ils étaient passés.
C’est donc haletant et poursuivis de nombreux cris qu’ils arrivèrent sur le chemin de ronde.
Celui-ci était désert alors que le château s’illuminait au fur et à mesure. La nuit tombait et Thibaut pouvait apercevoir un certain nombre de gardes, torche au poing, qui sortaient dans la cour.
- Allez, va rejoindre gueule d’amour ! dit Roland en lui montrant un grappin accroché à un créneau.
- Qui ?
- Fonce ! Crotte de saint !

Malgré la peur de tomber, le désir de s’enfuir fut plus grand. Le fait de ne pas voir le ravin en contrebas lui permis aussi de resté concentré sur ce qu’il faisait.
En bas il fut accueilli par la fille qu’ils avaient fait prisonnier et par Philass, un instant il hésita à remonter à la corde craignant un piège. Roland l’avait suivit de peu et lui donna une tape sur le dos.
- On se barre, faut passer la frontière avant que les croteux ne se réveillent. Tu peux remercier Philass pour son tir parfait, du premier coup qu’il nous l’a placé le grappin.
Thibaut ne comprenait pas grand chose à ce qu’il se passait mais il était content que quelqu’un d’autre prenne le commandement. La fille coupa la corde et Philass tendit un morceau de pain à Thibaut.
Celui-ci réalisa alors qu’il était mort de faim.

Ils marchèrent en silence jusqu’a atteindre la sortie du village. Ils y retrouvèrent Luclin et Adian couché au fond d’une charrette sous un paquet de couverture.
Les hommes s’entretinrent à voix basse et Philass gêné vint lui parler :
- Partez vers le Liudmark monseigneur. La situation à changé. Le prince Sigmund est mort et...je ne sais comment vous l’apprendre mais les nobles ...ils ont décrété votre famille responsable. Il est..mort, pendu.
Le monde de Thibaut s’écroula.
- Il vous faut fuir, vous êtes recherché pour haute trahison. Votre famille à perdu tout ses biens et doit être exilée.
- Père ? Non, ce ne peut pas être vrai non !
Les larmes coulaient le long de ses joues et il sanglotait.
- Ne perdez pas espoir jeune seigneur. Partez ce soir, Roland et Luclin vous accompagneront et...elle aussi. Roland vous expliquera. Mais il vous faut partir. Je vais amener Adian en lieu sûr et puis j’essaierai de venir en aide et d’apprendre ce qui est arrivé à votre famille. Je ne crois pas qu’il leur soit fait du mal, on ne peut accuser une femme et des enfants n’est-ce pas ?
Il accompagna cette remarque d’un regard appuyé sur leur ancienne prisonnière. Thibaut le remarqua à peine, occupé qu’il était à pleurer.
- Je vous retrouverai. Roland est quelqu’un plein de ressources, il saura vous aider.
Ils se séparèrent ainsi, Philass menant la charrette le long de la route royale, l’obscurité les recouvrit vite.

Thibaut et ses compagnons partirent vers le nord. Ils passèrent la frontière en douce à travers la plaine. Roland les poussant de l’avant pour qu’ils soient de l’autre côté avant le lever du soleil.
Lorsqu’ils s’arrêtèrent enfin dans un sous bois, Thibaut s’affala par terre. Trop épuisé pour parler ou pour pleurer même. Il n’arrivait pas à réaliser tout ce qui s’était passé ces derniers jours et il se sentait vide. Les autres le laissèrent tranquille et Roland ne pipa même pas un mot lorsqu’il lui apporta de quoi manger. La fille s’approcha alors de lui et lui dit avec un très mauvais accent:
- Moi ...Frida...désolé toi. Liudmark maison.
Il hocha la tête, absent, en pensant « gueule d’amour ». Il pouffa et eu son premier sourire depuis ce qui lui sembla être une éternité.


©2006-2007 Avenger

Le Vengeur - Chapitre 11. Arnulf - Les Taureaux

Je viens de réaliser que je n'avais pas posté le chapitre 11 ici. Pourtant ça fait quelque temps qu'il a été écrit. Donc voici en retard...le chapitre 11 :). *TADA!*
Encore désolé.

Musique d'inspiration: Cultus Ferox - Binder Sänger

Chapitre XI. Arnulf « Lapin-Tordu »


Arnulf était accroupi, sa main tâtait le sol du bout des doigts : une bonne terre. La tribu des Lions n’avait jamais pris la peine de cultiver ni même de dépasser le stade de l’élevage de chèvre. La forêt et la chasse subvenaient à leurs besoins.
Il en était tout autrement pour la tribu des Taureaux. Le sol était cultivé par toute la communauté et les élevages de bovidés pullulaient. Il renifla dédaigneusement. Il n’était d’ailleurs pas le seul à le faire depuis leur arrivée ici. Les Lions étaient trop fiers pour s’abaisser à passer leurs journées pliés en deux afin de retirer des mauvaises herbes. Il pouffa, comment pouvait-on même considérer des herbes « mauvaises ». Les dieux avaient tout créé, rien ne pouvait être mauvais. La loi du plus fort voilà la seule qui comptait en ce bas monde.
Arnulf se releva, son armure cliquetant un peu, il en resserra les lanières de cuir. Il fit jouer les muscles de ses jambes, mécontents d’avoir été trop longtemps accroupis.
Les Taureaux étaient peut-être trop présomptueux envers les Dieux mais ils étaient encore forts et têtus.
Il avait décidé de s’occuper d’eux en premier. Il espérait que Wilema avait été efficace pour convaincre leur chef. Les hommes de la tribu des Taureaux portaient bien leur nom, les cheveux ras, un cou énorme et un front buté. Leurs bras, terminés par des mains qui pouvaient arracher la tête d’un homme, effrayaient même les ours. Enfin ça c’était ce qu’on racontait au coin du feu. Son père avait toujours vanté le mérite de ces hommes au combat.
Mais au fond de lui, et tant qu’il ne devrait pas les affronter, il n’en avait cure. Il avait bien plus besoin de leur réputation que de leurs guerriers. Si les taureaux le suivaient, les autres tribus rejoindraient sa quête. L’important maintenant était de ne pas les offenser.
La lueur du soleil levant apparut à l’horizon. Un petit vent doux balayait les hautes herbes de la savane. Il inspira profondément et donna le signal d’un geste de la main.
Ses guerriers se relevèrent en demi-cercle autour de lui.
La configuration choisie était celle hautement symbolique du Lion. Les hommes étaient disposés selon un dessin qui formait une gueule ouverte prête à happer le petit village en face de lui. Enfin ça c’est que les oiseaux devaient voir, d’en bas on aurait pu croire à un amas d’hommes désordonnés. Il n’en était rien. Arnulf était disposé au milieu. Lui et quatre autres guerriers étaient la langue du Lion. Un endroit dangereux si l’ennemi tentait de percer l’encerclement en son centre mais rares étaient ceux assez stupides pour tenter cela.
Les Taureaux n’étaient cependant pas vraiment connus pour leur sagesse. Au combat tout était possible.
La formation du Lion était efficace pour faire peur à un ennemi en sous nombre, celui-ci n’étant pas encore encerclé tentait de s’échapper avant que les « crocs » ne se referment. C’est là que la « griffe » frappait ! Une bonne dizaine d’hommes attendaient dans ce but de l’autre côté du village. Cachés au milieu des champs, javelots en main, ils étaient là aujourd’hui au cas où les choses tournaient mal.

Arnulf leva sa hache, haut dans le ciel. Les hommes frappèrent tous en rythme de leur arme sur leur bouclier, deux fois « Clac Clac ». Le bruit de tonnerre fit s’envoler les oiseaux cachés dans les herbes. Les hommes derrière Arnulf firent jouer du biniou, cinq notes stridentes. Les guerriers reprirent le rythme « Clac, Clac ».
Le village devait être réveillé maintenant ou alors les habitants étaient déjà morts. Arnulf baissa sa hache et tous s’arrêtèrent.
Et il chanta accompagné d’une seule flute au son plaintif.
Il entonna le chant dans la langue des anciens afin d’ajouter encore plus d’importance à ses dires :
« Wer die alle säht, wer die zu ehre ten erfassen
Grusse herm und kleine spasse haben, immer trözand
Stir mit jongen magd einkommen
Aus Deiden fur wis bluden moritat».


Les autres guerriers reprirent alors la suite en chœur. Les binious appuyant encore plus l’appel. Une centaine de voix d’hommes chantant dans le petit matin. Arnulf en frissonna mais continua le couplet :
« Grusse herm und kleine spasse haben
Witten kieloben tribe das zee an land
Ist auch nocht Burgans kast bekomen
Aus Deiden fur wis bluden moritat».


Le chant se termina et mourut sur la plaine.
Il venait d’inviter les Taureaux à se joindre à leur quête divine. La traduction aurait pu donner ceci:
« Tout ceux qui sont ici, ceux qui la gloire veulent saisir
Larges casques ou petites lames, fiers toujours
Jeunes taureaux répondez à l’appel
Les Dieux réclament des morts sanglantes

Larges casques ou petites lames
Allons combattre par delà les mers et les terres
Les Burgans partent en quête ce soir
Les Dieux réclament des morts sanglantes
»

Il attendit, anxieux. Allait-il être ignoré là toute la journée pour avoir osé réveiller la tribu de ses beuglements ? Les Taureaux allaient-ils croire à un affront de la tribu des Lions et foncer tête baissée et armes hautes ?
Les mains d’Arnulf était moites, sa gorge picotait d’avoir chanté si fort par un matin si frais.
Il avait besoin de cette tribu, de leurs guerriers, de leur prestige ainsi que de leurs montures. Il n’allait pas pouvoir faire tout le chemin vers le sud à pieds. Tous les guerriers grognaient déjà d’avoir marché sans arrêt les deux derniers jours. Sûr de lui, il avait aussi compté sur l’aide des Taureaux pour le ravitaillement, un échec maintenant serait catastrophique pour le moral.
Alors il les entendit. Doucement, des voix montèrent du village reprenant son chant.
Arnulf soupira de soulagement. Tous ensembles, ils chantèrent ainsi dans le matin. Il sentit des larmes lui dégouliner le long du visage et de sa barbe naissante. Des hommes allaient bientôt mourir. Tous les savaient, les femmes chantaient quand même sans ciller alors que leur maris allaient partir. Ce qu’il était fier d’être Burgans.

Lorsque les voix commencèrent à s’érailler et les musiciens à s’essouffler, les membres de la tribu des Taureaux sortirent du village. Les femmes portant des paniers de fruits et les hommes des peintures de guerre. Ils s’étaient préparés tout en chantant, Arnulf espérait que les autres tribus seraient aussi faciles à convaincre.
Pourtant les formalités n’étaient pas finies. Il allait maintenant y’a avoir un banquet ainsi que des négociations entre chefs.
Celles-ci ne se passèrent pas vraiment comme il l’avait espéré. L’autre chef, Adalrik, faisait le difficile et refusait d’accorder plus de trente bêtes à l’expédition. Trente pauvres bisons ! Arnulf se demandait vraiment ce qu’il allait pouvoir faire avec ça, c’était à peine suffisant pour emmener le matériel et la nourriture. Il allait devoir compter sur d’autres tribus pour lui fournir des montures. Adarlrik resta intraitable et l’alcool le rendait irritable. Arnulf pris congé et s’éloigna un peu du village et de la fête qui battait son plein.
Il s’assit dans les hautes herbes et contempla la lune. La mélancolie le gagna. La quête allait probablement être difficile et il n’avait aucune idée de la logistique à déployer pour faire vivre une armée en campagne. Son père lui manquait, il avait toujours été de bons conseils. Lapin-tordu pourrait-il jamais être à la hauteur de Lion-Brisant ? Il en doutait.

Un bruit d’herbe écrasée le fit sursauter. Il porta la main au couteau passé à sa ceinture. Son regard se fit d’acier et son corps se figea, prêt à sauter sur la moindre bête ou le moindre ennemi qui passerait à sa portée. Les bruits se rapprochaient et il aperçut deux yeux orangés qui le fixaient, il se tendit. Un chat sauvage ou….Non ! Ce n’était pas possible. « Bonsoir beau guerrier » quelqu’un lui mordilla l’oreille. Il se détendit, projetant sa main pour attraper la gorge de l’intrus mais son mouvement n’avait pas été assez rapide et il n’attrapa que le vide.
- Toujours aussi impétueux. Grrrr appétissant !
Face à lui, une femme presque nue et recouverte de tatouages. Sous ses cheveux courts en bataille, des yeux félins et rieurs. D’autres ombres se relevaient tout autour.
- Alwin ? demanda t’il incrédule.
- Je savais que tu ne m’avais pas oubliée.
- Que fais-tu ici ?

Il se remémora alors cette nuit, il y’a dix ans. C’était sa première fois. Une nuit torride qu’il n’oublierait probablement jamais.
La tribu des Panthères était composée exclusivement de femmes. Il n’avait jamais compris pourquoi les anciens toléraient une telle aberration, probablement parce que comme lui ils avaient eu une nuit spéciale dans leur jeunesse. Comme elles ne pouvaient évidemment pas se reproduire entre elles, les Panthères enlevaient des jeunes garçons prometteurs aux autres tribus dans un but de reproduction.
Les parents fermaient les yeux et en échange tout enfant mâle qui naissait de ces unions était offert aux couples ne pouvant enfanter. Les Panthères étaient farouches et caractérielles. Arnulf n’avait jamais compté leur demander leur aide pour la quête, il semblerait que Wilema aie été d’un autre avis. Il pesta intérieurement, il aurait dû s’y attendre. Les problèmes ne faisaient que commencer.
- Tu es encore plus beau aujourd’hui, tu as encore pris du muscle.Alwin se rapprocha et voulut lui caresser le torse. La lueur de la lune faisait ressortir ses seins nus et Il se sentit gêné.
- Tu as bien changée aussi, tu n’es plus la petite peste d’il y’a dix ans. Dit-il en reculant d’un pas.
Elle rit.
- Je te plais n’est-ce pas ? Si tu n’as pas trop vieilli et que tu sais encore m’attraper peut être que…
- Je suis marié aujourd’hui.
- Je le sais bien sûr, et alors ? Le mariage t’aurait-il fait perdre ta virilité ?

Elle lui attrapa l’entre jambe et il la repoussa violemment.
Elle tomba à la renverse, un éclair de colère dans les yeux
- Tu es aujourd’hui plus aigri que naïf, Arnulf Lapin-Tordu
Il eut un réflexe et son bras partit prêt à frapper. Il retint son geste.
- Ne m’appelle pas comme ça. J’aime ma femme et je la respecte. Je répète ma question. Que fais-tu là ?
- Je croyais aussi que tu étais homme à respecter ta propre fille mais tu ne t’en es jamais inquiété.
Ces paroles le blessèrent, il s’était toujours demandé si cette nuit avait eu des « conséquences » de ce type. Il se rendit compte qu’il avait toujours sut que c’était le cas mais qu’il avait préféré ne rien savoir.
- Comment s’appelle-t-elle ?
- C’est un peu tard pour s’en inquiéter.
- COMMENT S’APPELLE-T-ELLE ?
Il réalisa que la fête s’était arrêtée avec l’arrivée des intrus et qu’il venait de crier à travers toute la campagne.
- Léa…
Il sentit des larmes monter à ses yeux, Léa était le nom qu’il avait toujours voulu donner à sa fille s’il en avait une. Il le lui avait dit cette nuit là entre deux ébats.
- Je suis dés…
- Nous ne sommes pas là pour ça et tu le sais. Les Dieux t’ont appelé, tu as sans doute cru pouvoir mener une telle quête sans nous. Wilema t’avais bien dit qu’elle préviendrait TOUS les chefs. Les Panthères ont autant le droit que les autres clans de servir les Dieux.
Elle lui tourna le dos et s’éloigna, fière et belle.
Il savait qu’elle avait raison bien sûr. Lui refuser le droit de participer à la quête serait la plus grande offense qu’il pourrait faire et il risquait de s’aliéner ainsi tous les autres clans. Pourtant il craignait déjà les conséquences. Soixante femmes sauvages et nues au milieu de deux cents hommes en campagne, il risquait d’y avoir du rififi au retour à la maison.
Ils partirent vers le village, l’heure n’était plus à la fête. Les femmes Taureaux emmenaient leur mari à la maison, la jalousie était déjà à l’œuvre. Enlever des garçons de quinze printemps soit, mais partir avec les maris pendant qu’elles devaient garder les enfants et s’occuper du village. La pilule était amère à avaler et les problèmes ne faisaient que commencer. Cette nuit Arnulf se sentait terriblement seul.


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Le Vengeur - Chapitre 10. Guylhom - Saint-Royan

Et voici le chapitre 10 (vu que le 8 avait déjà été posté fin mai).
On retrouve donc Guylhom qui continue son chemin initiatique.
J'espère que vous l'apprécierez autant que lui.

EDIT: Je me suis un peu emmêlé les pinceaux. Le Chapitre 9 sera posté + tard.


Chapitre X. Guylhom
Guylhom ouvrit les yeux et cilla plusieurs fois. La lumière lui était douloureuse et il voyait flou. Il resta allongé quelques minutes et laissa sa vision s’adapter à son environnement. Le feuillage au dessus de lui oscillait au rythme du vent. Que faisait-il donc en forêt ? Etait-il vivant ?
« Que …que se passe t’il ? » Sa voix croassait et sa gorge était sèche.
Le monde semblait pulser autour de lui et la lumière lui semblait trop éclatante. Il frissonna et réalisa alors qu’il neigeait, de petits flocons descendaient doucement d’un ciel blafard. Tout cela semblait irréel, il était probablement encore en train de rêver au monastère. Les marées empêchaient quiconque d’en sortir avant la fin du mois de toute façon.
Un flocon lui atterrit sur la joue, fondant doucement à la chaleur de sa peau.
Il réalisa alors qu’il ne rêvait pas, qu’il n’était probablement pas mort et que d’une façon ou d’une autre on l’avait amené ici. Il était allongé sur une couverture qui le protégeait du froid.

La nausée commençait à disparaître et il s’appuya sur les bras pour s’assoir. Il jeta un regard circulaire sur la clairière. Le paysage n’offrait qu’une haute futaie à perte de vue. Il lui semblait voir la forêt refluer comme une vague pour ensuite revenir à sa place. Quand allait-il se débarrasser de ses problèmes visuels ?
Pourtant ce n’était pas si désagréable que ça, il avait l’impression de voir la vie s’épanouir, de sentir battre le cœur des choses. Cela le réchauffait et il se sentait bien, juste un peu perdu.
A son côté, une épée, il sût immédiatement qu’elle avait été forgée pour lui. La lame était marquée d’une feuille de lierre. Il sourit, l’image lui remémorant la cérémonie. Que cette femme mystérieuse lui avait paru belle. De son esprit, remontèrent l’image du galbe de ses jambes, de la forme de ses…
Il partit en arrière, d’un coup tout était devenu noir et il avait senti une douleur sourde derrière la tête. « Non ! » Il rouvrit les paupières, d’où pouvait bien sortir ce murmure ?

Il inspira profondément et tourna la tête de l’autre côté. Une armure d’un blanc immaculé l’attendait sur un mannequin de bois. Il resta bouche bée devant cette œuvre d’art. Elle aussi avait été forgée sur mesure, des serpents, gueules ouvertes, ornaient les genouillères et des motifs végétaux la parcouraient. Elle était neuve, polie à l’extrême. Il l’effleura d’une main craintive. Ce devait être un rêve ! Il réalisa alors qu’il s’était levé et que les vertiges semblaient avoir disparu.
Le monde pulsait encore sous son regard mais de manière plus discrète.
Jamais il n’avait espéré être chevalier de Saint Royan, prêtre, oui ! Mais chevalier ? Il n’avait même jamais eu d’entraînement à l’épée. Un seul chevalier était nommé tous les demi siècles et, pour ce qu’il en savait, le dernier avait été désigné il y’a à peine dix ans. Que se passait-il donc ici ?
Pourtant il ne pouvait se tromper, seuls les chevaliers de Saint Royan portaient une armure blanche. Il devait y avoir erreur sur la personne. Que c’était-il donc passé après la cérémonie ?
L’armure et l’épée n’était pas les seuls dons à sa disposition. Un bouclier en forme de feuille de lierre rêvait d’armer son bras. Sous une toile cirée, des sacoches remplies de nourritures ainsi qu’une selle neuve attendaient son bon vouloir. Manquait plus qu’à trouver un cheval.
« Ceyan… » Le monde redevint noir et la douleur lui parcourut l’échine à nouveau. Devenait-il fou ? Où était-il encore étendu sur les dalles de pierre de la nef, délirant en accueillant la mort ?
Il se souvint soudainement de l’éclat qu’il avait entraperçu à la fin de la cérémonie. « L’épée du guerrier ? » Il souleva sa chemise de lin pour s’inspecter le torse. Une longue cicatrice boursouflée lui barrait la poitrine. Il n’avait donc pas rêvé, on l’avait bien transpercé de l’épée mais alors…pourquoi était-il encore en vie ? Trop d’énigmes ! Il en eut mal la tête.
Il entendit des feuilles bruisser et releva la tête. Vision de rêve : entre deux arbres, un destrier blanc et majestueux s’approchait. Ses yeux étaient noirs et aussi sombres que la femme qui occupait ses pensées.
« Voici Ceyan, je suppose… » Il contempla les muscles puissants de l’animal. Sans être spécialiste, il était certain de n’avoir jamais contemplé de plus beau cheval auparavant.
L’équidé avait la tête baissée, il broutait les quelques herbes qu’il trouvait tout en gardant un œil sur lui. Il décida de s’approcher pour caresser l’animal. « Viens là mon beau… » A peine avait-il esquissé un pas que celui-ci partit au galop et s’enfonça dans la forêt.

«Hihihi…» la douleur revint, le petit rire avait explosé dans son crâne.
Il s’écroula sur le sol, accablé. Il se retrouvait chevalier au lieu de prêtre et ce sans aucun entraînement. On lui fournissait un cheval qui ne lui obéissait pas, il était perdu en pleine forêt et pour couronner le tout, il perdait la raison. Une folle envie de pleurer le submergea.
« Shhhhh» Il sentit le vent lui caresser le visage. « Aie confiance » Il releva la tête. « Aie la foi »
- Qui est là ? Que faites vous dans ma tête ?
« Hihihi » Il revit le masque d’argent de la femme et ses yeux de jais qui l’avaient tellement fasciné.
- Vous ? Comment…
« Tu me reviendras ! »
- Est-ce que je rêve ? Que dois-je faire ? Que se pass…« Tu me reviendras ? » La question était insistante.
-
Il réfléchit un instant. S’il était fou, il ne pouvait rien faire d’autre qu’ignorer la voix mais si c’était vraiment elle ? Son corps fut parcouru d’un frisson rien qu’au souvenir du désir qu’il avait éprouvé cette nuit là.
- Oui !
« Va alors…Ceyan te mènera »
Il était resté assis, les yeux dans le vide durant tout l’échange. La douleur s’était atténuée. Lorsqu’il releva la tête, il vit que la neige avait cessé de tomber et que le cheval était revenu. Celui-ci l’observait et faisait bouger sa crinière de droite à gauche, soufflant bruyamment d’un air mécontent. Eh bien soit, s’il délirait qu’il en soit ainsi. Et si ce n’était pas le cas, il reviendrait et découvrirait le visage caché par ces yeux de jais. Il fallait lui trouver un nom, quitte à être fou autant assumer sa folie jusqu’au bout.
- Hedera ? ça veut dire lierre…
La seule réponse qu’il reçut fut une vague de chaleur lui parcourant le bas ventre. Il supposa qu’elle appréciait.

Il se releva, son mouvement effrayant le cheval à nouveau, celui-ci reculait en renâclant. Il décida de l’ignorer et de s’occuper de son armure. Chaque pièce avait été calculée pour lui aller parfaitement, elles épousaient son corps comme une seconde peau. De plus, un système ingénieux d’attaches lui permettait de l’enfiler entièrement sans aide extérieure. Au bout d’une heure il était fin prêt. Il avait aussi pris le temps de manger un bout et de boire à la gourde qu’il avait trouvée dans son paquetage.
Ceyan n’avait pas bougé d’un pouce même s’il frappait le sol de ses sabots de façon périodique. Bizarrement il n’eut aucun problème à l’approcher et à lui mettre la selle sur le dos.
- C’est l’armure qui te plait hein mon grand, moi tu t’en moques comme de ton premier fer ?
- Brrrffff
Guylhom était fasciné par l’animal. Il se sentait mieux compris par lui qu’il ne l’avait été de la plupart des hommes. Décidemment la vie lui réservait de bien étranges découvertes. Il installa tout son paquetage derrière la selle, ne laissant que le mannequin de bois comme trace de son passage en ce lieu enchanteur.
Il adressa une prière rapide à Saint Royan avant de monter en selle. Il n’était plus monté à cheval depuis ses quatorze ans et jamais sur une telle bête. Après un premier moment de crispation, il sentit le cheval se faire à son poids et jouer des muscles. Ceyan partit d’un pas léger en compensant la plupart des cahots par des mouvements fluides et rapides. Son cavalier se laissa doucement aller et tout sembla alors plus facile. Il comprit sa monture et la façon dont il devait se placer pour épouser le rythme de la chevauchée. Le destrier sembla sentir sa soudaine assurance et accéléra le pas.
Dix minutes plus tard, le cheval fuyait au galop entre les arbres et Guylhom riait aux éclats sur son dos. Il s’abandonnait complètement au plaisir de l’instant et criait des remerciements aux cieux entre deux éclats. Jamais depuis l’enfance, il ne s’était lâché ainsi.
D’instinct, il était devenu le cavalier idéal pour un destrier parfait. Il ne savait pas quels autres dons il avait acquis lors de cette étrange cérémonie mais il se sentait beaucoup moins déprimé.
La liberté avait quelque chose d’enivrant et les mottes de terre que Ceyan faisait voler sous ses sabots donnait l’impression qu’il allait prendre son envol d’un instant à l’autre.
Et derrière son rire d’enfant, derrière son soulagement d’adulte, il sentit un autre rire, plus discret. Celui d’une petite fille aux yeux de jais qui pétillaient de bonheur.

La chevauchée dura plusieurs heures, son dos commençait à le faire souffrir. Les arbres étaient ici plus jeunes. Ils durent ralentir afin d’éviter les branches basses. Arrivé en lisière, il démonta carrément, trop de fougères et de ronces, qui risquaient de blesser Ceyan, leur barraient la route. Il les écarta et pris le temps de mener son destrier par les chemins les plus sûrs. Il marchait à ses côtés, lui flattant le flanc et lui parlant doucement de ce qu’il avait vécu dernièrement.
La forêt laissa la place à de grandes étendues d’herbe jaunâtre. Les vallons succédaient aux vallons à perte de vue. Guylhom s’arrêta, il connaissait cet endroit, il en était presque certain.
Il voulut en avoir le cœur net et malgré que le crépuscule approchait, il remonta sur le dos de Ceyan et le lança au galop.
Le vent s’engouffrait dans ses cheveux et il trouva étrange de n’avoir pas reçu de casque avec l’armure. Il chassa cette pensée et se concentra sur le paysage qui défilait devant lui.
Ils descendirent une colline, en montèrent une autre et au bout d’une heure alors que les derniers rayons de soleil disparaissaient à l’horizon, il le vit.
Un château imposant se découpait dans le ciel, posé sur une colline escarpée et entouré de plusieurs remparts, il surplombait une petite ville. « Liudmark… »
Il tira sur les rênes. « Eh bien mon vieux…je crois qu’on va aller rendre une petite visite à mon père »
Et la voix de Hedera de lui répondre « Ce n’est plus chez toi, tu n’es ici que pour une seule raison, Aelor»
- Qui est Aelor ?
Seul le vent lui répondit.
La ville était hors de portée pour ce soir. Il descendit de cheval, et défit son paquetage. Son cœur était glacé. La liberté n’avait pas duré tant que ça…


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Le Vengeur - Chapitre 9. Orlamund - Etape

Voici une version non terminée du chapitre 9. J'écris moins pour le moment, un peu de mal à trouver le temps et à me replonger dans mon texte.
Reste que je travaille ce chapitre depuis quelque temps déjà, j'en ai refait plusieurs parties sans jamais m'en satisfaire, il est difficile de retranscrire l'état d'hébétement dans lequel se trouve Orlamund et d'arriver en même temps à rendre le chapitre utile. De plus comme toute histoire, celle ci continue d'évoluer dans mon esprit et j'apporte parfois certains changement dans mes plans futurs, changement que je dois rendre le plus discrets possibles. Bref encore beaucoup de questions et d'intérogations quant à ce chapitre dont voici la première version:

Chapitre IX. Orlamund

La lumière l’aveugla et lui fit instinctivement tourner la tête. A chaque fois, c’était pareil. Sortir de l’isolement de sa malle était un calvaire et une libération à la fois. La faible lumière du crépuscule passant au travers des vitres teintes lui agressait les yeux tel un soleil de midi. Ses muscles la foudroyaient chaque fois qu’elle tentait de se relever et elle n’arrivait pas à s’extirper de sa prison sans aide.
Elle respira profondément, l’odeur poussiéreuse de la pièce lui fit l’effet d’un grand bol d’air pur. Des relents d’urine montèrent de ses vêtements. Les autres fronçaient les yeux ou détournaient leur visage quand ils s’approchaient. Elle en aurait presque rit si la situation n’avait pas été à ce point désespérée.
Que croyaient-ils donc ? Princesse ou pas, elle devait se soulager comme les autres.
La première semaine, elle avait pu sortir deux fois par jour de sa malle, se dégourdir les jambes et faire ses besoins, se rafraichir un peu même. La femme, Sylène, s’occupait d’elle et empêchait Devian d’être trop insistant. Elle n’avait pas réussi à tirer grand chose de ces courtes promenades. A peine libérée, elle se jetait sur la nourriture offerte et était remise en coffre dès la fin de son repas.
Ils avaient failli être découverts, du moins le supposait-elle. Des cavaliers étaient passés près de la troupe alors qu’elle était au dehors. Depuis, elle ne sortait plus qu’à la nuit tombée et toujours à l’abri des regards. Son père devait remuer ciel et terre pour la retrouver. C’est en tout cas ce qu’elle espérait de tout son coeur pendant les longues heures passées enfermée. L’angoisse la saisissait parfois et elle tambourinait alors sur les parois capitonnées. Peut-être l’avaient-ils abandonnée quelque part ou avaient-ils décidés de ne plus la laisser sortir du tout?
A chaque fois, ses « excès » étaient punis le soir même par un séjour à l’air frais plus court qu’à l’accoutumée. Elle craignait le jour où ils lui jetteraient les miettes de repas directement dans la malle sans même la laisser sortir. Elle n’avait plus aucune velléité de s’enfuir, sa seule tentative avait été un échec et Sylène lui avait promis qu’elle laisserait Devian s’occuper d’elle la fois suivante.
Oui, elle le craignait toujours autant, persuadée que ce malade allait la violer à la moindre occasion. Mais depuis qu’elle était obligée de se faire dessus, qu’elle ne pouvait plus peigner ses cheveux ou se laver, il faisait semblant de ne pas s’intéresser à elle. Il était probablement occupé ailleurs par ses compères pour éviter de nouveaux problèmes. Il continuait pourtant à hanter ses cauchemars.

Elle rêvait beaucoup, du temps où elle était encore en sécurité au château, du plaisir qu’elle prenait à se cacher pour retrouver Vance qui la couvrait d’attentions. Etait-il vraiment mort ? Avait-elle imaginé cet épisode de sa vie? Elle avait tant de difficulté à se souvenir de son visage. Comment pouvait-on oublier un amour aussi vite ? Orlamund était perdue. Entre les moments où elle fixait l’obscurité perdue dans ses pensées, ceux où elle dormait bercée par les cahots de la route et ceux où elle avait l’impression de dormir, les jours se suivaient et se ressemblaient. Reverrait-elle jamais le château d’été ? Tout se bousculait dans sa tête, parfois elle arrivait même à se persuader que c’était son père qui l’avait fait enlevée pour éviter un esclandre.

Elle n’avait réussi à réunir que peu d’information sur ses ravisseurs mais ils venaient probablement de Liudmark, ils n’auraient pas parlé d’un prince sinon. Mais un prince se comporterait-il vraiment de cette façon pour enlever une princesse ? Les comtes ne racontaient jamais les choses ainsi. Peut-être étaient-ce un prince du crime, une sorte de chef de guilde. Mais que lui voulait-il ? Cette « expérience » lui faisait réaliser son ignorance du monde. Et le fait qu’on appelle le commanditaire de cet enlèvement « prince » ne la rassurait pas outre mesure.

Un repas, déjà froid probablement, l’attendait sur une petite table, l’assiette était entamée mais elle en avait l’habitude. Alors que Sylène l’aidait à sortir de la malle (son cercueil pensa Orlamund), Frolin, le frère de Devian, la regardait. Ses bras puissants croisés sur le torse, adossé contre le mur à côté de la porte. Elle fit quelques pas hésitants dans la pièce, ses jambes la lançaient et manquaient se dérober sous son poids. Des paillasses étaient installées pour six personnes, dire que Orlamund n’en avait jamais vu plus de quatre. Elle ne tenta pas d’ouvrir la bouche, seul un silence butté lui répondrait. En approchant de la fenêtre, elle aperçut vaguement une rivière sombre en contrebas et un petit pont qui l’enjambait vers d’autres maisons en colombage. Frolin se redressait déjà au cas où elle aurait tenté de s’enfuir, elle s’éloigna alors à regret de cette fenêtre vers la liberté.
Elle releva légèrement ses jupes pour s’assoir sur le pot de chambre. La gêne n’était plus aussi présente qu’avant et elle gardait autant de dignité que possible dans un cas pareil. Son père aurait probablement dit qu’une princesse plie les autres à sa volonté et ne s’abaisse pas ainsi à se déshonorer. Cette pensée la fit presque sourire.

Elle était en train de se sustenter en rognant la graisse qui restait sur le jarret d’agneau, lorsque Devian entra en trombe. Il bouscula Frolin au passage, jeta un regard froid à Orlamund et s’adressa tout bas à son frère. « Des soldats, partout, tout partout. Saloperie d’gendarmes, toujours pareil, quand c’est pour les riches ils sont sur les dents. Faut s’barrer fissa
A peine achevait-il sa phrase qu’on entendait des pas lourds dans l’escalier. Frolin sortit son arme alors que son frère ouvrait la fenêtre. Sylène semblait perdu, elle serrait le bras d’Orlamund de plus en plus fort. La porte explosa littéralement d’un coup de hache. Des pieds et des bras passèrent accompagnés de cris, le malabar frappa au hasard et du sang gicla. Une lance fit son apparition par l’ouverture, obligeant Frolin à reculer.
Fascinée, Orlamund regardait cette porte vivante d’où jaillissait bruit, sang et fer. Elle se sentit tiraillée, d’un côté Sylène la tenait en criant « Laisse là, c’est finit ! Laisse ! », de l’autre Devian. Celui-ci se jeta sur elle, la bousculant pour poignarder la femme au cou. Celle-ci s’écroula comme une poupée de chiffon alors qu’Orlamund s’affalait contre le mur.
Détachée, elle se sentit basculer et d’un coup la pièce s’éloigna, le bruit s’estompa. Etait-elle morte elle aussi ?

Elle atterrit dans la rivière. Ses robes s’enroulèrent autour d’elle, la paralysant et lui bouchant la vue. Elle paniqua. Ses bras tentaient de repousser le tissu gonflé d’air, de trouver une sortie vers la surface. L’eau était trouble et sombre, elle ne savait pas où était le haut et le bas. Les poumons en feu, elle se débattit de toutes ses maigres forces. Encore hébétée de son séjour dans la male, elle avait du mal à comprendre ce qui lui arrivait. Suffoquant, elle tenta d’aspirer de l’air, quelqu’un la tira par les cheveux et elle put enfin respirer. Des hommes de la garde, en livrée rouge, plongeait dans l’eau grise, certains coulant à pic. D’autres couraient sur le pont en bois au dessus de sa tête.
Elle fut tirée sans ménagement sur une embarcation. Couchée au fond de celle-ci, elle regardait le ciel défiler alors que la poursuite s’engageait. Ses ravisseurs, souquant ferme, s’éloignaient du village et les soldats couraient le long de la rive.

Ils n’eurent pas de repos de la nuit, Devian et ses complices couraient dans tous les sens, la tirant d’un côté puis de l’autre. Pressés, ils l’étaient. Ils payèrent des chevaux rubis sur l’ongle et le matin se retrouvèrent chevauchant à travers champs vers la frontière. Bien qu’épuisée, transie de froid et encore hébétée, Orlamund profitait enfin du grand air. Elle inspirait profondément pour capter la moindre odeur.
Ses robes trempées lui donnaient pourtant l’impression de porter une armure car elles étaient encore gorgées d’eau plusieurs heures après son bain involontaire.

Derrière eux, non loin de la ligne d’horizon, elle pouvait apercevoir des formes qui galopaient à leur suite. Elle ne savait où tout ses hommes trouvaient leur énergie, elle s’était évanouie plusieurs fois durant la nuit, grelottante et trempée. Même si la vision de ces hommes déterminés, crevant leurs montures dans le soleil levant lui redonnait du baume au coeur. Voilà de vrais héros dont on compte les exploits dans les chansons pensait-elle. Ils gagnaient du terrain, plus malins que ses ravisseurs ils avaient pensé à prendre des chevaux de rechange. A midi, les visages de ses sauveurs se firent visibles. Leurs chevaux commençaient à ralentir la cadence. Devian et ses complices durent se rendre compte qu’ils n’échapperaient jamais à leurs poursuivants ainsi. Cela faisait maintenant des heures qu’ils se plaignaient du manque de forêt où trouver refuge et la montagne était encore trop éloignée. Il était trop tard pour eux, Orlamund espéra qu’il n’allait pas lui couper la gorge avant d’être rattrapés.

Contre toute attente, les deux complices de Devian, tournèrent soudain bride et armes au clair chargèrent les poursuivants. Orlamund cria un long « NON » plaintif. Elle pleurait. Sa plus profonde peur se réalisait, elle se retrouvait seule avec Devian.
Elle ne sut pas le résultat du combat, elle ne voulait même pas le voir. Comment ses brigands avaient ils pu donner leur vie pour...pour quoi au fait ? Elle continua de pleurer. Elle se serait jetée de cheval si elle l’avait pu mais Devian l’y avait attachée. Coincée contre celui-ci, impuissante, elle pleura sur son épaule se maudissant en même temps de le toucher. Epuisée, les yeux rouges, elle s’endormit.


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Le Vengeur - Chapitre 8. Saymar - Attaque

Bon j'ai quelques petits soucis pour terminer mon chapitre 7. En attendant voici déjà le chapitre 8. Pas encore relu mais Saymar reste pareil à lui même. Attendez vous donc à un chapitre un peu plus sombre que les autres.

Bonne Lecture

edit 17/10/07: première relecture effectuée.

Chapitre VIII. Saymar – Et la nuit on tue

Saymar grelotait presque, allongé dans l’herbe humide. La boue qui lui recouvrait le visage le démangeait. « Surtout ne pas bouger » se répétait-il sans cesse.
La sentinelle n’était plus qu’à quelques pas et lui tournait toujours le dos, dans une poignée de secondes, les nuages allaient cacher la lune et il faudrait agir, vite. Il rampa un peu plus, se rapprochant de sa cible. Entre ses dents, un couteau. Il le serrait tellement fort qu’il était sûr d’y laisser des marques.
Il croisait les doigts mentalement pour que l’homme ne se retourne pas avant qu’il le neutralise.
Les nuages plongèrent doucement la campagne dans une nuit encore plus profonde. Saymar se releva doucement, l’herbe bruissant sous ses pieds. Son couteau en main, il approcha de sa victime. Il s’arrêta une seconde, à peine à quelques centimètres derrière celle-ci. Il avait presque l’impression d’avoir à faire une bonne farce. Le soldat allait-il sentir la présence dans son dos ? Non. Il ne bougeait même pas, appuyé sur sa lance, en train de rêvasser. Saymar l’attrapa d’un coup sec sous le menton. Lui dévoilant la gorge, son couteau prêt à frapper.

A vrai dire, Saymar ne s’était jamais attendu à se retrouver en première ligne. Lorsqu’il avait dévoilé son plan à son « frère », il ne comptait même pas y prendre part. Pourquoi n’aurait-il pas laissé le sale boulot à cette petite bande dépenaillée ? Mais étrangement, plus il avait exprimé son idée aux hommes en face de lui plus il avait vu leurs visages se remplir d’espoir. Ils buvaient ses mots et ce n’était pas si désagréable que ça pour un homme qui n’avait jamais été personne jusqu’ici. Le pire était probablement, qu’au final, il y croyait et voulait prouver aux autres qu’ils allaient y arriver.

Les soldats de Liudmark patrouillaient la grand route en nombre rendant presque suicidaire le brigandage en plein jour et rendant tout aussi impossible le projet de Saymar de fuir et de s’installer ailleurs. Les étrangers n’étaient probablement plus bienvenus en Liudmark pour il ne savait quelle raison.

Il avait proposé d’attaquer le camp des patrouilleurs pendant leur sommeil et d’ainsi diminuer les troupes présentes dans la région, pour un temps du moins.
Bien sûr, l’effet de surprise ne marcherait qu’une seule fois et à trente contre deux cents il ne fallait pas espérer de miracles. Mais ça porterait un grand coup aux troupes Liudmarkiennes que ce soit au niveau des hommes ou du moral. Ils s’étaient entraînés pendant quinze jours. Quinze longs jours passés à ramper sans bruits dans la forêt et à tenter d’approcher Haytor sans se faire remarquer.
Rien que d’y penser, il avait mal aux côtes, Haytor ne retenait pas ses coups et il avait bien fallu ces quinze jours à Saymar pour enfin arriver à le maitriser. Saloperie d’ancien soldat.
Tout ce temps pour avoir dix hommes assez discrets pour éliminer les sentinelles. Et encore, le seraient-ils le moment venu ? Le fait est que Saymar n’avait pas assez confiance aux autres pour mener à bien l’opération sans lui et qu’il s’était proposé lui-même pour faire partie du groupe qui allait éliminer les sentinelles. Quel imbécile ! Lui et sa grande gueule.

Quoi qu’il en soit il était maintenant certain qu’Haytor ne l’aimait pas. Ce type n’avait fait que le rabaisser tout au long de l’entraînement et avait à peine desserré les dents quand il y était finalement arrivé. C’est en pensant à ce type qu’il égorgea la sentinelle, un coup appuyé qui découpa la chair dans un bruit crissant. L’homme avait tenté de retenir son bras et d’échapper à l’inéluctable. Sans succès. Saymar avait convenablement placé son bras, replié vers l’intérieur, pour avoir assez de force au moment crucial.
Le pauvre mec, gargouilla un peu. Un sang chaud et visqueux recouvra passa entre les doigts de son assassin qui maintenait toujours fermement sa mâchoire. « Crie pas shhhhh, c’est fini shhhh » chuchota-t’il.
Le soldat se laissa aller. Enfin ! Saymar posa le corps doucement sur le sol et lui ferma les yeux.
Il remarqua que la lune venait de réapparaître. Dévoilant la gorge dégoutant de sang, le sourire sombre dessiné au travers. Il était jeune. Pauvre gars, les soldats sont toujours jeunes. Saymar eut une petite moue désolée avant de se détourner. Il ferait encore des cauchemars cette nuit.

Il espérait que les autres n’avaient pas rencontré de problèmes. Pour l’instant, la campagne ne résonnait pas de cris d’alarmes, c’était encourageant. Il donna le signal en direction des bois et se demanda un instant si on le voyait d’aussi loin. Il se maudit intérieurement, il aurait du penser que personne ne le verrait agiter les bras comme un couillon en pleine nuit.
Et puis il les vit, les vingt pouilleux restants sortant des sous-bois. « Vous dépêcher pas on risque seulement de clamser » marmonna Saymar. Ils portaient tous une arme à la main, enfin plutôt quelque chose qui pouvait servir d’arme, couteaux, lames de faux, marteaux même, les plus chanceux avaient des arcs ou des frondes. Ceux là resteraient en embuscade pour éliminer les fuyards.
Rassuré, Saymar se tourna vers le camp endormis. La nuit allait être longue et sanglante. Et dire qu’il avait déjà mal au bras. Il avança sans bruit vers les tentes.

Lorsqu’il arriva à la première, il sentit son cœur s’emballer à nouveau. Son ventre se liquéfia en un éclair brûlant. Il serra les fesses et les dents. Pas le moment de faire un bruit, quel que soit son origine.
Il ouvrit le rabat de la tente. Une vague d’odeur rance lui attaqua les narines. Les dormeurs ne s’étaient probablement pas encore lavés cette année. Trois types étaient endormis là, ça n’allait pas être facile de les éliminer sans en réveiller aucun.
Il referma derrière lui, l’obscurité l’enveloppant, et laissa sa vision s’habituer à l’endroit exigu. Il s’accroupit et posa doucement une main sur le dos du premier homme. Sa main glissa lentement vers le visage de la victime, un petit centimètre au dessus du corps du futur mort. Etrangement Saymar sentit le calme revenir en lui. Au final, il aimait bien faire crever ces porcs. A chaque fois, c’était un peu plus facile. Il pencha la tête doucement et sourit. D’un coup, il plaqua la couverture sur la bouche de l’homme et lui enfonça le couteau entre deux vertèbres. Ce fut rapide cette fois. Pas de tremblements dans tous les sens pendant une éternité, juste un peu de sang encore. Décidément, il avait beaucoup à apprendre, il était sûr qu’il y’avait encore des moyens plus facile pour éliminer quelqu’un.
Il essuya son couteau et passa au suivant. Celui-ci étant sur le dos il dut lui planter le couteau entre les côtes, droit dans le cœur. Là, se fut long et l’homme émit plusieurs gémissements avant la fin. Saymar craignit d’avoir pris trop de risques mais le dernier ronflait toujours calmement. C’était rigolo de voir à quel point on était vulnérable quand on dormait.
Il continua ainsi, une heure durant ou plus peut-être. Les assaillants se répartissaient les tentes et en éliminaient les occupants. Saymar était étonné de la chance qu’ils avaient. La moitié de ces types n’avaient jamais tué quelqu’un avant mais ils savaient aussi qu’il était trop tard pour reculer. Le moindre bruit maintenant et c’en était fini d’eux. Oh ! Y’en avait bien quelques uns qui étaient partis vomir un peu plus loin mais ils avaient repris leur place ensuite.
Il ne restait plus qu’une dizaine de tente lorsque la chance tourna. Saymar ne sut jamais vraiment pourquoi. Il était dans une autre tente, occupé par deux types cette fois, l’un dormant déjà d’un sommeil sans fin, lorsque du bruit se fit entendre dehors. L’homme couché devant lui ouvrit les yeux brusquement et chercha son arme. Saymar lui cloua la main au sol avant de l’étrangler.
Mais tous n’eurent pas cette chance, lorsque Saymar sortit il vit un de ses compagnons ressortir d’une tente un couteau en travers de la gorge. Il titubait et essayer d’appeler à l’aide mais seul du sang sortait de sa bouche. Une toile s’écroula sur des hommes qui se battaient.
« Mort aux chiens ! » cria Saymar avant de s’engouffrer sous une autre tente. Deux hommes étaient debout en train de s’harnacher hâtivement. Il fonça droit sur l’un le renversant sur sa couche et lui planta son couteau dans le ventre. Il le laissa suffoquer et se retourna vers l’autre qui tentait de sortir son épée du fourreau. Gêné par l’étroitesse des lieux, l’homme abandonna et se campa face à Saymar, les mains en avant prêtes à le saisir. Il resserra sa prise sur son couteau poisseux de sang.
Tout à coup, un doute l’assaillit. Il n’avait rien d’un combattant et il allait probablement se faire tuer. Jamais il n’avait été question de se battre à la loyale. Ses genoux tremblèrent soudain et il voulut fuir, abandonner ou implorer la pitié de l’homme. Il n’en eut pas le temps, le soldat fonça droit sur lui et lui ceintura les bras. Surpris Saymar tomba à la renverse. Il sentit la toile de la tente se tendre dans son dos avant que celle-ci ne s’écroule sur eux. Il ne voyait plus rien et avait un gros poids sur la poitrine. Etrangement, son assaillant ne semblait pas bouger. Lorsqu’il arriva enfin à se dégager, il réalisa que celui-ci s’était bêtement empalé sur le couteau. Il aurait bien dit « Quelle chance ! » mais non, il n’en avait plus la force. C’était fini, ils étaient finis. Saymar tremblait de partout, il rampa vers l’extérieur, épuisé. Le spectacle qu’il vit le surpris. La bataille était finie, le sol jonché d’une bonne dizaine de cadavres, amis et ennemis et de tentes écroulées. Il restait une vingtaine de soldats, certains encore en chausses. Ils étaient rassemblés en un petit groupe misérable. Des brigands les maintenaient en joue de leurs arcs. Leur menace avait déjà due être mise à exécution. Un corps, pieds nus et criblé de trois flèches était allongé un plus loin. Il ne put voir son visage mais il sut que l’homme devait avoir une barbe. C’est fou ce que les détails sans importance ressortaient dans ces moments là.

Une main se tendit pour l’aider à se relever. Il sursauta en clignant des yeux, de peur qu’on ne le frappe. Lorsqu’il releva la tête il vit Haytor, une trainée de sang le long du bras, qui le regardait un sourire aux lèvres. Il accepta la main tendue et se remit sur pieds. Ses jambes tremblaient toujours et il se demanda un instant si elles allaient jamais s’arrêter. Haytor cria « Vive Saymar ! Vive les Royaumes ! » Tous les autres reprirent le cri en cœur. Saymar cligna des yeux sous la clameur. Hébété, il se demandait ce qu’ils lui voulaient. Et puis de quels royaumes voulaient-ils bien parler ? Haytor l’encadra d’un bras fort comme s’il le félicitait mais il sentait qu’il était surtout là pour l’empêcher de tomber. L’homme semblait avoir pris le contrôle, il demandait aux hommes de rassembler les blessés et de comptabiliser les morts. Quelques minutes plus tard et sans qu’il eut à le demander Haytor lui fit un topo de la situation :
- Pilton est mal en point mais il s’en sortira, on a quand même perdu six gars et on en perdra probablement trois autres d’ici demain.
- mmmph
- Que fait-on des prisonniers chef ?
- Chef ?
Saymar leva les sourcils, surpris.
- Les prisonniers… le reprit Haytor avec un clin d’œil.
Abasourdis Saymar examina les visages terrifiés qui le contemplaient. S’il les laissait partir, ils auraient à les affronter à nouveau. En même temps, il avait vu assez de cadavres pour toute une vie.
- On les emmène.
- On est pas vraiment équipés pour monter un camp de prisonniers et…
- On les emmène
répéta-t’il. Fais moi confiance.
Haytor plissa les yeux et le regarda méchamment un instant. Le même regard qu’il lui avait servi ces quinze derniers jours et d’un coup la suspicion disparut et il sourit.
- Bien sûr chef. Avec plaisir !
Il partit en gueulant « Allez bande de nouilles, on ramasse tout ce qui est bon à prendre et on retourne au camp ! » Saymar soupira. « Chef ! pff conneries que tout ça. Quelle nuit de merde ! Quelle nuit de merde… » pourtant il souriait. Son plan avait fonctionné.


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Le Vengeur - Chapitre 7. Thibaut - Montveilh

J'ai enfin terminé le chapitre 7. Je l'ai beaucoup remanié et il n'est pas encore parfait tel quel. Je dirais même qu'il n'est pas vraiment terminé, il me faut encore le relire, corriger certains passage et affiner la chute. Reste que l'idée est sur le papier. Je la poste tel quelle afin de pouvoir continuer les updates. :)

edit 16/10/07: qq corrections apportées.


Chapitre VII. Thibaut - La Traque

La forêt était verdoyante, en général ça plaisait aux gens. Thibaut, lui, en avait la nausée. On ne voyait pas à vingt mètres. Le vert était partout dans tous les sens, envahissant, étouffant. Où que se posait le regard des feuilles et des branchages encombraient la vue. Il se demandait même comment on pouvait découvrir un quelconque chemin sous leurs pieds. Sans Adian, le pisteur du groupe, ils auraient probablement tous été perdus pour de bon. Il glissa sur une racine couverte de mousse et jura.
Il s’était pourtant senti heureux le premier matin en se levant au chant des oiseaux. Les rayons de soleil passant au travers des branches rendaient le moment encore plus magique. Il avait inspiré profondément et s’était émerveillé du moindre détail. Un écureuil grimpant à un tronc ici, des araignées cherchant refuge sous une pierre là.

Maintenant il les écrasait quand il le pouvait, il ne supportait plus de se faire piquer la nuit. Marcher était devenu un vrai cauchemar surtout depuis qu’il s’était tordu la cheville. Celle-ci le lançait à chaque pas.
- On aurait du prendre des chevaux. Dit-il.
- Ce n’aurait pas été raisonnable. Ils nous auraient encore plus ralentis dans les sous-bois. répondit Adian.
- J’en ai marre de marcher je me fous que ce soit raisonnable ou pas.
- Ne te comporte pas en gamin, il est temps pour toi de…
commença Roland.
- Je suis ton futur seigneur, ne me parle pas comme ça !
Roland le regarda avec un sourire narquois mais ne dit rien. Cela énerva encore plus Thibaut.
C’était pourtant vrai qu’il leur était supérieur. Ce n’était jamais que des gueux. Jamais ils n’auraient parlé ainsi à son père.
Une petite voix lui souffla que sans ces « gueux » il n’irait pas bien loin. Balivernes ! Ils se devaient de le servir, c’était le sens de leur vie après tout.

Trois semaines qu’ils la poursuivaient. Oui « la » ! Ils étaient maintenant sûrs que leur proie était une femme. Les traces de pas, l’emplacement de ses déjections, certaines taches laissées lors de ses règles aussi, tout pointait vers cette conclusion. Adian parlait à haute voix en étudiant les indices laissés par la fille. Au début, Thibaut pensait qu’il lui expliquait comment repérer ceux-ci, mais non. Adian s’exprimait comme on se parle à soi-même ou comme on se souvient d’une femme aimée aujourd’hui disparue. Ce devait être sa façon à lui de vaincre la solitude que son travail impliquait en général ou était-ce une sorte de dialogue avec sa victime. Reste que les descriptions d’Adian étaient tout ce qui restait pour égayer leur journée. Les blagues avaient été dites et redites. Les vies revécues enfin ce qu’ils voulaient bien en dire à un noble. Les femmes caressées à nouveau et leurs charmes vantés comme si le temps en avait fait les plus beaux joyaux rencontrés. Bref, la seule histoire qu’il leur restait à raconter était celle de la fille qui fuyait devant eux.
Au début elle prenait son temps, elle avait même été faire quelques emplettes au hameau de Scibois. Elle cuisait ses aliments sans se cacher. Elle avait longtemps laissé des traces plus que visible mais ce n’est que depuis quelques jours qu’elle semblait faire plus attention. Cela les ralentissait et faisait pester Thibaut. Dire qu’ils l’avaient presque rattrapée. Qu’est-ce qui pouvait bien lui avoir mis la puce à l’oreille. Comment la proie fait-elle pour sentir le prédateur en approche.
Finies alors les juteuses descriptions du lapin rôti de la veille qu’elle avait dégusté du bout des doigts.

Trois semaines. Comment pouvait-on passer trois semaines à courir après quelqu’un sans jamais le rattraper ? Ils se rapprochaient cependant, les cendres qu’ils trouvaient étaient encore tièdes, les restes de repas étaient à peine couverts d’insectes.
Aujourd’hui, il lui semblait presque sentir son parfum dans l’air. Une douce odeur de myosotis et de magnolia. Il devait rêver. Il passait d’ailleurs la plus grande partie de ses journées à le faire ce qui lui avait déjà valu une légère entorse dont il n’hésitait pas à se plaindre. Reste qu’il passait plus de temps à penser aux messages involontaires que la fille leur laissait qu’à se préoccuper du reste. Sa plus grande interrogation était l’apparence de la fille. Elle avait des cheveux blonds coupés courts, de ça il était certain. Ils en avaient trouvés accrochés à des brindilles. Thibaut les voyait presque comme un cadeau et les gardaient jalousement dans une poche près du cœur.

Trois semaines. Les nobles devaient s’être décidés à mener enquête maintenant. Suivraient-ils leurs traces ? Le Prince avait-il survécu à sa blessure ? Et père lui reprochait-on vraiment quelque chose ?
Mais s’il ramenait la fille, que lui arriverait-il ?
Il s’était presque attaché à elle maintenant. Il avait pénétré son intimité, ses habitudes et aurait bien voulu apprendre plus d’elle. Il en oubliait presque qu’elle avait tiré sur une personne de sang royal, et ce de sang froid. Elle devait avoir un fameux caractère ou peut-être l’avait-on forcée ?
Ce qu’elle devait se sentir seule, tout ce temps passé à errer dans la forêt. Déjà que la solitude lui pesait même au milieu de ses compagnons.
Tout cela allait bientôt se terminer et il espérait que ce ne serait pas dans le sang. Peut-être arriverait-il à la persuader de se rendre sans heurt. Il savait que c’était peu probable, on allait sûrement la torturer puis la pendre, même si elle n’était qu’une complice. La justice du roi n’était pas tendre, aucune justice ne l’était d’ailleurs.

- Shhh !
Adian faisait signe de faire halte. Philass était invisible comme à son habitude. En train de se saouler en cachette probablement pensa Thibaut amèrement.
- Etrange. Les pas vont vers l’est.
- Et alors ? On doit quand même la suivre, peu importe la direction.
- Montveilh est à peine à un jour de marche. Si elle cherchait vraiment à s’enfuir elle aurait continué vers le nord pour y acheter un cheval. Il aurait été impossible après de la retrouver sur la route marchande.
- Si t’avançais au lieu de papoter comme une bonne femme…

Les autres se regardèrent sans dire un mot. Thibaut se savait désagréable mais n’avait pas envie de s’en excuser. Le pisteur grommela un peu avant de se relever. « Tchak ! » Le bruit claqua dans la forêt et Adian s’effondra. Alors même que le jeune noble restait figé en tentant de comprendre ce qui se passait, les autres avaient déjà réagi par réflexe. Luclin se plaça face au blessé prêt à recevoir tout assaillant potentiel. Roland partit en courant dans les bois une dague à la main. D’où la sortait-il ?
Lui, resta planté là sans trop savoir quoi faire. Il s’approcha de l’homme écroulé, celui-ci avait reçu un carreau d’arbalète. La puissance du projectile était telle qu’il lui avait cloué le bras au torse. Le sang s’épanchait lentement par à coup. L’adolescent sentit son ventre se retourner et dut s’accroupir pour régurgiter le maigre repas du matin.
Le temps qu’il ait finit de vider ses tripes, les autres étaient déjà de retour.
- Regardez ce qu’on a trouvez là. Un joli p’tit brin de fille !
Philass, arc tendu, flèche encochée tenait la prisonnière en joue. Roland poussait devant lui la forme encapuchonnée et il cria « Tada ! » en lui arrachant la cape vert sombre.
Thibaut resta interdit devant la vision qui s’offrait à lui. La fille était hideuse. Son visage était brûlé à moitié. Sa bouche haletante lui déformait les traits et dévoilait des dents blanches qui contrastaient tellement avec la noirceur du visage que Thibaut sentit ses poils se hérisser sur ses bras.
- Mignonne hein ? Elle pourrait p’têt dévergonder notre puceau ?
- Je ne suis pas… balbutia-t’il mais Thibaut était trop mal à l’aise pour riposter.
Elle les observa un à un comme prête à bondir. Outre sa face dévastée, elle avait une tunique en cuir noir, lacée sur le devant. La poitrine généreuse de la femme tendait les lacets qui semblaient prêt à craquer. Malgré sa répulsion première, Thibaut resta bouche bée face aux formes de la fille. Quoi qu’il avait pu imaginer sur cette rencontre elle n’était pas comme il l’espérait. Gêné, il se concentra sur le blessé et voulu retirer le carreau d’une main tremblante.
« Noo..noon. Lai…sse gamin »
Phylass vint à la rescousse dès que la femme fut entravée. Roland lui susurrait quelques salacités à l’oreille ce qui la rendit encore plus furieuse. Elle l’insultait maintenant dans une langue étrangère en tentant de lui décocher un coup de pieds qu’il évita en riant.
- Il faut lui trouver un médecin, il ne tiendra pas longtemps. La chienne ne l’a pas loupé.
- Montveilh ? On y arrivera jamais à temps, il perds bien trop de sang.
- Va falloir marcher de nuit pour y arriver mon gars et sans trébucher cette fois. Luclin va chercher du bois pour une civière !
Philass, le renfermé, le laconique avait pris les commandes. Encore une fois Thibaut se sentait complètement inutile et inadapté à ce genre de situations. Ce qu’il haïssait les adultes parfois !
Il aida le géant à construire un brancard pendant que Philass pansait le blessé. Celui-ci avait perdu connaissance et c’est dans un silence de mort qu’ils reprirent leur marche.

Thibaut s’avéra vite incapable de soutenir le rythme sans trébucher tous les vingt pas. Il se retrouva donc obligé de surveiller la prisonnière pendant que Roland suait à sa place. Sa frustration augmenta encore, il avait envie de la frapper, de lui faire payer ce sentiment d’inutilité qui le rongeait et en même temps il essayait de voir un lien entre cette face monstrueuse et la personne qu’ils avaient pistée et qui l’avait fait rêver. En réalité, il n’osait pas l’approcher, il ne voulait pas se faire surprendre et risquer de la laisser s’enfuir. Etrangement, elle semblait assez calme et marchait tête baissée.
Au bout d’une heure de route à contempler le dos de la fille, il tenta d’aborder la conversation pour lui tirer les vers du nez. Sans succès, il ne savait même pas si elle parlait sa langue. Il tenta de se souvenir de ses cours, normalement la langue royale était parlée en Liudmark aussi même si elle y était beaucoup moins répandue chez le bas peuple. Cela semblait accréditer la thèse d’un attentat politique de la part de leur voisin du nord. Mais la nuit était noire et Thibaut était bien trop concentré pour tirer des conclusions hâtives.


Montveilh était une forteresse frontalière composée de plusieurs remparts solides et beaucoup plus imposants que ceux de Montfaucon. La plus grande partie de la petite ville était derrière une palissade en bois ce qui donnait aux habitants largement le temps de trouver refuge en cas d’attaque. Cela faisait plus de trente ans que Liudmark n’avait plus tenté d’envahir les Royaumes du Sud. Thibaut n’avait jamais ressenti aucune inquiétude à ce sujet mais à voir le nombre de gardes en faction ici, il se doutait que l’endroit avait un intérêt tout aussi dissuasif que défensif.

Les dieux en soient remerciés, Aidan était encore en vie. On l’avait amené chez un médecin qui avait fait sortir tout le monde. Ils avaient ensuite loué une chambre où dormir en attendant le verdict.
Thibaut se sentait complètement déphasé, ils avaient marché toute la nuit, dormi la moitié d’un jour et il ne savait plus trop l’heure qu’il était. Roland était occupé à questionner la prisonnière mais lui avait été incapable de rester et de la regarder souffrir. De toute façon, il était presque certain qu’elle ne dirait rien. Avant de partir, il avait demandé à Roland de ne rien faire d’irrémédiable mais il n’était pas sûr que ses compagnons l’écoutaient encore. L’avaient-ils jamais fait ?
Ce qui lui avait d’abord paru être une aventure merveilleuse et l’occasion de prouver sa valeur lui faisait maintenant l’effet d’une sale embrouille qui le souillerait à vie. Il déambulait dans les rues, ignorant les supplications des mendiants, les harangues des marchands et la puanteur ambiante.
Il lui fallait maintenant décider quoi faire. Sans Adian, il était exclu de faire le chemin du retour au travers de la forêt. Emprunter la voie royale leur prendrait un bon mois sans compter les risques que la fille s’enfuie avec si peu de gardiens pour garder un œil sur elle en permanence.
Il pouvait attendre les enquêteurs qui devaient probablement suivre leur piste mais rien ne garantissait qu’ils fussent bien en route.
Le mieux, serait peut-être de simplement demander une escorte au seigneur local ou mieux de le faire garder la fille dans ses geôles le temps d’envoyer un coursier à Montfaucon. Sûrement que celui-ci ne pourrait refuser une faveur au fils Montfaucon. Convaincu du bienfondé de son plan il se dirigea alors vers le château et se présenta aux gardes de la première porte.
- Je suis Thibaut de Montfaucon. Votre seigneur prend t’il audience ?
Les gardes se regardèrent. Thibaut n’avait pas l’air d’un noble dans sa tenue de route mais la présence de son épée et son parler devraient suffire.
- Faut vouèr vec l’intendant m’sire. dit celui de gauche en pointant le donjon du doigt.
Il s’engagea donc sur le pont mais à mi-chemin il entendit une cloche retentir dans son dos. Des gardes déboulaient de la cour du château, l’arme au poing. Si c’était pour annoncer son arrivée, Thibaut commençait à se douter que l’accueil n’allait pas être amical. Le pont-levis fit écho aux pas lourds des gardes dans son dos. Il était piégé, pour une fois que son haubert aurait été utile, il ne l’avait pas avec lui. Les hallebardes des gardes faisaient trois bons mètres leur conférant une allonge bien supérieure à la sienne. Les douves auraient été remplies qu’il aurait tenté de s’enfuir mais les pluies des derniers jours n’avaient pas été suffisantes. A moins de vouloir se briser le cou sauter ne le mènerait nulle part.
Soupirant et se demandant à partir de quel moment tout ceci était devenu un cauchemar, il dégaina son épée. Il ne sera pas dit qu’un Montfaucon se soit rendu sans se battre !



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Le Vengeur - Chapitre 6. Arnulf - Message Divin


Et un dernier pour la route. Arnulf "Lapin-Tordu", le pauvre, affublé d'un nom si stupide. Et par ma faute en plus! Pourtant c'est ce même nom qui m'a donné l'inspiration. J'ai trépigné pendant des heures, pressé de pouvoir sortir ce chapitre de ma tête avant de l'oublier. Et il est sorti d'une traite (en 2h30 exactement). Sortant littérallement de ma tête directement sur le "papier" et me laissant complètement vidé après. Oh j'avais bien l' idée d'un tel personnage auparavant mais jamais rien que le soupçon d'une idée, là c'est le moindre détail qui m'était venu en tête. Le pire c'est que j'en suis fier. Le chapitre n'est pas parfait, comme les autres il aura besoin de relectures mais c'est celui que je voulais écrire.

Musique d'inspiration: "Cultus Ferox - Andro"

edit 15/10/07: Relu le chapitre pour la seconde fois et j'avoue que je suis assez atterré de sa piètre qualité surtout au niveau des dialogues. J'attends un peu avant de faire d'autres relectures et de peut-être le remanier en profondeur.


Chapitre VI. Arnulf « Lapin Tordu » - La Mission

Le son de la corne se fit d’abord ténu et puis explosa dans l’air ambiant. S’y joignirent assez rapidement les sons des autres instruments du village : tambours, binious et cornes. Au fur et à mesure que les membres de la tribu se réveillaient et saluaient un jour nouveau, l’air s’emplissait de nouvelles notes.
Arnulf ouvrit les yeux avec un grognement. Son ventre lui faisait un mal de chien et une douleur lancinante explosait sous sa crinière blonde à chaque soubresaut de la chanson du matin. Il tenta de s’enfouir sous les peaux de bêtes pour échapper à la musique mais personne n’y échappait jamais longtemps chez les Burgans.
Pourquoi fallait-il que ce soit justement Vent-de-la-terre qui joue ce matin. Celui-ci était probablement l’idiot qui avait les plus grands poumons de tout le village, ce qui lui attirait d’ailleurs de nombreuses faveurs, telles que de commencer le chant du matin plus souvent que les autres.

Habitué à la musique Arnulf l’avait dans la peau, il la vivait et la respirait. Il participait d’ailleurs au salut du matin comme tous les autres habitants du plus petit jusqu’au plus âgé.
Mais les jours de gueule de bois il se demandait pourquoi son peuple avait adopté de telles pratiques bruyantes. Et pour boire, Arnulf avait bu. Toute sa réserve d’hydromel y était passée. Et pourquoi ne l’aurait-il pas fait ? Tout ça à cause de cette vieille chouette de Wilema.

Elle était entrée dans sa tente hier soir et avait congédié sa femme d’un simple froncement de sourcil. Il se rappelait encore du sourire de compassion de celle-ci en sortant.
Wilema Rêve-qui-mord était la chamane de la tribu, elle l’avait poussé de son doigt décharné tout en parlant.
- Lapin-Tordu ! Il est l’heure de grandir et de te préparer, Terre-qui-gronde se réveille ! Les temps sont sombres.
Arnulf se retrouva acculé contre un coffre et manqua trébucher.
- Ne m’appelle pas comme ça et arrête tes sornettes, vieille folle !
Elle avait alors levé vers lui des yeux révulsés brûlants de fièvre.
- Lapin-Tordu, fils de Lion Brisant, entends la parole des Dieux !
Il aurait encore voulu l’intimer de ne pas le nommer ainsi mais il resta bouche bée à attendre la suite.
La vieille continua toujours sur son ton de fin du monde :
- Pour tes enfants, ton peuple tu rassembleras !
Pour tes ancêtres, le chevalier scintillant tu trouveras !
Pour ton frère, la vierge sanglante tu protégeras !
Pour ton nom, les hommes oiseaux tu vaincras !
Pour ta peur, Terre-qui-gronde tu embrasseras !

Elle s’arrêta et tomba à terre, épuisée.
Il la regardait, pétrifié. Arnulf n’était pas superstitieux mais il n’était pas assez stupide pour oser offenser les dieux. La vieille toussota :
- A…appelle ta femme et aide moi à me relever, gros bêta. Qu’elle me prépare du thé.
Sarah était déjà sur place, livide et aidait la vieille à se relever. Ils s’assirent ensuite sur des peaux d’ours. Il n’avait pas envie d’avoir cette discussion mais il connaissait Rêve-qui-mord suffisamment pour savoir qu’elle ne changerait pas d’avis.
- C’était quoi tout ce charabia ? dit-il une fois le thé servi.
- Charabia ? Elle grogna, je comprends pourquoi les dieux t’ont affublés de ce nom ridicule, tu as autant de respect pour eux qu’ils n’en ont pour toi.
- Ce nom est une erreur et tu sais que je n’aime pas qu’on le prononce devant moi.
Il frappa du poing sur le coffre à côté de lui. Cela lui fit un peu de bien, il n’avait pas de raison de se sentir si terrifié.
- Ce nom est ce que tu es, tu le garderas jusqu'à ce que tu aies accompli un plus grand exploit.
- Pfff j’ai accompli des dizaines d’exploits plus grands et jamais les anciens n’ont accepté que je change.
Elle sourit, montrant des dents gâtées.
- Tordre un lapin à main nue à deux ans est un plus grand exploit que tu n’en as jamais fait depuis et que tu n’en feras peut-être jamais, imbécile. Je ne suis pas là pour discuter de ton égo.
- Que me veux-tu ?
- Moi ? Rien ! Les dieux ont apparemment besoin de toi.
- Je croyais qu’ils ne me respectaient pas. Dit-il amèrement.
- Comme si l’un empêchait l’autre. Elle haussa les épaules. Tu n’es pas celui que j’aurais choisi non plus malgré tout l’amour que je te porte mais tu as un cœur bon et la force d’un auroch.
Arnulf manqua cracher son thé, depuis quand ce monstre de femme parlait d’amour et de bonté ?
- Je ne sais pas beaucoup plus que ce que les dieux ont dit malheureusement. Mais si Terre-qui-gronde est réveillé il te faut faire vite, fils.
- Terre-qui-gronde ne peut pas être réveillé, c’est une légende.
Elle eut un rire mauvais, grinçant.
- Tu veux aller vérifier par toi-même par delà les bois sombres ? Tu penses en savoir plus que moi sur le sujet, Lapin-Tordu ? dit-elle en appuyant bien fort sur chaque syllabe de son nom.
- Non bien sûr je ne suis pas fou mais…
- Il n’y a pas de ‘mais’ qui tienne. Demain tu rassembleras les guerriers et vous partirez. Tu dois unifier tous les Burgans et partir vers le sud, vers les terres des hommes de Fer.
- Cela fait vingt ans que nous sommes en paix avec les chevaliers du sud et je doute que les autres chefs se joignent à moi.
- Nous ne sommes pas en paix, ils sont occupés ailleurs c’est tout. Tu devrais le savoir en tant que dirigeant des Lions.
- Je ne vais pas abandonner le village pour tes délires ! Je n’ai pas de frère ni d’enfants, les dieux doivent s’être trompés.
- Si les dieux disent que tu as un frère tu le trouveras ! Tu dois accomplir ton devoir Lapin-Tordu. Si tu veux vraiment un nom plus noble, voilà ta chance.
Il prit le temps de boire un peu de thé et de se laisser bercer par la musique extérieure, chacun tapotait sur un instrument ou chantait selon son activité. Sans trop savoir pourquoi il trouva la musique bien sombre aujourd’hui.
- Soit, je n’ai pas vraiment le choix de toute façon ! Il est temps que ma hache ne se plante entre les côtes d’un ennemi digne de ce nom de toute façon.
Wilema se releva, ses mouvements étaient lents, difficiles tellement elle avait été vidée de son énergie. Pas si impressionnante que ça finalement. Comment avait-il pu avoir peur de ce petit bout de femme fripée ?
- Ne me pousse pas à t’expliquer le nom que les Dieux m’ont donné….
Il baissa la tête, honteux, et se demanda comment elle faisait pour toujours deviner les pensées des autres. Face à elle, il avait encore l’impression d’être un enfant.
Avant de sortir de la hutte, elle se retourna, ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose avant de se raviser. Elle partit s’appuyant un peu plus sur son bâton de marche. Elle semblait beaucoup plus vieille qu’à son arrivée. Sarah s’était blottie contre lui. Le regard perdu dans le vide, il l’entoura de ses bras. Après un moment Arnulf sentit sa femme hoqueter un peu.
- N’aie pas peur Neige-de-printemps. Tout ira bien, je vais faire ce que la vieille veut et je reviendrai vite.
- J’ai peur pour toi mon amour, peur pour nous tous, peur pour notre enfant.
- Notre enfant ? La vieille avait donc raison ?!
Elle sourit et lui prit le visage entre les mains avant de l’embrasser.
- Oui mon guerrier, tu auras bientôt un fils. Dit-elle en lui caressant les muscles.
Ils avaient fait l’amour là, sur les peaux d’ours. Leur musique se mêlant à celle du village dans une harmonie qui lui fit oublier ses soucis.
Arnulf était ensuite sorti avec son meilleur tonneau d’hydromel sur l’épaule, il avait beuglé sa joie à la face du monde et les femmes avaient accueilli la nouvelle de leurs cris stridents.
Il avait ensuite réuni les hommes et ils étaient partis dans la forêt. Il ne se souvenait plus de grand-chose après sauf qu’il avait beaucoup bu, beaucoup crié et beaucoup joué d’instruments en éraillant sa voix. Mais il savait au fond de lui qu’il avait tout autant bu pour fêter la nouvelle que pour oublier ce qu’il aurait à faire le lendemain.

On toqua à la porte, il mit un temps avant de réaliser que ce n’était pas sa tête qui le torturait un peu plus.
- Par Furn ! Entrez qui que vous soyez mais arrêtez ce boucan.
- C’est moi, Auroch-Rapide.

- Entre Ayriel, au point où j’en suis tu vas juste m’achever.
Arnulf se leva, le monde tournant encore un peu autour de lui, et trempa sa tête dans une bassine d’eau froide.
- Tu nous as fait peur hier, t’étais saoul comme une barrique et tu n’arrêtais pas de parler de Terre-qui-gronde et de la guerre. Que t’avais pas peur d’eux et que…
- C’est bon c’est bon arrête. Je ne veux pas savoir ce que j’ai dit étant saoul. Qu’est-ce qui t’amène ? Dépêches toi faut que je pisse, Verion sera satisfaite ce soir ! Je vais arroser la terre.
Il pressa ses mains contre son front, rien que parler le torturait.
- Tu es sûr que ça va Lapin-Tordu ?
- Ne m’appelle pas comme ça ! aaouch.
Arnulf ferma les yeux sous la douleur. Il n’aurait pas dû hausser le ton.
- Cela fait vingt ans que tu te plains de ton nom, tu vas finir par offenser les Dieux.
- Bah c’est probablement déjà fait. Facile pour toi, Auroch-Rapide, c’est bien, ça plait aux femmes.
- Tu es aussi amer que la bière. Pour ta gouverne, j’ai failli m’appeler Bosse-Stupide si les dieux n’avaient pas eu plus confiance en moi. Il serait peut-être temps que tu les écoutes.
- Qu’est-ce que vous avez tous avec les Dieux ! Allez sors de là, dit aux guerriers d’être prêt pour dans une heure.
- C’était donc vrai, on part en guerre ? Dit-il en sautillant, un grand sourire aux lèvres. Tu sais on se moque parfois de toi derrière ton dos, mais tu es le vrai chef qu’il nous faut !
Arnulf ne savait pas quoi répondre à ça. Il se doutait qu’on se moquait de son nom derrière son dos mais jamais personne n’avait osé le faire en face depuis qu’il avait dix ans. Et le garçon pensait probablement qu’il venait de faire un compliment. Arnulf renifla bruyamment.
Depuis ses deux ans sa force n’avait fait que croître et, si à l’époque il avait pu attraper et tordre complètement l’échine d’un lapin, aujourd’hui il était capable de faire la même chose avec un homme.
- Va mon ami et ne parle pas trop. Tu ne sais pas plus que moi ce qui nous attend…Il regarda le jeune homme partir et se sentit fatigué rien qu’à le voir aussi joyeux et plein de vie. Malgré ses trente-cinq ans il ne s’était jamais senti aussi vieux.
« Je ne sais pas si tu as raison de te réjouir, jeune Auroch »

Une heure plus tard, Arnulf ne se sentait pas beaucoup mieux. Mais sa vessie était vide et son ventre plein. Le soleil lui fit cligner des yeux mais ses rayons lui procurèrent aussi la force à ce qui allait suivre.
Les guerriers l’attendaient, harnachés de peaux et d’os. La plupart tapotaient de petits tambours attachés à la ceinture. Certains jouaient du biniou, d’autres de la corne, d’autres encore secouaient des petits bâtons remplis de fèves sèches. Tous les instruments étaient de petite taille, rien d’encombrant, rien qui puisse faire trop de bruit avant le combat.
Les enfants dansaient autour d’eux, Arnulf se rappela quand il dansait lui-même près des hommes de son père avant qu’ils ne partent à la bataille. En ce temps là, les Burgans se battaient autant entre eux que contre les chevaliers de Fer.
Son père, Lion-Brisant, avait battu en duel chacun des autres chefs de clan, l’un après l’autre. Il les avait ensuite unis contre les chevaliers de fer. Ceux-ci avaient abandonnés leurs incursions dès qu’ils eurent rencontrés une résistance un peu plus forte. L’alliance des clans n’avait pas tenu plus longtemps mais au moins les Burgans ne se battaient plus entre eux depuis.
Arnulf espérait que Willema avait été assez persuasive pour qu’il n’ait pas à emprunter le chemin de son père. Après chaque duel celui-ci était rentré à la maison pour se faire soigner. Il se rappela de sa mère qui pleurait de peur de le perdre à chaque fois qu’il partait et qui pleurait encore de le voir en sang à chaque fois qu’il revenait.

- Lions…
Les guerriers continuaient de jouer leur musique et faisaient semblant de ne pas l’entendre. Bah qu’ils soient maudits ! Ils voulaient un chef qui les galvanise et non un souffreteux qui leur raconte sa dernière beuverie, ils allaient l’avoir.
- LIONS ! LES DIEUX ONT BESOINS DE NOUS !
Il avait leur attention, sa tête allait probablement vraiment exploser avant la fin de son discours mais ses guerriers étaient là.
- Aujourd’hui nous allons rassembler les clans. Aujourd’hui nous partons nourrir la terre du sang de nos ennemis. Aujourd’hui nous partons en quête, le monde tremble et les Dieux nous mettent à l’épreuve. Vous croyez vous assez forts ? Avez-vous gardez les crocs aiguisés de vos ancêtres ? Etes-vous assez fiers ? Etes-vous prêts ? MAINTENANT ?!
Ils crièrent de joie, agitant qui leur arme qui leur instrument qui leur poing.
Ce cri était terrible, son clan n’était pas celui des lions pour rien. Les enfants coururent se réfugier dans les jupes de leurs mères. Elles le regardèrent avec un regard froid, elles savaient que tous ne reviendrait pas et il en serait tenu pour responsable.
Mais, elles regardèrent aussi leur mari d’un regard plein d’amour et de fierté. Elles poussèrent les enfants à aller embrasser leur père, leur oncle, leur frère.
Certains n’osaient pas. Le gentil père aimant de la veille s’était aujourd’hui transformé en un combattant féroce, le visage peinturluré de traits sombres, la barbe tressée.
Arnulf frissonna, les lions étaient en chasse. Il ajusta les deux crânes humains qui ornaient ses épaules, vestige de l’armure de son père et étala un peu sa grande barbe blonde sur le plastron.
Sarah s’approcha avec le reste de son équipement sur son bouclier. Elle avait les yeux humides mais la tête droite et noble.
- Reviens-moi vite mon époux dit-elle en lui déposant le casque à tête de lion sur la tête, faisant bien attention à ne pas abîmer sa crinière dont il était si fier.
- Les Dieux ont raisons, tes yeux sont comme la Neige de printemps sur un lac d’automne. Ils t’ont bénie.
Elle rit et il imprima son visage dans son esprit.
- Cela aurait fait un peu long comme nom, mon chéri. Ils m’ont bénie en effet d’un mari aimant et fort.
Maintenant rentre moi sain et sauf. Honore les et soit brave.
- Tu n’auras pas à rougir de moi, je reviendrai avec un nom meilleur.
- Ton nom ne m’a jamais déçue et tu le sais très bien.

Elle l’embrassa langoureusement ses doigts sur le rebord de son casque pour éviter de s’y blesser.
Il repensa aux différents jeux amoureux qu’elle avait pu inventer avec son nom et ça le fit sourire.
Ragaillardi par tant d’amour, il se tourna à nouveau vers ses guerriers, occupés eux aussi à faire leurs adieux. Il attacha son ceinturon, mis son paquetage sur son dos, agrippa sa hache puis la leva vers les cieux et lança le signal du départ.
Ils partirent au pas de course, leurs jambes musclées presque nues martelant le sol en rythme.
Les femmes entonnèrent un champ d’adieu, triste et fier.
Les anciens eux battaient la cadence sur de lourds tambours, le monde sembla trembler sous leurs pas. Ils partirent sans se retourner parce qu’ils étaient guidés par les dieux. Ils partirent sans se retourner parce qu’ils allaient revenir et leurs ennemis mourir.


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Le Vengeur - Chapitre 5. Guylhom - La Cérémonie

Et un de plus :-). Un chapitre un peu plus court cette fois-ci.
J'ai préféré m'arrêter à un moment qui marquait une apogée plutôt que de mélanger deux instants très différents. J'aimerais penser que ce chapitre est fort, je l'ai en tête depuis très longtemps, je le vis, je le sens.
Mais est-ce que je suis arrivé à l'exprimer? Est-ce assez épique? Assez transcendant? J'en doute et ce sera le travail de ces prochaines semaines de le rendre meilleur.
Guylhom mérite bien ça.

edit du 08/10/2007: quelques corrections + ajout de description

Musique d'inspiration: "Corvus Corax - Hymnus Cantica"




Chapitre V. Guylhom - La Cérémonie

Les portes du monastère s’ouvrirent petit à petit. Guylhom souffla de soulagement. Il était accroupi sur cette corniche depuis la veille au soir. Ses muscles endoloris le faisaient souffrir de partout. Toute sa vie, il s’était préparé à cet instant et il ne savait même pas ce qui allait se passer ensuite. Ses mains étaient moites malgré le vent et les embruns qui le fouettaient depuis des heures.
Il se releva doucement. Ce n’était pas le moment de tomber, il se savait à jeun et sujet aux vertiges.
Cela le fit sourire, comment ne pas être pris de vertiges quand on était accroupi sur une corniche en bois d’à peine deux mètres de large ? C’était un perchoir isolé qui se finissait abruptement au dessus des rochers et de la mer déchaînée en contrebas.
L’ordination ne se faisait que lors des grandes marées d’équinoxe et Guylhom se doutait maintenant que tous n’y survivait pas.
L’appel du vide était insistant, le vent furieux faisait tout pour vous emmener avec lui et les vagues mettaient toute leur hargne pour venir vous chercher.
Un chœur de voix monta de l’intérieur du monastère. Il eut alors une impression de chaleur et l’envie de rejoindre ce havre de paix qui avait été sa demeure ces vingt dernières années.

Il réussit enfin à se mettre debout, les mains sur les genoux et la tête baissée. Il jeta un dernier regard à ce qui avait été son décor ces dernières vingt-quatre heures. Une mer bleu sombre, écumante, qui se fracassait sur des rochers blancs épineux. Déchiquetés par les vents et les marées, les rochers ressemblaient a des dents ébréchées ajoutant encore au malaise de Guylhom.
Le monastère avait été construit au sommet du plus haut de ces rochers. Eloigné du monde, accessible seulement une fois par mois à marée basse et ce pendant neuf petites heures. Par un temps pareil, le monastère semblait avoir été arraché au monde et posé sur cet à-pic au dessus de l’enfer. Qui avait eu l’idée de construire ce bâtiment austère dédié à Saint-Royan ? Qui avait prévu des portes ouvrant ainsi sur le vide ? Combien de temps avait-il fallu pour construire cette folie ? Combien d’hommes étaient morts en montant les escaliers sculptés le long de la paroi ?
Guylhom les voyait ces escaliers plusieurs dizaines de mètres en contrebas. Petit filin qui rejoignait l’entrée principale de l’autre côté. Inaccessible d’ici, il ne pouvait que le voir sombrer dans les flots.

Les chœurs se faisaient plus insistants dans son dos, montant crescendo et rivalisant avec le bruit des vagues qui tempêtaient leur « WAasHhhh ! WAasHhhh ! » comme des cymbales. Il se retourna tremblant et frigorifié et fit ses premiers pas chancelants vers sa destinée.
A chaque pas, Guylhom se redressait un peu plus, son heure était enfin venue. « WAasHhhh ! ». Il entra et sentit le vent qui s’engouffrait par la porte. Personne ne semblait les avoir ouvertes, il décida donc de les laisser telles quelles.
Trente marches de pierre l’attendaient. Chacune l’éloignerait de la falaise et le rapprocherait de la nef où se passerait la cérémonie. Chaque pas lui sembla cependant lui coûter un peu plus d’efforts, il avait peur de trébucher et de quand même finir projeté dans les flots.
Arrivé à la moitié de l’escalier, il commença à apercevoir la nef illuminée de dizaines, non, de centaines de bougies. Elles oscillaient sous les effets du vent, la lumière semblant gonfler puis se résorber tel un battement de cœur. « WAasHhhh ! »

Il n’était pas au bout de ses surprises, des soieries rouge et or recouvraient chaque colonne de l’édifice. Et ce n’était pas seulement la petite centaine de prêtres qu’il avait l’habitude de côtoyer qui l’attendait là mais prêt d’un millier d’hommes.
Ils étaient tous alignés face à la nef, chacun dans une chasuble blanche et or. Un masque de bois sur le visage ne laissait entrevoir que leur bouche qui reprenait le cantique de l’ordination inlassablement : « Iocundemur Socii Sectatores Ociii …». Auquel les vagues répondaient « WAasHhhh ! ».
Un millier d’hommes, méconnaissables, rassemblés ici rien que pour lui. Guylhom se sentit insignifiant et indigne d’une telle cérémonie. Il s’arrêta avant de franchir la dernière marche. Etait-ce vraiment pour lui ? Il ne se souvenait pas avoir jamais assisté à un tel rassemblement pour l’ordination d’un simple prêtre.
Sa chemise de lin trempée lui collait au corps, il se voyait comme un mendiant entrant dans le plus beau des châteaux. Rien ne l’avait préparé à cela. Qui étaient ces hommes ? D’anciens prêtres ? Des rois ? Des nobles ? Ou d’autres chevaliers ? Etaient-ils réellement si nombreux ? Comment étaient-ils arrivés ici ?
Il se rendit compte qu’il connaissait vraiment peu de choses sur son ordre malgré les années passées à y étudier. « WAasHhhh ! » Il cligna des paupières, jeta un coup d’œil en arrière. La porte en contrebas ressemblait maintenant à une gueule béant sur les abysses.

Il repartit de l’avant, redressant son dos maigre et levant le menton fièrement, galvanisé par le chant des fidèles. Pourtant, même leurs voix puissantes ne pouvaient totalement recouvrir le son des vagues. « WAasHhhh ! »
Il marchait maintenant d’un bon pas, il avait attendu cet instant toute sa vie ce n’était pas le moment d’hésiter. Ses pieds nus, fripés et humides marquaient le tapis rouge sang qui menait à la nef. Les chanteurs restaient droits comme des « i » de part et d’autre du tapis. Il ne savait même pas s’ils voyaient quoi que ce soit. Il arriva enfin devant l’autel, deux formes nues lui tournaient le dos.
Guylhom déglutit, il pouvait voir que les corps en face de lui appartenaient à des femmes. Son esprit déjà en ébullition, ne savait plus que penser. Jamais aucune femme n’était censée avoir pénétré dans l’enceinte du monastère.
Elles se retournèrent doucement et Guylhom ne put se retenir de regarder leur corps parfait.
Chacune tenait en main un objet sacré, chacune portait un masque d’argent ne laissant entrevoir que les yeux et chacune avait le corps peint du sigle de sa fonction.
Guylhom hoqueta.
La première était blonde comme les blés, ses yeux étaient bleus glace et elle tenait en main l’épée du Guerrier. Sur son corps aux seins menus un serpent était dessiné, il descendait jusqu’au pubis qu’il mordait avidement. « WAasHhhh ! »
Guylhom arriva difficilement à détacher ses yeux de cette image, il sentit son corps se réchauffer et son appendice se tendre. Son coeur s’emballait, il ne savait pas ce qu’il devait faire et ne s’était sûrement pas attendu à ça. Il croyait sentir les regards d’un millier d’hommes sur sa nuque.
La seconde avait les cheveux noirs comme le jais, ses yeux étaient d’obsidienne, scintillants de milles feux. Il était sous le charme de centaines d’étoiles fuyantes, reflets des bougies qui illuminaient la scène d’une lumière irréelle. Elle tenait une coupe remplie d’un liquide aussi sombre que son regard. Le galbe de ses jambes était parfait, ses seins fermes dressés captivaient le regard de Guylhom.
Sur son corps un lierre dessiné soulignait ses formes. Guylhom avait la mâchoire pendante et le corps en feu.
« WAasHhhh ! »
Il sursauta, totalement subjugué par ce qu’il vivait, il en avait oublié le reste. Sur l’autel, un livre ouvert face à lui. Une image enluminée représentait un homme nu, à genoux, en train de boire au calice, une épée en travers du corps. L’homme dessiné avait une étrange ressemblance avec lui, les mêmes cheveux noirs coupé en bol, le même petit nez retroussé, les mêmes lèvres pincées.
Il enleva sa chemise de lin qu’il laissa glisser au sol. Ses mouvements étaient maintenant régulés sur le rythme du cantique. Il rougit de dévoiler son sexe érigé mais il se doutait qu’il n’était probablement pas le premier à qui cela arrivait.
Il s’agenouilla et la blonde passa derrière lui. Il sentit la peau de son ventre lui coller à la peau du dos. Elle levait l’épée du Guerrier et la pointait droit sur son plexus. Il sentit le fil aiguisé lui entailler la peau et faire perler le sang. Il se força à respirer doucement de peur de s’enfoncer lui même l’épée dans la poitrine. « WAasHhhh ! » firent les vagues recouvrant les chants à nouveau.
L’autre femme s’agenouilla en face de lui et lui présenta la coupe. Il ne pouvait la quitter des yeux, l’envie et l’excitation se mêlant à l’appréhension de ce qui allait se passer. Il articula « J’ai peur » et la fille lui posa les doigts sur la bouche. Sa peau était salée comme les embruns et son parfum doux comme celui d’un printemps.
Il réalisa alors qu’il puait la sueur et eut un sourire gêné. Sans pouvoir voir son visage, il sut qu’elle souriait elle aussi. Une certaine malice dans ses yeux, un plissement, il ne sut le dire mais il sentit une chaleur se répandre dans sa poitrine. Il sut que jamais il ne l’oublierait, qu’elle hanterait ses nuits et qu’il venait de découvrir l’amour pour son plus grand malheur.
Il prit la coupe des mains de la fille, la passa par dessus l’épée qui lui tiraillait la poitrine.
Le récipient d’argile était rempli d’un liquide noir et gluant. Il le porta à ses lèvres et but. Le goût était amer et âpre avant d’éclater et de réchauffer son palais. Il sentit sa gorge prendre feu mais il continua à boire jusqu’à la dernière goutte.
Une douleur aigue naquit le long de sa gorge et de sa poitrine. Il continuait de regarder la femme aux cheveux de jais droit dans les yeux. Tout à coup, il la vit se pencher. Il réalisa que ce n’était pas elle qui se penchait mais lui qui tombait. Un éclair de métal pointait hors de son corps. L’épée du Guerrier ? Allait-il mourir comme ça ? D’un air triste et implorant, le regard flou, il chercha à nouveau les yeux de la femme. Lorsqu’il les trouva, ils lui semblèrent brûlants et immenses. Dans sa tête il l'entendait répéter inlassablement « Tu me reviendras, Tu me reviendras » Il voulut dire quelque chose, se relever, mais tout ce qu’il entendit alors fut « WAasHhhh ! » avant que le monde ne s’assombrisse. Sur le moment, il réalisa qu’il n’avait jamais été sûr que quiconque se soit sorti vivant de la cérémonie.


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