A few thoughts, a few sayings

-"Je suis celui qui te connais quand tu fuis jusqu'au bout du monde" Jacques Bertin (Je suis celui qui court)

- "Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..." Saint-Exupéry (Petit Prince)

- "Et le plus beau, tu m'as trahi. Mais tu ne m'en as pas voulu" Reggiani (Le Vieux Couple)

- "We all got holes to fill And them holes are all that's real" Townes Van Zandt (To Live is To Fly)

- "Et de vivre, il s'en fout, sa vie de lui s'éloigne... Tu marches dans la rue, tu t'en fous, tu te moques, de toi, de tout, de rien, de ta vie qui s'en va." Jacques Bertin (Je parle pour celui qui a manqué le train)

- "I thought that you'd want what I want. Sorry my dear." Stephen Sondheim (Send in the clowns)

- "Pauvre, je suis de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace. Mon père jamais n'eu grand richesse, Ni son aïeul nommé Orace. Pauvreté nous suit à la trace, sur les tombeaux de mes ancêtres, Les âmes desquels Dieu embrasse! On n'y voit ni couronnes ni sceptres." François Villon (Pauvre, je suis)

- "Vous êtes prêts à tout obéir, tuer, croire. Des comme vous le siècle en a plein ses tiroirs. On vous solde à la pelle et c'est fort bien vendu" Aragon (Ce qu'il m'aura fallu de temps pour tout comprendre)

- "And honey I miss you and I'm being good and I'd love to be with you if only I could" Bobby Russell (Honey)

- "And I need a good woman, to make me feel like a good man should. I'm not saying I am a good man Oh but I would be if I could" Fleetwood Mac (Man of the World)

- "Je ne comprends pas ces gens qui peuvent s'installer n'importe où quand je cherche inlassablement avec la tête fermée que tu connais l'endroit où je retrouverai mon enfance" Jacques Bertin (Colline)

mardi, août 28, 2007

Le Vengeur - Chapitre 5. Guylhom - La Cérémonie

Et un de plus :-). Un chapitre un peu plus court cette fois-ci.
J'ai préféré m'arrêter à un moment qui marquait une apogée plutôt que de mélanger deux instants très différents. J'aimerais penser que ce chapitre est fort, je l'ai en tête depuis très longtemps, je le vis, je le sens.
Mais est-ce que je suis arrivé à l'exprimer? Est-ce assez épique? Assez transcendant? J'en doute et ce sera le travail de ces prochaines semaines de le rendre meilleur.
Guylhom mérite bien ça.

edit du 08/10/2007: quelques corrections + ajout de description

Musique d'inspiration: "Corvus Corax - Hymnus Cantica"




Chapitre V. Guylhom - La Cérémonie

Les portes du monastère s’ouvrirent petit à petit. Guylhom souffla de soulagement. Il était accroupi sur cette corniche depuis la veille au soir. Ses muscles endoloris le faisaient souffrir de partout. Toute sa vie, il s’était préparé à cet instant et il ne savait même pas ce qui allait se passer ensuite. Ses mains étaient moites malgré le vent et les embruns qui le fouettaient depuis des heures.
Il se releva doucement. Ce n’était pas le moment de tomber, il se savait à jeun et sujet aux vertiges.
Cela le fit sourire, comment ne pas être pris de vertiges quand on était accroupi sur une corniche en bois d’à peine deux mètres de large ? C’était un perchoir isolé qui se finissait abruptement au dessus des rochers et de la mer déchaînée en contrebas.
L’ordination ne se faisait que lors des grandes marées d’équinoxe et Guylhom se doutait maintenant que tous n’y survivait pas.
L’appel du vide était insistant, le vent furieux faisait tout pour vous emmener avec lui et les vagues mettaient toute leur hargne pour venir vous chercher.
Un chœur de voix monta de l’intérieur du monastère. Il eut alors une impression de chaleur et l’envie de rejoindre ce havre de paix qui avait été sa demeure ces vingt dernières années.

Il réussit enfin à se mettre debout, les mains sur les genoux et la tête baissée. Il jeta un dernier regard à ce qui avait été son décor ces dernières vingt-quatre heures. Une mer bleu sombre, écumante, qui se fracassait sur des rochers blancs épineux. Déchiquetés par les vents et les marées, les rochers ressemblaient a des dents ébréchées ajoutant encore au malaise de Guylhom.
Le monastère avait été construit au sommet du plus haut de ces rochers. Eloigné du monde, accessible seulement une fois par mois à marée basse et ce pendant neuf petites heures. Par un temps pareil, le monastère semblait avoir été arraché au monde et posé sur cet à-pic au dessus de l’enfer. Qui avait eu l’idée de construire ce bâtiment austère dédié à Saint-Royan ? Qui avait prévu des portes ouvrant ainsi sur le vide ? Combien de temps avait-il fallu pour construire cette folie ? Combien d’hommes étaient morts en montant les escaliers sculptés le long de la paroi ?
Guylhom les voyait ces escaliers plusieurs dizaines de mètres en contrebas. Petit filin qui rejoignait l’entrée principale de l’autre côté. Inaccessible d’ici, il ne pouvait que le voir sombrer dans les flots.

Les chœurs se faisaient plus insistants dans son dos, montant crescendo et rivalisant avec le bruit des vagues qui tempêtaient leur « WAasHhhh ! WAasHhhh ! » comme des cymbales. Il se retourna tremblant et frigorifié et fit ses premiers pas chancelants vers sa destinée.
A chaque pas, Guylhom se redressait un peu plus, son heure était enfin venue. « WAasHhhh ! ». Il entra et sentit le vent qui s’engouffrait par la porte. Personne ne semblait les avoir ouvertes, il décida donc de les laisser telles quelles.
Trente marches de pierre l’attendaient. Chacune l’éloignerait de la falaise et le rapprocherait de la nef où se passerait la cérémonie. Chaque pas lui sembla cependant lui coûter un peu plus d’efforts, il avait peur de trébucher et de quand même finir projeté dans les flots.
Arrivé à la moitié de l’escalier, il commença à apercevoir la nef illuminée de dizaines, non, de centaines de bougies. Elles oscillaient sous les effets du vent, la lumière semblant gonfler puis se résorber tel un battement de cœur. « WAasHhhh ! »

Il n’était pas au bout de ses surprises, des soieries rouge et or recouvraient chaque colonne de l’édifice. Et ce n’était pas seulement la petite centaine de prêtres qu’il avait l’habitude de côtoyer qui l’attendait là mais prêt d’un millier d’hommes.
Ils étaient tous alignés face à la nef, chacun dans une chasuble blanche et or. Un masque de bois sur le visage ne laissait entrevoir que leur bouche qui reprenait le cantique de l’ordination inlassablement : « Iocundemur Socii Sectatores Ociii …». Auquel les vagues répondaient « WAasHhhh ! ».
Un millier d’hommes, méconnaissables, rassemblés ici rien que pour lui. Guylhom se sentit insignifiant et indigne d’une telle cérémonie. Il s’arrêta avant de franchir la dernière marche. Etait-ce vraiment pour lui ? Il ne se souvenait pas avoir jamais assisté à un tel rassemblement pour l’ordination d’un simple prêtre.
Sa chemise de lin trempée lui collait au corps, il se voyait comme un mendiant entrant dans le plus beau des châteaux. Rien ne l’avait préparé à cela. Qui étaient ces hommes ? D’anciens prêtres ? Des rois ? Des nobles ? Ou d’autres chevaliers ? Etaient-ils réellement si nombreux ? Comment étaient-ils arrivés ici ?
Il se rendit compte qu’il connaissait vraiment peu de choses sur son ordre malgré les années passées à y étudier. « WAasHhhh ! » Il cligna des paupières, jeta un coup d’œil en arrière. La porte en contrebas ressemblait maintenant à une gueule béant sur les abysses.

Il repartit de l’avant, redressant son dos maigre et levant le menton fièrement, galvanisé par le chant des fidèles. Pourtant, même leurs voix puissantes ne pouvaient totalement recouvrir le son des vagues. « WAasHhhh ! »
Il marchait maintenant d’un bon pas, il avait attendu cet instant toute sa vie ce n’était pas le moment d’hésiter. Ses pieds nus, fripés et humides marquaient le tapis rouge sang qui menait à la nef. Les chanteurs restaient droits comme des « i » de part et d’autre du tapis. Il ne savait même pas s’ils voyaient quoi que ce soit. Il arriva enfin devant l’autel, deux formes nues lui tournaient le dos.
Guylhom déglutit, il pouvait voir que les corps en face de lui appartenaient à des femmes. Son esprit déjà en ébullition, ne savait plus que penser. Jamais aucune femme n’était censée avoir pénétré dans l’enceinte du monastère.
Elles se retournèrent doucement et Guylhom ne put se retenir de regarder leur corps parfait.
Chacune tenait en main un objet sacré, chacune portait un masque d’argent ne laissant entrevoir que les yeux et chacune avait le corps peint du sigle de sa fonction.
Guylhom hoqueta.
La première était blonde comme les blés, ses yeux étaient bleus glace et elle tenait en main l’épée du Guerrier. Sur son corps aux seins menus un serpent était dessiné, il descendait jusqu’au pubis qu’il mordait avidement. « WAasHhhh ! »
Guylhom arriva difficilement à détacher ses yeux de cette image, il sentit son corps se réchauffer et son appendice se tendre. Son coeur s’emballait, il ne savait pas ce qu’il devait faire et ne s’était sûrement pas attendu à ça. Il croyait sentir les regards d’un millier d’hommes sur sa nuque.
La seconde avait les cheveux noirs comme le jais, ses yeux étaient d’obsidienne, scintillants de milles feux. Il était sous le charme de centaines d’étoiles fuyantes, reflets des bougies qui illuminaient la scène d’une lumière irréelle. Elle tenait une coupe remplie d’un liquide aussi sombre que son regard. Le galbe de ses jambes était parfait, ses seins fermes dressés captivaient le regard de Guylhom.
Sur son corps un lierre dessiné soulignait ses formes. Guylhom avait la mâchoire pendante et le corps en feu.
« WAasHhhh ! »
Il sursauta, totalement subjugué par ce qu’il vivait, il en avait oublié le reste. Sur l’autel, un livre ouvert face à lui. Une image enluminée représentait un homme nu, à genoux, en train de boire au calice, une épée en travers du corps. L’homme dessiné avait une étrange ressemblance avec lui, les mêmes cheveux noirs coupé en bol, le même petit nez retroussé, les mêmes lèvres pincées.
Il enleva sa chemise de lin qu’il laissa glisser au sol. Ses mouvements étaient maintenant régulés sur le rythme du cantique. Il rougit de dévoiler son sexe érigé mais il se doutait qu’il n’était probablement pas le premier à qui cela arrivait.
Il s’agenouilla et la blonde passa derrière lui. Il sentit la peau de son ventre lui coller à la peau du dos. Elle levait l’épée du Guerrier et la pointait droit sur son plexus. Il sentit le fil aiguisé lui entailler la peau et faire perler le sang. Il se força à respirer doucement de peur de s’enfoncer lui même l’épée dans la poitrine. « WAasHhhh ! » firent les vagues recouvrant les chants à nouveau.
L’autre femme s’agenouilla en face de lui et lui présenta la coupe. Il ne pouvait la quitter des yeux, l’envie et l’excitation se mêlant à l’appréhension de ce qui allait se passer. Il articula « J’ai peur » et la fille lui posa les doigts sur la bouche. Sa peau était salée comme les embruns et son parfum doux comme celui d’un printemps.
Il réalisa alors qu’il puait la sueur et eut un sourire gêné. Sans pouvoir voir son visage, il sut qu’elle souriait elle aussi. Une certaine malice dans ses yeux, un plissement, il ne sut le dire mais il sentit une chaleur se répandre dans sa poitrine. Il sut que jamais il ne l’oublierait, qu’elle hanterait ses nuits et qu’il venait de découvrir l’amour pour son plus grand malheur.
Il prit la coupe des mains de la fille, la passa par dessus l’épée qui lui tiraillait la poitrine.
Le récipient d’argile était rempli d’un liquide noir et gluant. Il le porta à ses lèvres et but. Le goût était amer et âpre avant d’éclater et de réchauffer son palais. Il sentit sa gorge prendre feu mais il continua à boire jusqu’à la dernière goutte.
Une douleur aigue naquit le long de sa gorge et de sa poitrine. Il continuait de regarder la femme aux cheveux de jais droit dans les yeux. Tout à coup, il la vit se pencher. Il réalisa que ce n’était pas elle qui se penchait mais lui qui tombait. Un éclair de métal pointait hors de son corps. L’épée du Guerrier ? Allait-il mourir comme ça ? D’un air triste et implorant, le regard flou, il chercha à nouveau les yeux de la femme. Lorsqu’il les trouva, ils lui semblèrent brûlants et immenses. Dans sa tête il l'entendait répéter inlassablement « Tu me reviendras, Tu me reviendras » Il voulut dire quelque chose, se relever, mais tout ce qu’il entendit alors fut « WAasHhhh ! » avant que le monde ne s’assombrisse. Sur le moment, il réalisa qu’il n’avait jamais été sûr que quiconque se soit sorti vivant de la cérémonie.


©2006-2007 SA_Avenger

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