A few thoughts, a few sayings

-"Je suis celui qui te connais quand tu fuis jusqu'au bout du monde" Jacques Bertin (Je suis celui qui court)

- "Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..." Saint-Exupéry (Petit Prince)

- "Et le plus beau, tu m'as trahi. Mais tu ne m'en as pas voulu" Reggiani (Le Vieux Couple)

- "We all got holes to fill And them holes are all that's real" Townes Van Zandt (To Live is To Fly)

- "Et de vivre, il s'en fout, sa vie de lui s'éloigne... Tu marches dans la rue, tu t'en fous, tu te moques, de toi, de tout, de rien, de ta vie qui s'en va." Jacques Bertin (Je parle pour celui qui a manqué le train)

- "I thought that you'd want what I want. Sorry my dear." Stephen Sondheim (Send in the clowns)

- "Pauvre, je suis de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace. Mon père jamais n'eu grand richesse, Ni son aïeul nommé Orace. Pauvreté nous suit à la trace, sur les tombeaux de mes ancêtres, Les âmes desquels Dieu embrasse! On n'y voit ni couronnes ni sceptres." François Villon (Pauvre, je suis)

- "Vous êtes prêts à tout obéir, tuer, croire. Des comme vous le siècle en a plein ses tiroirs. On vous solde à la pelle et c'est fort bien vendu" Aragon (Ce qu'il m'aura fallu de temps pour tout comprendre)

- "And honey I miss you and I'm being good and I'd love to be with you if only I could" Bobby Russell (Honey)

- "And I need a good woman, to make me feel like a good man should. I'm not saying I am a good man Oh but I would be if I could" Fleetwood Mac (Man of the World)

- "Je ne comprends pas ces gens qui peuvent s'installer n'importe où quand je cherche inlassablement avec la tête fermée que tu connais l'endroit où je retrouverai mon enfance" Jacques Bertin (Colline)

dimanche, octobre 14, 2007

Le Vengeur - Chapitre 31. Arnulf "Lapin-Tordu" - Les Dieux se lèvent

Et op co un. Un chapitre somme toute assez calme, pas de climax, je préfère "laisser fumer la cendre des paroles" comme dit Bertin. Je verrai bien à la relecture.
Pas d'excitation incontrôlable ou de dépression en vue, plutôt un sentiment serein au vue du travail titanesque qui m'attends encore.

Musique d'inspiration: B.O. de Blade Runner par Vangelis

Chapitre XXXI. Arnulf « Lapin-Tordu » - Les Dieux se lèvent

Tant de morts. Ils avaient perdu le fils d’Adalrik cette fois. Les Taureaux jouaient tous une musique morne qui assombrissait leur humeur. « Comme le ciel ». Il repensa à tous les morts. Auroch-Rapide était mort dans le premier combat contre les sudistes, il avait été tellement accablé par son erreur, qu’il ne lui avait même pas rendu des hommages dignes de ce nom.
Pourtant il était encore en vie, Alwin aussi mais ce n’était pas fini. Aelor avait perdu une bataille, pas encore la guerre.
Ils étaient arrivés sur des anciens lieux de batailles et le sol était jonché d’ossements et d’une fange verdâtre et odorante. Les pieds collaient légèrement à cette pâte d’herbe et de putréfaction. La terre était malade et il adressa une prière muette à Verion.
- Terre-qui-gronde. Il le disait autant pour lui-même autant que pour ses compagnons.
Alwin pleurait maintenant le soir quand ils allaient dormir. Il n’aimait pas ça. Pas à cause des pleurs mais parce qu’il ne pouvait rien faire d’autre qu’attendre que ça passe. Les nerfs de la femme étaient mis à rude épreuve, tant de morts. De plus, elle savait que la fin de la quête allait signifier leur séparation. Il ne savait trop comment tout ceci allait se passer. Sa femme, il le savait, ne poserait pas de questions mais lui pourrait-il vivre avec le poids du secret ?

La forêt était immense et pourtant de grandes traces de brûlures la couvrait et des milliers d’arbres avaient été abattus. Des formes sombres s’agitaient en lisière.
Ils se déployèrent au fur et à mesure qu’ils approchaient. Arnulf donna ses dernières directives. « Personne ne rentre dans la forêt ! »
Aelor les attendait, seul. Le vieillard barbu était juché sur son cheval, la tête courbée et le dos couvert d’un manteau de plumes. Ses yeux étaient enfoncés dans ses orbites et son visage semblait s’être fondu dans un casque étrange fait dans un crâne de corbeau géant avec des orbites sombres et insondables. Il semblait endormi.
Il releva doucement la tête et ses longues moustaches frémirent.
- La forêt me refuse. Elle ne veut pas de moi. Je suis si fatigué.
Arnulf était étonné du ton plaintif du vieillard, il s’était attendu à devoir combattre avec acharnement.
- Chaque matin, ils reviennent et tuent mes chéris. Il n’y a plus un seul oiseau dans le ciel. Ils m’ont tous abandonnés.
- Les dieux ne veulent pas de vous et de vos plans.
- Vos dieux sont mauvais, ils regardent les hommes mourir et s’en réjouissent.
- Les dieux sont des dieux, ils n’ont pas à être bon ou mauvais.
- Vous êtes un homme sage pour un Lion. Mais comprenez vous les bienfaits d’une terre sans dieux ? Où l’homme serait libre.
- Cessez votre petit discours. Vous ne cherchez pas à supprimer les dieux mais à prendre leur place.

Les shamans étaient arrivés en premier ligne.
- Le sanctuaire doit resté intact, sinon vous tuerez toute magie sur cette terre.
- Et la vie est magie !
- Et la mort est magie !
- Et l’âme est magie !

Reprirent les autres shamans en chœur.
- Des shamans, des prêtres, la première ligne pour garder les moutons dans l’enclot. J’aurais pu devenir immortel, régner sur ces terres et donner toute la magie que les pauvres gens désirent. Vous aussi le pouvez ?
Il éleva la voix.
- Quiconque désire être un dieu, entrez dans la forêt et trouvez le sanctuaire ! Allez y, je ne vous en empêcherai pas.
- Que personne ne bouge, ordonna Arnulf en réponse.
Le vieillard leva sur lui des yeux fous.
- Crédule ! Tous autant que vous êtes.
Il se tourna vers Guylhom
- et toi le premier ! Tu écoutes une ombre ancestrale et tu as donné ta vie pour quoi ? Pour ne jamais avoir d’enfant pour errer sans fin sur terre, seul ? Entre dans cette forêt et tu auras ce que tu veux, même elle ! Elle te désire déjà tant.
Orlamund rougit un peu mais gardait un visage sévère.
- Rentrez chez vous Aelor, tout Pylos croit en vous, vous pourriez encore avoir une carrière de conseiller, libérez ces hommes de vos sortilèges.
- Ah ! Pylos. Comme si je me foutais d’une carrière politique. Vous ne comprendrez jamais rien au pouvoir ma petite. Enfin, il est trop tard. Ils arrivent et ça m’étonnerait qu’ils fassent une distinction. Ils sont étrangement en colère contre tout être humain. Tiens n’est-ce pas à Pylos qu’on a abattu les premiers Saints Sacrés ?
Les regards se tournèrent vers Orlamund mais elle haussa les épaules.
- Qu’en sais-je. Je n’en ai point vu en effet.
- Mon père a fait abattre le sien, il y’a peu.
Intervint Guylhom
Aelor partit d’un gros rire.
- Et vous me blâmez moi pour ce que je fais à vos dieux. Ceux-ci étaient déjà en colère avant que j’arrive. « Vengeur » qu’ils crient. Mais si vous les laissez faire ils réduiront votre monde en poussière.
Les shamans Burgans étaient scandalisés.
- Vous avez abattu les sanctuaires divins ?
- Pas nous, les croyances s’étiolent, certains dirigeants ne voient pas l’utilité de garder des arbres en pleine ville.
- Des arbres ? Malheur sur vous ! Ce sont des Dieux que vous avez tués !

Aelor riait en s’éloignant.
- Eh ! Revenez ! lui criait Orlamund.
Les shamans et chefs Burgans s’étaient retournés contre Guylhom comme s’il était responsable de l’abattage de quelques arbres.
Un brouhaha se leva et Arnulf tentait de calmer les shamans lorsque la terre se mit à trembler
- C’est fini. Murmura Alwyn d’une petite voix.
Il se retourna et une vision terrifiante l’assaillit. Deux arbres énormes approchaient, ils écrasaient tout sur leur passage. Des lianes se balançaient et plongeait sur les hommes corbeaux, en attrapant au vol, les étripant. Ceux-ci tentaient de submerger, les colosses sans succès.
L’un tenait une énorme épée d’os et l’autre un grand marteau avec lequel il écrasait plusieurs volatiles à la fois.
Aelor avançait vers eux, serein et sans s’arrêter de rire.
Les sudistes commencèrent à paniquer, des hommes jetèrent leurs armes et fuirent. Même les burgans n’en menaient pas large et Arnulf sentit la peur lui tenailler les tripes.
Wilema s’approcha.
- Nous allons rentrer chez nous. Nous ne pouvons rien contre les dieux en colère.
- Et Aelor ?
- Il est déjà mort et il le sait. Toi par contre tu dois te souvenir de ce que les dieux ont dit. Va ! Va embrasser Terre qui gronde.
- N’y vas pas, je t’en supplie.

Alwin l’implorait les larmes aux yeux.
- Je dois y aller ma belle. Sache que tu m’a offert autant de bonheur qu’un guerrier puisse rêver. Je…dis à Léa que je viendrai la voir. Si ce n’est pas en chair et en os ce sera en rêve et que je la ferai danser au bal pour ses vingt ans.
Elle se détourna de lui, incapable de le regarder s’en aller.
Arnulf sentait ses jambes flageoler à mesure que les énormes créatures sylvestres approchaient. Il réalisa que ce n’était pas vraiment des arbres, juste des êtres gigantesques couverts d’écorces, de lierre et de lianes vivantes.
Des éclairs commencèrent à tomber du ciel sombre, frappant les oiseaux qui se trouvaient hors de portée. Orlamund était agrippée au bras du chevalier scintillant.
Il s’approcha d’eux.
- Je vais aller à leur rencontre comme me l’ont demandé les dieux. Je ne sais pas si vous devez venir mais ça me ferait plaisir.
Guylhom sourit.
- Vous savez qui est celui de gauche avec sa grande épée blanche ?
- Non. L’autre pourrait être Furn, le dieu de la colère et du tonnerre.
- Saint Royan, rien que ça. Je ne pense pas qu’il me fera du mal n’est-ce pas.

Il semblait parler à quelqu’un d’autre.
Les hommes du sud étaient décidemment bien étranges mais il aimait bien celui-ci il était agréable et avait du courage.
- La Vierge ?
- A mon avis elle préfèrerait « princesse ».
dit Guylhom en souriant.
- Prin-cess ?
Elle tourna la tête vers lui et fit signe qu’elle suivait.
Ils allèrent à la rencontre des Dieux. Ceux-ci avaient presque fini de combattre le restant de l’armée d’Aelor et toisait le vieillard de haut. Il mourut dignement sans un cri. Le géant que Guylhom avait appelé Saint Royan l’attrapa et l’avala, comme ça tout simplement. Arnulf trouva étrange que l’homme qui avait causé tant de tumultes sur terre puisse disparaître aussi facilement.

Les géants les regardèrent, prêt à frapper et puis abaissèrent leurs armes.
- Fils ! dit Saint-Royan
Il se baissa doucement et passa la main devant Guylhom. Celui-ci tomba à genoux et porta ses mains à son visage en criant. Du sang coulait entre ses doigts. Orlamund effrayée s’agenouilla près de lui en criant « Laissez le ! Laissez le ! » mais lorsqu’il retira ses mains son visage était redevenu comme avant.
Saint-Royan sourit.
- Elle vous attend. Dit-il. Sa voix trop forte couvrait les hurlements du vent.
Furn lui s’était désintéressé d’eux. Il continuait de faire pleuvoir des éclairs et son visage était rouge de colère malgré le teint verdâtre de ses cheveux.
Arnulf pénétra dans les bois avec ses compagnons. Les arbres en lisière étaient marqués de coups de haches et d’épée mais plus ils s’enfonçaient dans les bois plus la forêt se faisait dense.
Des lianes descendaient parfois vers eux, leur tournaient autour comme renifle un chien et puis se rétractaient.
Il écarta un buisson de baie et contempla un instant la clairière. Un arbre autrefois magnifique siégeait au milieu. Ses branches pendaient mollement mais il gardait une certaine majesté.
A ses pieds, trois cercles de terre les attendaient, chacun avait une racine qui en faisait le tour.
Il ressentit une chaleur lui parcourir l’échine et souffla légèrement, laissant la tension le quitter.
Il fit signe aux autres de le suivre et ils s’allongèrent dans les tombes creusées pour eux.
Arnulf ferma les yeux et pensa à ses enfants et à ses femmes.
« Maison » murmura une voix avant que les racines ne se contractent et ne referment la terre sur eux.

Le Vengeur - Chapitre 30. Guylhom - Aelor

Un autre chapitre terminé ce weekend. J'avais quelques craintes quant à l'équilibre avec le chapitre précédent (dont je n'étais pas content), je ne savais pas encore comment j'allais répartir le contenu sur ces différents chapitres. Le début est probablement à refaire mais je suis satisfait de la manière dont les choses se déroulent. Par contre je me rends de plus en plus compte du travail collossal qui m'attends pour corriger, adapter, rendre plus fluide, cohérent et vérifier que je n'ai oublié aucune piste en route. J'ai bien failli en oublier une aujourd'hui. Répondre à toutes les questions va être difficile et je ne sais pas encore si je dois laisser une porte ouverte ou non.

Musique d'inspiration : B.O. de Blade Runner par Vangelis.


Chapitre XXX. Guylhom – Aelor


« Qu’est-ce que tu lui trouves à la greluche ? » La voix dans sa tête était grinçante et désagréable.
Les bonnes vieilles habitudes avaient repris.
- Rien, elle est gentille et j’ai l’impression qu’elle me comprends. Elle a une certaine façon de me regarder qui…Une douleur à la tête le stoppa dans sa tirade. Il ne la savait pas jalouse.
« Arrête ça de suite. Tout ce que tu as je peux le reprendre. »
- Qu’est-ce que j’ai ?
« Tu ne sais pas ce que ça nous as coûté de te maintenir en vie et de te redonner la vue. »
- En même temps, je n’en aurais pas eu besoin sans vous.
« Tu deviens aigri »
- Peut-être. Qu’est-ce qu’on va devoir faire maintenant ?
« Je ne sais pas. Vous n’êtes plus très loin je le sens mais les Saints ne répondent plus. »
- Comment vous faites pour me contacter alors ?
« Ils ne sont pas morts, juste affaiblis. Nous gardons nos pouvoirs pour l’instant mais je ne peux rien te garantir. »

Ils n’étaient en effet plus très loin. Ils avaient rejoint la tribu des chevaux. Ceux-ci étaient impressionnants Les cavaliers étaient enveloppés dans des longs habits noirs qui les protégeaient du soleil et du vent. Celui-ci était terriblement puissant dans cette plaine désolée et tout le monde grelottait de froid, même les Burgans La tension de cette énorme troupe était palpable, le ciel était plus sombre et les journées plus courtes.
Les Chevaux les avaient accueillis par une charge qui ne s’était arrêtée qu’à quelques mètres de la colonne. Depuis, ils encerclaient celle-ci et Guylhom n’était pas sûr que ce soit uniquement dans un but de protection. Arnulf lui expliqua que le territoire était sacré et que normalement personne n’avait le droit de le parcourir à part les membres de la tribu. Il avait beaucoup discuté avec Arnulf et commençait à vraiment apprécier le personnage. Toujours patient celui-ci prenait le temps d’expliquer les choses. Cela contrastait tellement avec la sauvagerie dont il pouvait faire preuve en combat.

Mais une autre surprise les attendait sur ces terres inhospitalières.
Guylhom chevauchait au côté d’Orlamund, une fois encore. La princesse semblait rechercher sa compagnie et il appréciait la sienne. Malgré la différence d’âge, la jeune fille avait les pieds sur terre.
Le vent emmêlait ses cheveux et elle passait son temps à les écarter de son visage. Elle était constamment entourée d’hommes sur le qui vive. Il se demanda où elle s’était acquise une telle loyauté.
Au fond elle restait assez discrète sur son passé et sur sa disparition mais ils ne faisaient pas que parler. Parfois ils chevauchaient juste l’un à côté de l’autre, écoutant la musique burganne.
- Qu’allez vous faire après ?
- Je n’y ai pas encore pensé, retourner au monastère je suppose.
- Je ne pourrais pas moi.
- Quoi donc ?
- Retourner à ma vie d’avant. Celle de princesse naïve qui n’a qu’un but dans la vie, faire un beau mariage.
- Je ne pense pas que je retrouverai jamais ma vie d’avant non plus.
- J’ai vu tant de choses, tant de morts et de souffrance, j’ai besoin de me sentir vivante.
- Je comprends.
- ça fait mal ?

Elle parlait de ses cicatrices.
- ça démange beaucoup mais on s’y habitue. Je suis cependant encore heureux d’avoir une vision même si ce ne doit pas être très beau à voir.
- Oh ! Vous êtes beau enfin je veux dire vous êtes pas si moche.

Elle rougit. Il se demanda ce qu’elle voulait dire par là.
- C’est gentil de votre part mais j’ai déjà vu mon reflet et il n’a rien d’agréable.
Elle changea de sujet, parlant maintenant de la façon dont la lune paraissait plus grosse vue d’ici.
Il se laissa emporter et remarqua à peine que la nuit approchait.
Comme d’habitude grâce aux burgans le camp était déjà monté. La nuit tomba abruptement mais le vent ne faiblit pas. Une agitation parcourut le campement. Guylhom avait sa tente près de celle d’Arnulf et fut donc au premier plan pour admirer le spectacle.
Apparut de nulle part, des formes noires se tenaient au centre du campement. Elles étaient couvertes de plumes malgré leur apparence humaine. Courbées, la tête sous des capuches n’était pas visible. Ils tenaient des larmes rouillées dans leurs mains, pourtant le tranchant en était encore effilé. Il ne voyait plus la lune mais entendait les oiseaux au dessus de lui faire un boucan incroyable.
- Beau petit cortège.
Une voix retentit derrière eux mais il n’y avait personne lorsqu’ils se retournèrent.
- Je vous voir venir. Que me voulez vous Burgan ?
- Montrez vous lâche. Cria Arnulf à la nuit.

- Oh tant d’hostilité. Vous êtes bien nombreux pour une visite de courtoisie et pas que des Burgans à ce que je vois. Mes chéris pourraient vous emporter tous dans les cieux mais ça demanderait tant d’effort. Pourquoi ne pas s’entendre ?
La voix dans sa tête retentit « Il est proche. Si proche. » ce qui fit maugréer Guylhom, « Merci, j’avais remarqué. »
- Moi qui pensait que personne ne s’inquiétait de moi. Un an tout seul dans ces contrées puantes avec ce vent qui souffle jour et nuit. Il fait froid n’est-ce pas ? Et c’est l’été. Obliger de tuer mes chéris pour me réchauffer. Les plumes tiennent chaud, tellement chaud.
- Que voulez vous Aelor ? demanda Guylhom.
- Le frère de l’autre ne lui ressemble pas. Quelle belle armure chevalier, je vois qu’elle a été testée. Savez vous que seul la poix brûlante après décapitation peut tuer un chevalier immaculé ? J’ai mis du temps à trouver la bonne technique. Vos prédécesseurs m’ont été d’une grande aide.
« C’est lui ! C’est lui » c’était la deuxième fois qu’on lui faisait le coup mais cette fois-ci Guylhom ne se posait plus de questions quant aux autres chevaliers.
- Que voulez vous ? répéta Guylhom
- Moi ? Oh rien de bien important. Je vais juste libérer le peuple de ses croyances obsolètes. Même vous chevalier je peux vous libérer de vos chaînes. Votre aide à tous me serait précieuse, il y’a encore tant de….travail à abattre.
- Vous êtes fou. Ce n’est pas à vous de décider du destin d’un peuple. Qui sait quels malheurs nous attendent sans l’aide des Saints.
- Je ne viens pas débattre, juste vous mettre en garde. Faites demi tour où je crains fort d’avoir à être désagréable.
- Les restes de votre armée ne pourront rien face à nous.
- Hahaha.

Le rire s’étiola alors que les hommes corbeaux attaquaient.
Guylhom n’avait jamais compris pourquoi Aelor avait pris le temps de discuter avant d’envoyer ses sbires, un trop plein de confiance probablement.
Ceux-ci se mirent à lever leurs ailes et à tournoyer en pointant leurs dagues. Ils s’agençaient de manière parfaite, les uns debout, les autres accroupis et tournaient de plus en plus vite. Quelques plumes voletaient alors que les premiers Burgans tombaient. D’autres créatures tombèrent du ciel, s’accrochant au dos des hommes et leur frappant la tête. Certaines n’étaient même pas armées mais griffaient et mordaient.
Guylhom combattit fièrement, débarrassant Arnulf d’un de ces volatiles. Il coupait des membres à gauche et à droite, empalant parfois un de ces oiseaux de malheur qui tentait de prendre son envol.
Etrangement les membres coupés reprenaient forme humaine une fois tranchés, les plumes s’en détachant comme si elles n’avait jamais fait partie de ce corps. « Sauve là imbécile ».
Orlamund ! Il courut vers sa tente bousculant amis et ennemis au passage.
Elle s’était réfugiée dans sa tente et ses hommes la protégeaient du mieux qu’ils pouvaient. II enjamba plusieurs cadavres. Ceux-ci avaient les yeux arrachés et le sang maculait leurs traits. Les hommes oiseaux étaient difficiles à distinguer dans la nuit et c’est surtout grâce à un incendie qui se propageait de tente en tente qu’il pouvait les voir en vol. Les créatures n’aimaient pas le feu et commençaient à reculer mais elles s’acharnaient encore ici. Certaines semblaient pourtant percuter un mur invisible ou se faire arracher une aile avant même d’approcher des hommes. Guylhom prit appui sur un cadavre et tenta de sauter dans les airs pour trancher une créature. Son armure était trop lourde et il ne fit que brasser de l’air. D’autres créatures se posèrent autour de la tente et des derniers défenseurs de la princesse. Ils semblaient attirés ici comme par un aimant.
Il entendit un hennissement derrière lui. « Ceyan ! » Le cheval l’avait rejoint en arrachant le poteau qui maintenait sa longe. Guylhom s’empressa de le monter et il talonna le cheval pour foncer sus à l’amas grouillant de plus qui submergeait les défenseurs. Ceyan piétinait fièrement les hommes oiseaux, Guylhom les cueillait au vol. Elles finirent par s’égailler autour de lui pourtant aucune ne l’avait encore attaquée directement, comme si elles ne le voyaient pas. Il fit un tel carnage à lui seul la plupart des bêtes reprirent leur envol abandonnant le combat. Ils piaillaient de manière effarouchée, criant et cherchant refuge dans les cieux sombres. Ces cris furent repris ailleurs et l’attaque cessa. Mais pas le bruit, les burgans avaient continué de jouer en combattant.
La tente d’Orlamund était effondrée. Il courut vers elle. Aucun de ses hommes n’était encore debout bien que certains fussent encore vivants, il entendait leurs râles et appels à l’aide. Il écarta les restes de la tente, la toile était déchirée de toute part. Il écarta le corps du capitaine Jean. Il était mort sur la princesse, son visage percé de multiples coups. La princesse elle n’avait rien, on l’aurait dit endormie. Lorsqu’il lui prit le pouls elle ouvrit les yeux.
- Jean ? demanda-t’elle.
- Il est mort.
- Il a été loyal jusqu’au bout. Dit-elle en hochant la tête.

Elle ne semblait pas plus perturbée que ça.
- Il faut s’occuper des blessés. Allez me chercher le général Mark.
Elle commandait de façon naturelle, certaine d’être obéie.
Ils passèrent le restant de la nuit à soigner les blessés. Arnulf était venu estimer les dégâts sur place. Il y’avait eu des morts chez les burgans mais pas autant qu’autour de la tente d’Orlamund. Il la regarda un instant et dit « Vous êtes la bonne ! » en souriant. Guylhom avait du mal à comprendre comment tout ces gens pouvaient être insensible à tant de sang et de tripes. L’estomac retourné il alla le vider à l’abri des regards. L’incendie avait détruit une bonne partie de l’équipement mais les avait probablement sauvés aussi.

Lorsqu’ils reprirent la route le lendemain après avoir fait une montagne de cadavres, les traits étaient tirés. Orlamund, elle, ne le quittait plus.
- Ils ne vous voyaient pas.
- Pardon ?
- Les hommes corbeaux, ils ne vous voyaient pas.
- Je ne sais pas, c’est possible.
- Vous êtes spécial n’est-ce pas ?
- Je ne sais pas.
- Si vous savez. Ne me mentez pas s’il vous plait. Je l’ai su dès le premier instant.
- Je suppose, disons que j’ai des difficultés à le comprendre moi-même.
- Je peux voir votre ancien visage. Comme si votre âme était visible.
- Content que eux ne l’aient pas vues alors.
- Oui en effet.
- J’ai tué votre frère.
- Pardon ?

Il cru avoir mal entendu.
- Il est temps que je vous le dise. Il voulait que je l’épouse, il a probablement tenté de m’enlever et j’ai pensé…que c’était la meilleure manière de sauver Pylos. Je veux que vous sachiez que c’est moi qui l’ai tué.
- Je ne sais que dire. Je suis triste un peu mais c’était quand même un beau salaud. Et il m’avait renié. Je l’ai peu connu, pourtant je revois encore nos jeux d’enfants.
- Je suis désolée.
- Moi aussi. Les choses seraient tellement plus faciles si on pouvait garder notre esprit d’enfant.
- Oui. J’ai tellement tué depuis que je suis adulte que j’en arrive parfois à me demander si j’arriverais un jour à arrêter.
- Je l’espère.

Il tenta de faire un sourire encourageant mais le cœur n’y était pas. Quel genre de personne était-ce ?
Si douce et si terrible. Son frère, il ne s’était même pas posé la question de savoir ce qu’il était devenu après avoir combattu l’armée du Liudmark. Difficile de s’inquiéter pour ceux qu’on ne côtoie pas, pourtant ce n’était pas le temps de réfléchir qui manquait mais il avait toujours eu tendance à s’inquiéter pour le jour suivant. Il se demanda comment son père prendrait la nouvelle. Un instant il aurait bien voulu être prêt de lui. Un instant il aurait bien voulu être ce petit garçon qui sautait sur les genoux de son père. Un instant, il aurait bien voulu oublier le monde et ses malheurs.

samedi, octobre 13, 2007

Le Vengeur - Chapitre 29. Orlamund - Rose parmi les épines

Un chapitre frustrant, j'avais envie d'avancer, d'écrire, je savais ce qu'il devait contenir et pourtant j'aurais bien mis plus. Je l'ai écrit une fois mais je n'étais pas content du résultat, j'ai réécrit une partie. Pour finir j'ai recommencé depuis le début ne faisant que m'inspirer des versions précédentes.
Bref je ne suis pas encore content du résultat, loin de là mais il me tarde d'avancer, je laisse donc en l'état pour y revenir plus tard.

Musique d'inspiration: Aucune réellement bien que Mauerbrecher - October Leaves m'a permit de refaire un début un peu plus cohérent.

Chapitre XXIX. Orlamund - Rose parmi les épines

Ce n’est pas tellement pour les Burgans qu’elle était là à cheval en train de traverser les hautes montagnes nordiques. Le paysage était époustouflant. Elichzäne qu’ils les appelaient, les « dents de dieux », jamais elle n’avait vu de monts si effilés, si impénétrables. Cela ne ressemblait en rien aux montagnes qui entouraient la région de la capitale des Royaumes. Elle se demanda pour la centième fois si elle avait eu raison de venir. Mais ce n’était pas pour les Burgans et leur quête fantasque qu’elle était là. Non, elle avait besoin de savoir. Les saints existaient-ils vraiment ? Pourrait-elle comprendre ce qu’elle était ? Trouverait-elle le repos là bas ?

Les hommes de son père étaient arrivés le lendemain de la retraite ennemie. Une longue colonne qui passait à l’horizon. Un détachement avait bifurqué vers la ville et fut accueilli en libérateur par une population qui commençait à peine à comprendre que le siège était définitivement terminé. Elle salua l’esprit vif de son père qui tournait la situation à son avantage, son armée entrait dans la ville sans un seul combat et acclamé encore. Les conseillers de Pylos devaient se ronger les sangs à l’heure qu’il était. Elle eut cependant un pincement au cœur de voir qu’au final son mouvement avait probablement été plus politique que sentimental. C’est un homme aux moustaches sombres et harnaché pour la guerre qui vint lui rendre hommage. Son armure de plate résonnait dans les lieux telle une agression et Orlamund ressentait cette visite comme tel, sans trop savoir pourquoi.
L’homme s’agenouilla devant elle, difficilement et aidé par un écuyer qui rendit l’acte plus ridicule que cérémonieux. Jean, son capitaine, restait maintenant toujours prêt d’elle et avait accepté de lui fournir une garde rapprochée. Elle ne savait pas ce qu’il pensait de ce qui s’était passé lors des négociations, désapprouvait-il ? Il n’en laissait en tout cas rien paraître.
- Capitaine Gérom pour vous servir votre altesse. Le général Mark vous présente ses excuses mais l’anéantissement des envahisseurs lui semblait une priorité.
- Relever vous Capitaine.
- Merci, votre altesse. Tout le royaume est soulagé de vous savoir en vie. Messire le roi m’a fait part de désir de vous voir de retour au plus tôt si cela vous sieds bien sûr. D’ici là je suis chargé de votre sécurité.
- C’est bien aimable à vous capitaine, je vous présente le capitaine Jean, qui est déjà chargé de ma sécurité et qui a plus que fait ses preuves comme tout ses hommes.

Elle était consciente que l’homme n’allait pas apprécier mais elle voulait absolument que les miliciens de la ville puissent recevoir les honneurs qui leur étaient dus. Elle sentait une hargne monter à l’encontre de cet homme qui ne lui avait pourtant rien fait. Ces hommes arrivaient en triomphe alors qu’ils n’avaient rien fait pour sauver la ville. Ils allaient maintenant profiter de la liesse, boire, fêter et réécrire l’histoire. Combien de gens ici se souviendront-ils qu’au plus fort des combats, seuls les murs et la milice avaient empêchés la ville de tomber ?
L’homme n’osa pas la contredire, un simple capitaine ne pouvait se le permettre.
- Un détachement restera à votre disposition dans ce cas.
- Resterez vous dîner avec moi ce soir, Capitaine ?

Elle avait besoin de savoir ce qui se tramait, son père s’attendait-il à ce qu’elle abandonne Pylos entre ses griffes et rentre au pays pour redevenir fille à marier ?
- Hélas votre altesse, cela m’est impossible. Il y’a énormément de choses à préparer pour remettre de l’ordre en ville et organiser l’aide aux plus démunis.
Elle vit Jean serrer les poings mais son visage ne laissait rien transparaître.
- Le capitaine Jean ici présent se ferra un plaisir de vous servir de guide dans cette cité inconnue. Je suis sûr qu’il trouvera de la place pour vos hommes jusqu’à leur départ.
- Nous avons déjà pris nos quartiers dans la garnison.
- Ah ? Et la milice ?
Jean n’avait pu se retenir d’intervenir.
- Sauf votre respect capitaine Jean, ce ne sont que des civils qui ont reçu un entraînement militaire sommaire. Nos troupes sont bien mieux habilitées à assurer la défense de la ville.- Contre qui ? Vous ? Intervint Orlamund.
- Bien sûr que non votre altesse mais la campagne n’est pas débarassée des agresseurs liudmarkiens et au dernières nouvelles Telon et Varest sont toujours entre leurs mains.
- Sachez que je ne tolèrerais aucune exaction de vos troupes et que Pylos est et restera une des cités libres quoi que veuille mon père.
- Nous ne sommes ici que pour assurer votre sécurité princesse.

Elle avait pourtant du mal à le croire. Les événements lui donnèrent raison.
Ses actions ayant coûtés la vie à plusieurs conseiller ceux-ci n’osaient plus venir la voir et la croyait responsable de la prise de pouvoir des royaumes du Sud. Les nouvelles de la défaite Liudmarkienne, leur arrivèrent au bout d’une semaine menant à d’autres manifestations de joie et de reconnaissance envers les hommes du Sud.
Jean enrageait mais elle pouvait difficilement faire quoi que ce soit. Elle avait convoqué le capitaine Gerom mais celui-ci avait prétexté un emploi du temps trop chargé pour venir lui rendre visite tout en lui assurant son indéfectible loyauté.
Elle avait perdu la bataille avant même de la livrer et elle réalisé qu’elle avait encore beaucoup à apprendre. Son père avait eu raison de dire qu’elle aurait du faire attention à ce qui l’entourait à l’époque, au niveau politique tout se jouait avant de négocier.
Son humeur devint maussade, elle se sentait seule et se demanda pourquoi elle ne rentrait pas à la maison. Un matin, elle regarda par la fenêtre et étudia la cité sous ses pieds. Les petites rues pavées descendaient abruptement vers le port et les bas quartiers. Pylos étaient tellement en pente qu’on disait que si on trébuchait on se retrouvait au porte de la ville plus vite qu’en marchant.
Elle sourit, elle aimait bien cette ville au bord de la Synd, en bateau la mer n’était pas loin et la montagne elle aussi était toute proche, il y faisait bon vivre, la chaleur y était moins étouffante que dans le sud. La plaine alentours était parsemée d’oliviers au tronc maigre et torturé.
Elle comprit alors que c’était ici sa maison. Ici qu’elle était devenue adulte. Il lui fallait absolument trouver un moyen pour relâcher l’étreinte de son père sur la cité.

Pourtant tout cela avait parut si futile la première fois qu’elle l’avait vu. Il était arrivé accompagné des chefs Burgans et du général Mark. Une troupe fort hétéroclite qui avait été acclamé par la foule. Chaque Burgan se présenta et l’homme faisait office d’interprète. Guylhom, elle aimait la sonorité de ce nom. Pour la première fois depuis longtemps Orlamund ressentit quelque chose dans son cœur. L’homme avait été défiguré et pourtant elle pouvait encore voir son visage, si serein, sérieux mais avec des yeux qui pétillaient. Elle réalisa qu’il était quelque part comme elle, touché par les Saints.
Elle eut des difficultés énormes à ne pas le fixer pendant tout l’entretien, elle buvait ses paroles, hypnotisée par son double visage torturé. Les Burgans eux aussi était source d’émerveillement, entre le colosse blond couvert de cicatrice, la petite femme à moitié nue, l’enfant à la peau sombre et le gros musculeux au cou aussi gros qu’un tronc d’arbres elle fut certaine qu’il se passait quelque chose ici qui ne s’était encore jamais produit auparavant. Le général Mark avait les yeux qui sortaient de la tête alors qu’il écoutait le récit fantasque de leurs invités sur leur mission divine mais elle ne faisait que sourire.
Elle ne voyait plus les cicatrices de Guylhom, il parlait bien, c’était un homme instruit et elle voyait qu’il choisissait ses mots avec soins. L’idée de partir avec eux dans le nord pour arrêter Aelor était cependant troublante. Elle ne doutait pas qu’elle pouvait être utile dans une telle entreprise mais ici Aelor était vu comme un bienfaiteur, un homme qui était parti en promettant monts et merveilles au peuple. La fin du joug des dieux, la fin des menaces extérieures. Son absence lors de la guerre ne semblait même pas avoir terni son image. Les gens parlaient communément dans la rue du temps où Aelor reviendrait avec leurs maris et leurs fils. Elle se demanda si quelque part il n’avait pas été lui aussi l’instrument de la victoire en donnant espoir à un peuple face à l’ennemi.
Le chef burgan, un certain Arnulf lui posa alors une question qui mit bien du monde dans l’embarras, Guylhom le premier vu qu’il dut traduire.
- Euh…le chef de la tribu des lions demande, enfin c’est délicat, disons qu’il aimerait savoir… Voilà, il veut être sûr que vous soyez encore vierge.
Sur le moment, le ton était monté, tous les hommes présents s’étaient insurgés, prêt à défendre son honneur. Elle en aurait presque rit. Personne ne savait où elle était passée durant une année, elle réapparaissait un an plus tard en tant que simple infirmière et tous supposaient qu’elle était encore vierge. Elle avait presque envie de répondre non pour les embêter, après tout il s’en était fallu de peu qu’elle ne le soit plus et elle ne savait pourquoi Devian avait jugé normal de la violer mais pas de lui prendre sa virginité. Ce souvenir doucha sa bonne humeur.
- Je ne vois pas en quoi ça le regarde. Dit-elle d’un ton froid. Mais oui je le suis encore.
- Il dit qu’il comprend que vous deviez sauvegarder les apparences mais il vous supplie si ce n’est pas le cas de le lui dire. La prophétie parle de la vierge sanglante, il est vital pour la réussite de la quête que vous soyez la bonne personne.

- S’il ne le sait pas lui-même comment moi le saurais-je ?
- Sans vouloir vous offensez, il me semble que vous êtes assez sûres d’être la bonne personne.
- Vous savez que je demanderai quelque chose en échange.
- Ah. Je croyais que sauver le monde serait une gratification suffisante.

Elle sourit en coin en se disant que l’homme avait peut-être un peu trop vécu avec les sauvages mais cela n’était pas grave, elle était déjà fatiguée des ronds de jambes et courbettes.
- Garantissez l’indépendance des Cités Libres et nous partons dès demain.
- Princesse, je pense que tout ceci est allé trop loin et qu’…
- Silence Général Mark. Je m’exprime.
- Remplissez votre part du contrat et les Burgans vous seront redevables.

Le général Mark avait le teint légèrement vert lorsqu’il avait pris congé.

Au final, ça ne s’était pas si mal passé, le voyage était agréable, l’été était là, le temps clément les accueillait en terre Burganne et elle avait planté une sacrée épine dans le pied de son père. S’il laissait ses troupes et officialisait l’occupation des Cités Libres il risquait de devoir combattre les Burgans à son retour alors que s’il se retirait il pouvait passer pour un roi clément et bienfaiteur mais n’aurait toujours pas réussi à assurer son emprise sur les routes de l’acier. Elle respira profondément, l’air était si pur ici.
Guylhom vint lui demander la permission de chevaucher près d’elle.
Ils passaient de bons moments ensemble et Orlamund oubliait presque la raison de leur voyage.
Elle s’empressa d’accepter, l’homme semblait avoir beaucoup manqué de compagnie et racontait ses péripéties, il avait une voix douce et chaleureuse. Elle se demandait s’il réalisait qu’il lui plaisait ? Elle rit bêtement, depuis quand l’avait-elle réalisé elle ? Elle se fit l’effet d’une petite fille à nouveau et décida de profiter de l’instant et d’écouter le récit de son chevalier.
- J’avais laissé les hommes à Palys et confiant nous approchions de ces mêmes montagnes lorsque…

mardi, octobre 09, 2007

Le Vengeur - Chapitre 28. Saymar - Anna

Un chapitre fort chargé, j'en suis conscient. Il y'a beaucoup à dire et il restait encore beaucoup de chemin à parcourir pour Saymar, pourtant j'ai préféré terminé sur un chapitre plus dense que de trainer en longueur un nouveau cycle. Au final peu de choses sur l'intrigue principale dans ce chapitre mais un lien entre ceux qui précèdent et ceux qui viennent. Reste qu'on trouve bien la dualité de Saymar et puis il avait lui aussi droit à un moment de bonheur.

Photo d'e_m@t
Musique d'inspiration: Vladimir Cosma - La Chèvre


Chapitre XXVIII. Saymar - Anna

Saymar retira son couteau de la gorge du jeune homme et l’essaya contre son tabard. Si jeune, qu’est-ce qu’il foutait là ce con ? Il entreprit de lui découper le doigt pour récupérer une bague, il en avait déjà ramassé une dizaine, toutes identiques sur ces soldats. Il se demandait comment des soldats pouvaient se payer de tels bijoux.
Laura s’approcha :
- Tu fais quoi ?
- Je ramasse la verroterie, ces bagues doivent valoir une fortune.
- On est plus des brigands tu sais.
Saymar la regarda un instant, décidemment il ne voyait pas ce qu’il avait pu lui trouver dans le temps.
- Ouais ben comme j’ai rien d’autre à foutre de la journée je vais quand même continuer.
Elle haussa les épaules et s’en alla. Ils l’énervaient tous autant qu’ils étaient. Toujours à pinailler, oui mais ci, non mais cela et blablabla mon cul est rose. Seule Anna, arrivait à le faire sentir calme et serein, elle le comprenait elle, ou du moins elle faisait comme ci.
Il continuait à faire sa récolte lorsque les Burgans arrivèrent sur le champ de bataille pour ramasser leurs morts. « Z’en ont pour un bout de temps ! ». La tribu des femmes, les panthères s’il se souvenait bien, avait morflé mais les pertes étaient énormes des deux côtés. Saymar se demanda quand même quel était l’intérêt de se battre à poil quand il regardait le nombre de corps de femmes (et pas moche en plus) qui gisait là. Il en reconnut quelques unes qui leur rendaient visite au campement.
Il cracha dégoûté, tant de morts pour rien. Au final les Burgans n’étaient pas si sauvage que ça, ils étaient juste différents. Les liudmarkiens avaient bien failli les surprendre avec la brume. Ils n’avaient été averti qu’une heure avant de leur arrivée. Les hommes du chef, les lions avaient du absorber la première charge sans vraie préparation. Les serpents et les panthères étaient les seules autres tribus présentes. Les autres étaient encore sur la route de l’autre côté de la rivière Faux mais d’après les premiers échos, ils avaient dû combattre eux aussi. N’empêche, c’est encore l’autre peigne cul de chevalier qui était venu les chercher afin d’aider les Burgans. Saymar avait d’abord refusé mais tous les autres avaient accepté chaleureusement, impatient de montrer leurs valeurs. Ils avaient agrippés leurs armes et courut rejoindre la mêlée. L’autre nobliau était gonflé, il avait refusé de combattre des compatriotes, prétextant que sa seule présence suffirait à arrêter les combats. Saymar lui aurait bien botté le cul pour qu’il y aille tout seul au front. Enfin ils y étaient allés, et l’affrontement avait tourné au massacre.

Les femmes panthères portaient des châles blancs qui couvraient leurs cheveux et leurs épaules. Elles s’étaient peintes des larmes sur le visage. Il en vit une soutenir le chef Burgans qui contemplait la masse de corps. Cet imbécile avait insisté pour combattre alors qu’il n’était manifestement pas en état après sa petite démonstration de la semaine précédente. Tous aussi fou les uns que les autres à courir après la mort. Il coupa le dernier doigt et mis la bague dans sa poche après avoir fouillé machinalement les poches du cadavre. Il se prendrait bien une bonne biture ce soir, de toute façon Anna le boudait parce qu’il avait refusé qu’elle prenne part au combat, elle y était allée quand même bien sûr mais lui en voulait d’avoir voulu la protéger. « Bah ! ».
- S..Saymar ?
Un corps bougeait près de lui, une main se tendait. Le type avait une sale blessure à la tête et Saymar mit un temps à reconnaître Pilton sous le sang qui lui maculait la face.
Il s’accroupit précipitament :
- Frérot ? Eh beh, tu t’es bien fait amoché. Tu veux que j’aille chercher de l’aide ?Il lui tata le crâne doucement, une blessure moche, Pilton avait peut être perdu un œil mais il survivrait.
- Aaah. Arrête. Mon frère…
- Oui ?

Pilton continuait sa phrase sans s’adresser particulièrement à quiconque.
- …est …est…mort à dix…dix putains d’ans.
Saymar réfléchit un instant, Pilton délirait-il ou tentait-il de lui expliquer quelque chose ? Celui-ci ferma les yeux un instant, aspirant de l’air goulûment comme s’il rassemblait ses forces.
- Pourquoi toute cette mascarade de frère alors ?
- Je…J’étais perdu. Je savais plus quoi faire, ils…ils voulaient tous quelque chose. J’étais si fatigué. Fatigué. Tu avais l’air gentil et puis…t’étais dans la merde.

Saymar rit.
- C’est clair que j’y étais jusqu’au cou, tu m’as sorti d’un fameux merdier et t’inquiète tu vas te sortir de celui-ci. Dit-il en lui tapotant l’épaule, prêt à se relever pour aller chercher de l’aide.
- …mais tu n’es qu’une ordure. Si j’avais su.
Saymar arrêta son geste, son regard se glaça et il porta la main à sa dague.
- Tu sais plus ce que tu dis, frérot. Tu t’es pris un sale coup, demain tu auras oublié tout ça.
- Non…non. Pilton sanglotait maintenant. Il faut les prévenir. Il faut leur dire que t’es pas un héro.
Saymar avait du mal à le comprendre au milieu de tous ces sanglots mais il se demanda quand même si l’homme délirait ou était devenu complètement con. Il aurait pu s’en sortir, sa blessure n’avait pas l’air fatale, pourquoi le menacer lui ? C’était vraiment la dernière chose à faire.
- Dors frérot, ça va aller.
Il lui enfonça doucement la dague dans le bas du dos, la lame glissant lentement entre deux vertèbres, presque avec amour.
- Bonne nuit frérot, enchanté d’avoir fait ta connaissance.
Il se releva et sentit une boule dans sa gorge. Décidemment, il avait vraiment besoin d’un verre.

Le lendemain, les éclaireurs annonçaient l’arrivée d’une seconde armée, le branle bas de combat réveillé Saymar et sa gueule de bois. Les Burgans étaient encore tous rassemblés pour faire leur deuil, la plupart avait les traits tirés et le regard abattu. Le chevalier machin arriva, l’air pimpant malgré les cicatrices qui lui barraient le visage. Il était si fier sur son nouveau cheval. Il le salua, le fixant de ses yeux laiteux, comment se type faisait-il pour voir. Saymar frissonna. Je ne pense pas qu’il faille s’inquiéter, ce sont des hommes des royaumes du Sud pas des Liudmarkiens. Ils devaient d’ailleurs probablement poursuivre ceux-ci. Avec l’accord d’Arnulf, je compte me porter au devant d’eux avec une délégation, vous en êtes ?
Saymar le regardait interdit :
- Pour y quoi foutre ?
- Parce que vous êtes peut-être le seul ici à pouvoir éviter un autre bain de sang ?
- Pourquoi vous y êtes pas allé vous hier, voir les Liudmarkiens ?
- Une petite voix qui m’a dit de ne rien en faire.

Saymar le dévisagea un instant pour savoir si c’était une tentative d’humour ou de la pure folie. « Taré ce type ! » pensa-t’il.
- La prochaine fois que vous entendez des voix, demandez moi, je vous assomme avec plaisir.

Ils y étaient donc allé, ils arrivèrent sous bonne escorte sous une tente de commandement montée à la va-vite. La plus grosse surprise de la journée fut de retrouver le commandant Mark. L’homme n’avait apparemment pas perdu de temps. Etrangement celui-ci accueillit Saymar à bras ouvert.
- Que le monde est petit ! Vous avez réussi à vous alliez les Burgans, c’est fantastique ! J’arriverai jamais à comprendre comment vous vous en sortez.
Saymar le regarda méchamment un instant, se demandant si l’homme se moquait de lui.
- Moi non plus. Répondit-il simplement pince sans rire.
L’autre débile s’était esclaffé et Saymar se demanda à quel jeu il jouait vraiment.
Les négociations furent principalement menées par Guylhom et il s’emmerda profondément tout du long. Après les échanges de bonne fois, les Burgans demandèrent le droit de passage pour trouver une « vierge sanglante ». Mark les regarda bizarrement :
- Vous avez entendus parlé de la princesse ?
Le sauvage ne tint plus en place dès qu’on lui traduit la réponse, il exigea une entrevue avec celle-ci et s’énervait face aux réponses polies et prudentes de Mark. Saymar sortit. Tout cela ne le regardait plus.
Lorsque vint le moment de se séparer, Mark vint le trouver.
- La princesse désirerait vous rencontrez. Lorsque je lui ai fait mon rapport, elle a exprimé un grand intérêt pour ces hommes et ces femmes qui se sont battus en son nom.
- Elle est là ?
- Non, elle est en sécurité à Pylos mais ce n’est qu’à une semaine de marche.

Saymar avait haussé les épaules en répondant vaguement oui. Il rentra tard au campement.
Il passa au milieu de quelques franches vulgairement installées, la genou plié et la croupe proéminente contre un tas de bois. Décidemment pour certaines s’habiller comme des hommes les faisaient passer pour des filles de joie. Il savait que certaines discutaient dans son dos, certaines n’auraient pas dit non pour avoir ses faveurs lui par contre s’en foutait, il ne pensait qu’à une seule.

Il était tard mais les Burgans continuaient leur veillée. Les instruments s’étaient tut mais les femmes continuaient de chanter. Parfois les hommes répondaient d’un cri grave et plaintif qui résonnait dans la plaine longtemps après que le chant ait cessé.
Il vit la nuit doucement s’illuminer alors que les bûchers funéraires étaient allumés. Des teintes orangées se levèrent vers les cieux et commencèrent à combattre les ténèbres.
- C’est beau. Anna l’avait rejoint, sans bruit. Elle était pieds nus.
- Oui.
- Ils ont accepté que les nôtres soient brûlés auprès de leurs guerriers. Pilton sera en bonne compagnie.

Elle lui prit la main.
- Ils ont beau se balader à moitié à poil, ils ont quand même plus de décence que nous. Quant on les côtoie on ne peut s’empêcher de les respecter. C’est triste pour eux, ils ont perdu beaucoup des leurs hier et pour pas grand-chose.
- Triste ? Toi ?
- Bah, tu comprends ce que je veux dire.
- Pourquoi faut-il que tu sois si doux parfois ? Si gentil avec moi et si dur avec les autres ?
- Je ne suis pas une brute.
S’offusqua-t-il.
- Non, en effet. Mais tu sais être si distant que parfois je me demande si tu vis dans le même monde que le nôtre.
- Je n’ai jamais eu vraiment envie de vivre dans ce monde. Pourquoi on partirait pas ?
- De quoi ?
Elle rit. Partir ? Où ça ?
- Les îles d’été ! Toi et moi, laissons les à leur guerres et à leurs dieux.
- Tu es fou !

Elle avait les yeux qui pétillaient, qu’elle était belle.
- Bien sûr que je le suis ! N’as-tu jamais rêvé de voir la mer ?
- Si bien sûr mais…
- Alors ? Allons-y partons !
- On ne peut laisser les autres. Ils comptent sur nous, sur toi.
- Je m’en fou des autres, je…
- moi pas.

Il déglutit, allait-il être obligé de lui dire ? De s’agenouiller, de quémander devant elle ?
- Tu fais une de ces têtes, on dirait un gamin.
Son sourire blanc éclatait, il ne voyait plus que lui.
- C’est l’impression que j’ai parfois, face à toi je ne suis plus qu’un gamin et j’aime ça.
Elle le regarda dans les yeux.
- Dis le moi.
- Quoi ?
- Que tu m’aimes.
- Bien sûr que je t’aime.
- Pas comme ça. Tu m’aimes vraiment ?

Il hésita un instant se rappelant cette fameuse nuit où elle lui avait dit «Tu me désireras, Saymar, plus que tout au monde. Je hanterai tes nuits, je ferai battre ton coeur et tu seras prêt à prendre le risque de mourir pour m’avoir. ». Il regarda autour de lui. Il n’y avait rien ici pour lui. La guerre finie, il n’aurait plus de chez lui, pire on risquait de lui passer la corde au cou pour brigandage.
- Oui. Je t’aime. Je t’aime plus que cette putain de vie, je préfère clamser vingt fois que de te perdre. Tu le sais. Epouses moi.
Elle lui prit la main, le visage angélique, les yeux brillants de milles feux et se leva sur la pointe des pieds pour lui déposer un baiser sur la bouche. Elle aussi avait l’air d’une petite fille se dit-il.
Il avait fini par s’agenouiller et lui avait demandé sa main et alors que tout le monde pleurait lui était le plus heureux des hommes.

Ils avaient tous acceptés de les accompagner, les franches et puis les autres qui restaient. Il avait cru que le chevalier immaculé allait sortir ses yeux morts de ses orbites quand il lui avait annoncé son départ pour se marier. Le chef Burgans lui une fois qu’il avait compris de quoi il retournait avec éclaté de rire et lui avait asséné une claque dans le dos. Il devait encore avoir la marque. Ils marchaient gaiement, loin des combats. Haytor s’occupait de tout maintenant, envoyer des éclaireurs alentours entre autre, Saymar n’avait pas la tête à ça. Il tenait la main d’Anna et lui chuchotait des mots doux à l’oreille et quelques saloperies sur les autres aussi mais ça la faisait tant rire. Il aimait quand elle riait.
Il s’attendait à ce que Laura prenne mal la nouvelle mais au contraire elle vint le voir avec un grand sourire. « Je suis si heureuse pour vous patron. Vous l’avez tout deux mérités. Et puis on doit vous avouez un truc. Haytor et moi on aimerait aussi se marier. Le même jour que vous ce serait un honneur. Ce grand dadais est trop timide pour vous le demander lui-même. ».
Saymar hocha la tête distraitement. Il regardait Anna, cueillir des fleurs. C’est fou comme des trucs tout cons pouvaient l’émerveiller. Chaque soir, ils passaient des heures à se parler et à s’embrasser. Saymar essayait parfois d’aller plus loin, de passer les mains sous sa chemise de lin mais elle ne se laissait pas faire. Elle voulait absolument attendre le mariage et au fond cela lui était bien égal, rien que l’avoir près de lui, lui suffisait.
Ils arrivèrent en vue de Varest au bout de deux bonnes semaines, les troupes Liudmarkiennes l’avaient désertée bien avant leur arrivée mais ils furent quand même accueillis en héros. Saymar profita de cet élan de bonne foi de la part du peuple pour retirer un maximum d’avantage de ses maigres richesses. Tout cela se passa comme dans un rêve, le temps passait à une vitesse folle, les journées défilaient sans qu’il ait eu l’impression de rien faire mais il savait qu’il les vivait pleinement. La cérémonie du mariage par contre lui parut bien trop longue et sommes toute assez simple, ils partaient le lendemain pour les îles d’étés et lui s’émut surtout de voir Anna dans une robe de satin blanc qui faisait ressortir ses cheveux roux et son teint halé. Haytor et Laura se marièrent après eux et Saymar se surprit même à avoir une larmichette au coin de l’œil lorsqu’ils se dirent oui. La nuit de noce arriva et il se surprit à avoir les mains moites lorsqu’ils pénétrèrent dans la chambre louée pour l’occasion. Elle était décorée de fleurs et de messages grivois mis en place par le soin des franches. Anna se mordait la lèvre inférieure lorsqu’elle retira sa robe. Il n’osait bouger, une certaine appréhension le tenaillait et il se demanda un instant si elle n’avait pas un couteau caché dans son dos. Il put découvrir ensuite qu’il n’en était rien lorsqu’il lui caressa l’échine de ses doigts. Elle le déshabilla lentement alors qu’il découvrait son corps de ses lèvres et de ses mains. Elle se tortilla et gémit lorsqu’il lui toucha l’entrejambe. Il n’avait jamais rien ressenti de pareil auparavant avec aucune autre femme, elle était douce et chaude, prête pour lui déjà mais il fit durer le plaisir, ses doigts se délectant de cette sensation à nulle autre pareille. Elle se tendait et se dressait sous ses caresses pointant ses seins vers sa bouche. Il lui mordilla les tétons et finit par la pénétrer, un peu trop impatiemment peut-être. Elle n’était pas vierge mais à vrai dire il s’en moquait. Elle l’accueillit avec plaisir et ils bougèrent à l’unisson. Il vint en elle, trop vite à son goût mais elle sut vite le ramener à elle, en elle. Il ne sut combien dura leur ébats mais il aurait voulu que jamais ils ne cessent.
Il ne sut pas non plus ce qui lui fit peur. Elle cria un moment alors qu’il la prenait pour la troisième fois. Elle se débattit, il crut d’abord à un jeu, la retenant par la taille mais elle le regardait sans le voir et le repoussa durement, se débattant avec ses pieds. Elle se dressa contre un meuble, affolée.
- Non !
Elle se regarda un instant, nue et couverte de sueur et de leur odeur.
- Salaud ! Salaud ! Tu m’as violée.
- Anna, chhut calme toi. C’est moi Saymar. Je suis là, je t’aime.
- Tu l’as tué ! Tu l’as tué ! Tu es un salaud, tu rigolais, tu rigolais.

Il vint près d’elle et lui entoura les épaules de son bras. Il réalisa qu’il ne savait rien de son passé et qu’il était loin d’être aussi rose qu’il se l’était imaginé. Il lui baisa les cheveux.
- Shhhh. Ça va aller. Tout va bien se passer. Il te faut du temps.
Une franche avait oublié une paire de ciseau sur place, lui ne l’avait pas vue jusqu’à ce qu’il la sente se planter dans son ventre et s’y replanter encore. Il hoqueta.
Il voulu l’implorer, lui dire qu’il l’aimait mais le choc l’empêcha de prononcer un mot.
- Non ! Non ! Non ! criait-elle à chaque coup.
Il avait mal mais quelque chose en lui se brisa. Une petite voix qui lui disait « Tu me supplieras à genoux de te tuer en échange d’une seule nuit avec moi. Je te le promets ! ». Il n’avait pas supplié. Non, il n’avait pas supplié. Pourquoi ?
Sa tête cogna le sol et l’obscurité l’engloutit.

lundi, octobre 08, 2007

Le Vengeur - Chapitre 27. Thibaut - L'homme Roland.

!!!! SPOILERS - Evitez de lire ce chapitre si vous n'avez pas lu ceux qui précèdent. !!!!

Un chapitre facile à écrire mais difficile émotionnellement à terminer. C'est le dernier chapitre de Thibaut, le premier personnage que je termine. Un petit pincement au coeur et une humeur au fond des chaussettes. Et dire que tout ça fut écrit à cause d'un petit matin brumeux.

Musique d'inspiration: Hans Zimmer - Injection.


Chapitre XXVII. Thibaut - L’homme Roland

Il se demanda si le dieu cornu était venu l’accueillir sur terre. La brume était si épaisse qu’on ne voyait pas à vingt pas. Pourtant, il galopait, droit devant, sur les lignes burgannes. Il les entendait, leurs tambours résonnant sans relâche accompagnés d’il ne savait quelles cornes. Thibaut était confiant, les Burgans étaient trop fiers pour monter une embuscade et brume ou pas il allait les écraser.

Il entendait le martèlement des sabots tout autour et derrière lui. Un boucan d’enfer et pourtant il ne voyait que les cavaliers qui se tenaient à ses côtés, les autres n’étaient que des formes fantomatiques qui apparaissaient parfois avant de disparaître à nouveau dans le rideau de brouillard. Penché sur l’encolure de son cheval, son bacinet fortement secoué, il repensa amèrement aux dernières semaines écoulées.

Tout, tout avait échoué à cause d’une seule et même personne : Orlamund Forcefer. Un grain de sable royal qui avait tout balayé. Cette chienne superbe avait insufflé la peur dans le cœur de l’armée la mieux disciplinée du monde civilisé. La moitié des hommes avait assisté à la mise à mort du prince et de la moitié de la noblesse. Que faire contre un ennemi qu’on ne peut ni voir ni toucher ? Thibaut n’avait pas la réponse et il considérait que la campagne était un échec.
Il ne devait pas être le seul dans le cas car la plupart des nobles survivants s’étaient retirés avec leurs troupes, ils rentraient au pays ou vers Valars. Ceux qui restaient s’étaient disputés pour le contrôle de l’armée ce qui n’arrangeait en rien le moral de celle-ci. La discipline se relâchait et il n’y pouvait pas grand-chose. Il avait essayé de mettre ce temps à profit pour comprendre les motivations de Roland. Celui-ci observait un mutisme inquiétant et souriait peu contrairement à son habitude.
- Tu la connaissais ? lui demanda Thibaut un soir alors qu’ils buvaient du vin à la belle étoile.
- Pas personnellement… répondit celui-ci distraitement.
- Des fois, j’ai l’impression que tu la hais, elle t’a fait quelque chose ?
- Ah parce qu’à toi elle ne t’a rien fait ? Elle vient d’anéantir toutes nos chances de remporter cette guerre.
- Je ne parle pas de ça
Le regard de Roland flamboya
- Qu’est-ce que ça peut te foutre, gamin.
- Je m’inquiète.
- Tu t’inquiètes ? Qu’est-ce que ça change ? Je ne veux pas de ta pitié. Ma famille entière a été massacrée par les Forcefer. Un jour, ils paieront.
- Ah…Je suis désolé.
- Désolé, c’est tout ce que tu sais faire, je n’aurais pas été là que tu serais encore désolé dans un cachot à Montveilh. J’ai passé des années à m’entraîner, à planifier, à espionner la cour, à me rapprocher d’eux, à découvrir leur visage marqué par l’infamie. Des années…

Il contemplait le miroitement du breuvage dans son gobelet.
- Qui es-tu ? Vraiment ? Tu n’es pas le fils de l’évêque de Rochefaud n’est-ce pas ?
- Pas vraiment, même si le vieux s’est plié de bonne grâce à la comédie.
- Alors ?
- Quoi ?
- Qui es-tu ?
- Mèle toi de ce qui te regardes.
- Toi tu sais bien tout de moi.
- Pour ce qu’il y’a à savoir sur un nobliaux.
- Va te faire foutre.

Roland sourit, un instant Thibaut cru avoir retrouvé son ami.
- Roland Lapert pour te servir, enfin c’est plutôt toi qui devrait le faire.
Il faisait la comédie, se levant et faisant une courbette, le coude levé comme s’il tenait une longue cape soyeuse.
- Arrête tes conneries ! Allez dis-le moi.
Ils avaient rit et bu encore un peu, se moquant du nouveau personnage de Roland. Il ne s’était pas attendu à ne plus le revoir. Le lendemain, Roland avait disparu, il avait emporté son paquetage sans laisser aucune trace. Personne ne savait où il avait disparu. Ce n’est que deux heures plus tard que Thibaut réalisa que Luclin manquait aussi à l’appel. Il réalisa à quel point il avait considéré le géant comme un meuble qui l’accompagnait partout. Un sentiment de solitude poignant l’envahit. Ceux qu’il croyait être ses amis avaient disparus, ils étaient partis sans lui. Rentrant dans sa tente, il s’affala sur son lit et y découvrit un mot sous l’oreiller. « Gamin, rentre chez toi. Amitiés Roland. »
Il l’envisagea un instant, retrouver ce qui restait de sa famille, pleurer un peu dans les bras de sa mère et serrer Sorj et Eliana dans ses bras. Puis il sortit prendre l’air et là il vit ses hommes, enfin les hommes de Frida. C’est pour elle qu’ils restaient et se battait. Certains d’entre eux avaient des femmes et des enfants qu’ils désiraient revoir et pourtant ils étaient encore là, pour l’honneur. Quelque chose que personne ne pouvait leur enlevé. Il ne pouvait décemment pas revenir vers Frida couvert de déshonneur, elle ne l’accepterait pas. Il fallait qu’il reste et montre de quoi il était capable.
Cela faisait quelques jours qu’on annonçait une colonne burganne arrivant droit sur eux. Ce matin là, lorsqu’il arriva au quartier général, il ne restait que deux nobles qui se regardaient en chien de faïence, tous les autres avaient fuis et probablement que ces deux là n’attendaient que pour voir lequel des deux resterait le plus longtemps. Il décida de prendre les choses en main.
« Il faut aller à leur rencontre, il n’y a plus rien pour nous ici. »

C’est une armée six fois plus petite qu’à son arrivée qui quitta les abords de Pylos, laissant derrière elle une grande majorité de son barda. La plaine était jonchée de déchets, de tentes écroulées et d’armes de sièges abandonnées. Thibaut envoya des messagers pour demander des renforts à Telon ou Valars s’il fallait aller jusque là, espérant qu’il y’aurait des troupes pour entendre son appel. Les premiers rapports d’éclaireurs faisaient état d’une armée ennemie gigantesque, étalée sur des kilomètres. Des cavaliers harcelaient leur flanc droit sans relâche mais les pertes étaient énormes. Près de la moitié des éclaireurs ne rentraient pas de mission, rendant chaque mission plus difficile pour trouver des volontaires. Ils avaient à peine posé le campement du premier jour que la nouvelle arriva.
Le Roi Kylios Ier avait traversé la Synd et les talonnait. Cela changeait la donne, il ne pouvait décemment combattre en ayant des ennemis dans le dos. Pourtant, il répugnait à fuir. Il voulait à tout pris éviter l’affrontement avec les sudistes, s’ils le reconnaissaient ce pourrait être catastrophique pour sa fille, pire s’il était capturé se serait la pendaison en tant que traître. Il fallait aller de l’avant, pousser au travers des lignes burgannes, rejoindre le gros de l’armée avec une victoire et laisser les sudistes se débrouiller avec qu’il restait des barbares. Il contempla la bougie qui oscillait au dessus des cartes, devait-il écrire une lettre d’adieu ? Non, ils allaient réussir, il fallait qu’il ait foie en leur entreprise.

L’étendard claquait au vent. Il se demanda si les burgans avaient été prévenus de leur arrivée ou non.
L’air était froid et humide, vivifiant. Thibaut se demanda pourquoi Roland était parti. Etait-il vraiment le dernier descendant des Laperts ? Dans ce cas, Thibaut n’avait-il été qu’un instrument de vengeance pour lui ? Qu’elle avait été la part de vérité dans tout ce qu’il avait vécu ? Il serra la main sur la garde de son épée, il fallait qu’il se nettoie l’esprit. Tuer quelques sauvages lui ferait du bien. Les flancs de son cheval étaient couverts d’écumes, ils ne devaient plus être loin maintenant. Les éclaireurs avaient dit deux kilomètres. Tout à coup des formes se levèrent et crachèrent des projectiles. Des hommes tombèrent des deux côtés. Certaines forment avaient été écrasée sous les sabots des chevaux.
Il réalisa que le cheval à côté de lui n’avait plus de cavalier et commençait à ralentir.
« Ne pas ralentir, ne pas faiblir !»
Il talonna son cheval de plus belle et soudain il les vits. Oui, ils les attendaient, soudain se fut le choc. Il fendit les rangs ennemis, bousculant des corps, en faisant tomber sous les sabots de son cheval, il faillit vider les étriers lorsque celui-ci se cabra, écrasant le visage d’un homme d’un coup de fer.
Le chaos de la bataille s’amplifia tout comme le boucan des tambours. D’autres hommes le rejoignirent dans la mêlées, bousculant les guerriers burgans. « Plutôt mort que Frida ! » cria-t’il mais il n’entendit pas les réponses. Etaient-ils déjà si peu ? Il faisait tourner son cheval sur lui-même, repoussant de son épée et de son bouclier les bras qui se tendaient. Son cheval reçut une hache dans le flanc et fit un écart avant de s’arrêter doucement. « Pas maintenant, continue, continue je t’en supplie » implora Thibaut. Mais le cheval sentait la vie le quitter, il s’ébroua un peu et chancela. Il plia ses pattes et commença à se coucher. Les ennemis s’étaient reculés pour laisser de la place à la bête ce qui laisse le temps à Thibaut pour démonter. Il jeta un coup d’œil alentours. Seul. Complètement seul au milieu de cette masse humaine hostile. Et puis il commença à les entendre au dessus du vacarme. « Ho Chou Ha ! ». L’infanterie arrivait, enfin ! Les burgans ployèrent sous leur charge et commencèrent à reculer. Thibaut ferraillait de nouveau, la brume l’empêchait de bien savoir par où aller. Un burgan le bouscula et continua sa route sans même tenter de le combattre. Un autre trébucha devant lui et eut un regard étonné lorsque Thibaut lui planta son épée dans le ventre. Il réalisa soudain qu’un de ses hommes se battait à ses côtés puis d’autres les rejoignirent. Ils avancèrent de concert, reformant les rangs. Tout était encore possible.
Des femmes à moitié nues sortirent de la brume en hululant. Elles empalèrent l’homme à la gauche de Thibaut en lançant de courtes lances. Certains hommes reculèrent, surpris par ces démones. Mais elles ne portaient pas d’armures, elles vinrent s’empaler contre les lances liudmarkiennes. Tombant les unes après les autres, tentant d’éviter les lames pour se faire faucher par une autre. La plupart se tordaient maintenant au sol arborant des entailles profondes au torse ou aux jambes. Les soldats hésitèrent un instant avant de les achever, un instant seulement et ils plantèrent leur lance dans les corps. Epinglant ces papillons de nuits qui mouraient dans un râle aigu. Des flèches plurent et puis des dards, faisant des dégâts considérables dans les rangs. Un cri fut vite repris : « Poison ! ». Les hommes se rapprochèrent, collant les boucliers les uns aux autres, chacun tentant de protéger son voisin alors que les hommes touchés se convulsait par terre, les yeux révulsés.
Le mur de bouclier permit de réduire les pertes. Les projectiles venaient s’y écraser dans des « Pocs » à peine audibles comparés au battement de tambours incessants.
Les Burgans fuyaient les combats rangés comme la peste. A raison, personne ne pouvait battre le Liudmark sur ce terrain là. Mais ils n’étaient pas sans ressource, ils utilisaient le terrain et la brume à leur avantage, sortant soudain de nulle part pour tuer un ou deux soldats avant de fuir. Pas une seule fois, ils n’avaient stoppé cette musique infernale, guidant Thibaut et ses hommes vers leur campement.
Une clameur retentit devant eux, les lances furent placées en épi, prêtes à accueillir toute charge.
« Allez Thibaut, encore un peu ! » se répétait-il.
Anéantir le centre Burgans, leur campement, les obliger à s’éparpiller et puis rejoindre les troupes de l’autre côté. Les Saints pouvaient bien rendre ça possible. Il espérait que les autres groupes faisaient diversion sur les flancs comme prévu.

Puis il les vits, une autre vague de Burgans, accompagnés d’hommes et de femmes qui ne l’étaient pas. Ceux-ci étaient armés d’épées courtes et de fourches. Que faisaient-ils au milieu des sauvages ? Thibaut fit signe à ses hommes de ralentir. Il n’en croyait pas ses yeux mais l’armure qu’il contemplait était reconnaissable entre toutes. Un chevalier immaculé de Saint-Royan, que faisait-il ici ?
A cet instant, Thibaut comprit qu’il avait fait le mauvais choix. Les Saints, eux-mêmes, désavouaient son action. Il n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit, ni même d’espérer un dialogue que la mêlée était engagée et des hommes mourraient. Les épées courtes étaient diablement efficaces pour couper les hampes des lances, les fourches, elles, servaient à les plaquer au sol. Les burgans eux lancèrent leurs lourdes haches, la plupart se plantant dans le bois des boucliers, en fendant certains.
Thibaut reçut un coup sur le crâne, son casque encaissant la majeure partie du choc mais il resta sonné un instant. Il commença à marmonner : « Pardon, pardon ». Son arme traînait au bout de son bras et il avançait vers cette armure blanche qui représentait tout ses rêves d’enfant. Une pique se planta dans son aine, le pliant en deux sous le choc. Un coup de pieds le fit partir en arrière mais le coup fatal ne vint pas. Il sentait le sang couler par à coup et mouiller ses chausses.
Il resta étendu là, des hommes l’enjambaient et tombaient autour de lui. Ses hommes. Il commença à entendre d’autres cris. « Retraite ! Retirez-vous, tout est perdu ! » mais il ne réalisa pas bien ce que ça voulait dire.
Le ciel se dégageait, les saints étaient vraiment de la partie. Il n’avait pas la force de lever la main pour se protéger les yeux des premiers rayons de soleil. Un homme manifestement sudiste le trouva délirant et parlant tout seul une demi-heure plus tard. Thibaut était livide, ses yeux presque révulsés bataillaient pour rester ouverts, le sang formait une marre autour de lui et il croyait bien que sa vessie s’était relâchée elle aussi. De toute façon, il ne sentait plus ses jambes.
L’homme, grand, un nez trop long et les cheveux lui tombant sur les yeux se pencha et l’observa un instant.
Il sourit chaleureusement et cela fit énormément de bien à Thibaut.
- Un message à transmettre l’ami ?
Thibaut batailla, secouant la tête, tentant d’articuler quelque chose et de montrer sa bague en même temps. Il avait tant de choses à dire, il ne voulait pas mourir.
L’homme eu un rictus moqueur.
- C’est con, fallait y penser avant.
Il lui planta sa dague dans le cou, ses beaux yeux bleus étaient froids et sans émotions.

C’est fou ce qu’on met comme temps à mourir, ce qu’on peut avoir comme regrets à ce moment là, ce qu’on se sent seul. Thibaut hoqueta, le sang lui remplissait la bouche et l’étouffait doucement. Il ne s’en inquiétait déjà plus, la douleur l’abandonnait, le laissant seul avec ses dernières pensées.
« Je reviens à la maison, mère, dit à Frida que je l’aime. Dit lui que j’ai essayé que…dis lui que j’aurais aimé la revoir. Tu crois que je verrai papa ? Tu crois qu’il serra fier de moi ? Est-ce que Liliana m’en veut toujours d’avoir cassé sa poupée ? Elle me manque tant. Sorj aussi ? Tu m’aimes maman hein dit ? Maman ? »

dimanche, octobre 07, 2007

Le Vengeur - Chapitre 26. Arnulf "Lapin-Tordu" - Le duel

Un chapitre écrit assez rapidement, Saymar et Arnulf m'ont toujours facilité la tâche. :)
Un combat nécessaire pour un chapitre qui ne l'était pas vraiment. Etrangement je me traîne, j'ai peur d'aborder la fin, je laisse à mes personnages encore un peu de temps avant le grand saut. Ce chapitre marque donc la fin de l'avant dernier cycle, j'attaque bientôt la dernière ligne droite.

Photo d'Erlend?

Musique d'inspiration: Mike Oldfield - Tubular Bells / Corvus Corax - Furatum Alci Provinciam


Chapitre XXVI. Arnulf « Lapin-Tordu » - Duel

L’armée burganne serpentait sur plusieurs dizaines de kilomètres. Vue du ciel, elle devait ressembler à un gigantesque serpent. D’ailleurs c’était la tribu des Serpents qui s’occupaient de la reconnaissance aujourd’hui. Leur petite taille les avantageait sur ce terrain marécageux et leur permettait de mieux s’en sortir face aux embuscades ennemies. Ceux-ci évitaient toute confrontation directe, leurs cavaliers légers harcelaient leurs flancs et leurs fantassins s’attelaient à saboter les ponts. Arnulf ne pouvait pas faire avancer ses hommes plus vite, la colonne s’étirait déjà bien trop. De plus, il fallait faire de nombreuses expéditions dans les villages alentour pour récupérer la nourriture nécessaire à tout ce petit monde. Sans parler des sudistes…

Le chevalier scintillant lui avait assuré qu’ils n’étaient pas une menace, qu’ils voulaient juste profiter de la protection burganne tant que les hommes de fer étaient proches. Arnulf ne pouvait pas les considérer comme des alliés et il pestait sur le fait de devoir les nourrir sans recevoir de contrepartie. D’après le chevalier, ils s’étaient nommés les guerriers de la princesse, en rapport avec une princesse de royaumes encore plus au sud qui avait été enlevées par les hommes de fer. Arnulf s’était bien sûr posé la question si la vierge sanglante ne pouvait être cette même personne mais vu que personne ne savait où elle était il n’était pas beaucoup plus avancé. Son armée était canalisée vers le sud vers ce qu’il pensait être une force ennemie importante. Les sudistes étaient des personnes étranges, ils buvaient jusqu’à plus soif sans n’avoir rien à fêter et traînaient livides le lendemain en queue de colonne avec les bêtes, pataugeant dans la boue. Ils avaient malgré tout réussi à s’attirer les sympathies de la tribu des panthères, Alwin lui avait confié que c’était principalement dû aux guerrières qui les accompagnaient et aussi un peu aux hommes. Mélanger un peu le sang burgan ne ferait pas de mal. Il avait couché avec elle dernièrement, elle n’avait pas caché son envie de lui alors qu’elle ignorait superbement les avances des autres guerriers. Elle savait aussi qu’il ne s’était laissé faire que par faiblesse et non par amour.
Cela ne semblait pas la gêner, peut-être avait-elle besoin d’une relation charnelle et sauvage car c’était ainsi qu’ils faisaient l’amour. Peut-être était-ce juste parce qu’elle voulait qu’il reste fort et qu’il avait besoin de cet exutoire pour braver les épreuves de ces derniers temps ? Pourquoi se sentit-il si coupable alors ?
Les guerriers ne se privaient généralement pas pour violer ou prendre maîtresse, ça faisait partie du métier tout autant que le combat. De plus, Alwin n’était pas n’importe qui, son statut l’empêchait de prendre mari et puis au final elle avait déjà porté sa semence. Elle le comprenait mieux que ne pourrait jamais le faire sa femme et pourtant, pourtant, il avait cru en l’amour unique et indéfectible. Il en avait été si fier mais elle n’était pas là et ne pouvait comprendre le mal qui le rongeait, il fallait déjà avoir tué pour cela. Tuer encore et toujours, jusqu’à ce que les visages connus et inconnus des morts viennent nous visiter la nuit et réclamer vengeance. Aujourd’hui ne serait pas différent, il allait encore y avoir un visage à rajouter à la foule qui attendait les prémisses du sommeil.
Irkan. Le jeune homme semait la discorde, prétextant qu’Arnulf n’était plus capable de diriger, qu’il devenait mou et faible. Le jeune homme avait bien des qualités mais il avait tendance à oublier sa place et courait trop après les honneurs. Sa langue acérée avait déjà fait trop de mal. Les hommes commençaient à douter de leur chef, ils ne comprenaient pas pourquoi on ne tuait pas les prisonniers, pourquoi la croisade vers le Sud s’était transformée en longue marche interminable et pourquoi on évitait le combat. Il haussa les épaules, peu importe s’ils comprenaient ou pas mais il fallait qu’ils obéissent. Aujourd’hui, Irkan avait l’occasion de prouver sa valeur et il n’oserait pas la laisser passer, dut-il y laisser la vie. Arnulf considérait cependant que le jeune homme avait peu de chance de vaincre, il avait trop peu d’expérience du combat et les duels amicaux qu’il avait du faire n’égalaient en rien un combat à mort.
Pourtant, son adversaire était plus jeune, plus agile et pouvait très bien l’emporter sur sa force. Arnulf envisagea alors la défaite un instant. Il serra les mains et les tendit devant lui. « Ta vue baisse ! » grommella-t-il. Trente-six ans déjà. C’est la première fois qu’il envisageait sereinement de vieillir. Son père lui répétait quand il était jeune : « Le mieux que tu puisses espérer c’est de partir avant tes enfants ». Ses enfants, Arnulf ne les avait jamais vus et il voulait vivre pour le faire, les voir rire et les porter dans ses bras. Les dieux lui laisseraient-ils l’occasion de les voir grandir ? Il était déterminé, il en tuerait dix comme Irkan s’il le fallait.

C’est un soleil timide qui accueillit le duel. De longs nuages noirs striaient le ciel en lui donnant une teinte sombre comme un crépuscule. Arnulf suait déjà, des gouttes froides lui tombaient des aisselles. Les Burgans formaient un cercle large autour d’eux. Le silence était pesant, l’instant était grave et seule une tribu neutre et impartiale désignée par les parties en présence avaient le droit de jouer pendant le combat afin d’éviter toute tricherie ou influence de la part des clans concernés. D’un commun accord, le choix s’était porté sur la tribu des Serpents, Arnulf avait même donné la mission d’éclaireur aux Panthères aujourd’hui. Il ne voulait pas qu’Alwin soit présente et puisse réagir si les choses tournaient mal. Ils étaient trop proches et une intervention de sa part pourrait signifier une guerre de clan. Il y’avait ça et puis il y’avait la peur qu’elle meure, laissant leur enfant seule.
Il fit jouer ses muscles, ses paupières tressautaient un peu du manque de sommeil.
Irkan fendit la foule et se plaça face à lui. Son corps était enduit d’huile et il arborait des peintures de guerre. Les Serpents commencèrent à jouer de leurs fluttes traverses au son clair accompagnés par des xylophones en bois. Irkan souriait et saluait son public, le maquillage cursif qui lui entourait les paupières lui donnait un air plus terrifiant et permettait en même temps de distraire l’adversaire.
Arnulf ne s’en formalisa pas, il se dit juste que l’huile allait rendre le combat un peu plus sportif, il allait devoir réagir vite pour arriver à garder prise sur un poisson glissant.
Ils commencèrent à se tourner autour, les regards se croisant, chacun cherchait à deviner qui allait faire le premier mouvement.
Arnulf se déplaçait en crabe, les bras prêt à embrasser son ennemi, il avait refusé le couteau de rituel, persuadé de ne pas en avoir besoin. Cela l’aurait perturbé, avec sa force il n’avait pas l’habitude de se battre avec des armes si petites. Son adversaire, lui, le tenait à bout de bras, légèrement en hauteur, prêt à lui plonger dessus. Se doutant que la patience n’était pas le fort du jeune homme il attendit la première attaque, ses pieds nus tâtant le sol sous ses pas. Les visages sérieux autour d’eux devinrent flous à mesure qu’il se focalisait sur son adversaire. Les minutes semblèrent durer des heures, les deux hommes respiraient calmement mais leur front s’ornait de goûtes de sueurs.
Irkan se fendit soudainement, manquant surprendre Arnulf par un coup direct au cœur. Celui-ci recula précipitamment, récoltant une entaille au passage. Ainsi, le jeune homme cherchait à en finir au plus vite, il ne prenait pas de risques inutiles et ne cherchait pas à faire durer le suspense. Il était peut-être plus malin qu’il n’en avait l’air ou il avait reçu des conseils avisés de plus sages que lui.
Le ciel se couvrait de plus en plus, donnant à la scène un air de fin du monde. Les spectateurs retenaient leur souffle, nombreux étaient ceux juchés sur des bottes de pailles afin de mieux voir. Irkan attaqua à nouveau, vers le bas cette fois, Arnulf lui attrapa la main mais l’huile rendait la prise glissante et il ne put arrêter le bras armé à temps. Deux entailles déjà, l’une au torse, l’autre sur le biceps, ça faisait beaucoup pour une première passe d’arme, surtout que ce genre de blessures fines démangeait à chaque fois qu’il bougeait.
Le jeune homme attaqua encore, décidé à ne pas faire durer le duel et à pousser son avantage obligeant Arnulf à éviter ses coups les uns après les autres, souvent de justesse.
Celui-ci continuait d’attendre son heure, il recevait de plus en plus d’entaille et reçut même un coup plus grave au côté mais lorsque le moment lui sembla propice il se déporta sur le côté, attrapa les cheveux du jeune homme et les lui tira d’un coup sec, arrachant une touffe. Attributs sacrés pour sa tribu, l’autre ne put s’empêcher de s’énerver et tenta de lui cracher dessus en l’insultant.
- Tu es trop soucieux de ton apparence, enfant, toutes tes parures ne transformeront jamais un rhinocéros en lion.
- Pourtant il ne faut pas grand-chose aux lions pour devenir des limaces, grand père
.
Tout le clan des lions se raidit sous l’insulte, certains portant la main à leur arme.
Irkan, haineux, ne semblait même pas avoir remarqué l’émoi qu’il avait causé. Il attaqua encore et encore couvrant son adversaire d’autres zébrures, il réussit même à le toucher au visage en agrippant la barbe d’Arnulf. Celui-ci avait réussi à repousser son bras juste à temps avant d’envoyer un coup de genou formidable contre sa cuisse.
Le jeune homme était plus prudent maintenant qu’il boitait légèrement. Le sang couvrait le visage d’Arnulf, l’obligeant à s’essuyer les yeux de temps en temps.
Il se mit à pleuvoir et Arnulf en remercia les dieux. Il se sentait mieux, la pluie nettoyait le sang et lui permettait aussi d’assouvir la soif qui le tenaillait. Il se mit à sourire, le lion endormit avait fini sa sieste.
Il lança quelques feintes, attaquant à droite pour lancer son bras vers la gauche. Il avait déjà réussi à faire tomber son adversaire par deux fois mais pas encore à l’agripper fermement. Les dieux étaient de son côté, il en était certain. Il approcha de plus en plus, Irkan maintenant prudent préférait reculer. Le cercle de spectateurs s’ouvrit devant eux, la musique était légère et semblait donner une note métallique aux goûtes de pluie.
D’une manchette, Arnulf frappa l’épaule qui tenait le couteau et profita de l’effet de surprise pour asséner une claque retentissante au jeune homme. La pluie se faisait plus dense, l’eau coulant en minces rigoles dans la boue sous leurs pieds. Arnulf pieds nus avait un avantage sur un sol humide et boueux. Irkan attaque le flanc, tentant de contourner par la droite. Affaibli, glissant, il fut trop lent. Arnulf accueillit son coup pour mieux pouvoir agripper le jeune homme. Le couteau s’enfonça dans son flanc, il espéra juste qu’il ne touchait aucun organe vital et serrant les dents, grognant il serra le cou du jeune homme, que celui-ci n’avait pas jugé bon de huiler. Il le souleva du sol, d’un revers il envoya le jeune homme s’écraser sur le sol en lui maintenant le poing qui tenait encore l’arme. Irkan toucha le sol dans un craquement alors que son poignet se brisait et qu’il laissait échapper le poignard dans la boue. Combatif, il tenta tant bien que mal d’envoyer un pied au visage d’Arnulf mais celui-ci ne jouait plus.
Il serra sa prise sur le pied et vit voler Irkan une seconde fois, l’envoyant s’écraser face dans la boue et glisser sur plus d’un mètre. Un peu sonné celui-ci n’eut pas le temps de se relever qu’Arnulf était déjà sur lui, l’agrippant par les cheveux et tirant sa tête en arrière.
- Déclare forfait, devient un sans clan et promet de ne jamais revenir en terre burganne et tu auras la vie sauve.
Ce qui pour un burgan était pire que la mort mais Arnulf répugnait à verser le sang de son peuple. La face boueuse, le jeune homme toussa et cracha, dévoilant ses dents blanches dans un sourire moqueur.
- Crève vieillard.
Arnulf était content de voir qu’il se comportait en vrai Burgans devant la mort. Il agrippa la tête d’Irkan sous son bras et lui murmura :
- Tu es un brave, j’aurais préféré t’avoir comme fils que comme ennemi. Garde une place pour moi auprès des dieux.
- Moi pas
.
Il abrégea le supplice en lui écrasant le nez dans le visage. Le dernier regard qu’Irkan lui adressa fut un de remerciement avant que la douleur ne le fasse hoqueter et tourner le regard vers des cieux que lui seul pouvait voir.
Les Serpents avaient arrêté de jouer, il contempla les visages moroses alentours. Personne ne se réjouissait, un homme, un guerrier, un frère, un ami était mort. Son rôle de chef ne serait plus contesté pour un temps mais il avait payé cher sa victoire. L’adrénaline était partie, le laissant chancelant, affaibli. Il refusa les mains tendues de ses hommes et boita vers sa tente. Il avait perdu beaucoup de sang, comment avait-il pu combattre. Les dieux allaient-ils l’abandonner maintenant ?
Alwin l’attendait devant sa tente, rapidement elle se glissa sous son bras et l’aida à entrer.
- Co…Comment ?
- Tu croyais vraiment que je n’étais pas au courant ?
- Mais tu n’es pas venu voir ?
- Je connais les règles tout comme toi, et je préfère laisser les vieux lions grincheux faire ce qu’ils veulent, ils reviennent toujours à la maison.
- Merci.

Ce qu’il aimait cette femme, réalisa-t-il. Il lui toucha le sein, un sourire aux lèvres.
- Bas les pattes, le vieux, tu n’es plus en état.
- Je ne suis pas si vieux.
- Tu as des cheveux blancs.
- Oh…
- Que va-t-on faire maintenant ?
- On continue, vers le sud. Les dieux nous guident, sinon je n’aurais pas gagné aujourd’hui. On la trouvera bien cette vierge sanglante.

Elle sourit.
- Si je n’étais pas si au courant de tes ébats, je pourrais croire que c’est toi.
- J’ai si mauvaise mine ?
- Terrible, on croirait voir un bouc mangé par les loups.
Dit-elle en l’embrassant. Une larme lui coula sur la joue.
- Tu pleures ?
- De te voir en vie, vieux fou.
- Ma femm…
- Shhhh.
Elle lui posa un doigt sur les lèvres et puis le monta.
Jamais il n’aurait cru avoir encore de l’énergie pour ça et pourtant, il n’était pas sûr de savoir lequel des deux fatiguait le plus l’autre lors de cette chevauchée sauvage. Il s’endormit juste après d’un sommeil sans rêve et les morts le laissèrent tranquille.

samedi, octobre 06, 2007

Le Vengeur - Chapitre 25. Guylhom - Réveil difficile

Petit à petit on s'en approche de la fin, beaucoup de choses à caser en un seul chapitre. Difficulté aussi de mettre ensemble tout ces petits bout de textes écrits au fil des trajets. De plus en plus de liaisons entre les personnages aussi ce qui complexifie l'écriture des chapitres, ne pas trop en dire et ne pas oublier que tout ce qui s'y passe n'influence plus seulement un seul point de vue.

Musique d'inspiration: Cultus Ferox - Sarah

Chapitre XXV. Guylhom - Réveil difficile

- Mère ?
- Guylhom, accroche toi mon enfant.
- Je ne suis pas fait pour ça mère. Je veux rentrer. Où es-tu ?
Guylhom ne la voyait pas mais il sentait sa présence.
- Tu ne le peux mon fils. Tu ne m’appartiens plus, tu as une mission à accomplir.
- S’il te plait mère, tu me manques tant.
- Il te faut encore souffrir mon fils, j’en suis désolée, crois le bien.
- Mère, aide moi !
- mon petit…

Il savait qu’elle pleurait et il aurait pleuré aussi si ça ne faisait pas aussi mal.

La douleur, jamais il n’en avait connu de si forte. Elle tambourinait à ses tempes. Où peut-être était-ce la musique Burganne. « Musique ? » C’est un bien grand mot pour ce vacarme assourdissant qui les accompagnait du matin jusqu’au soir : des tambours, des trompes, des fluttes et les saints seuls savaient quoi encore. N’arrêtaient-ils donc jamais ? Pas un instant de repos, il commençait à haïr les burgans même la nuit les gardes trouvaient encore le moyen de jouer d’un instrument. Des semaines qu’il était couché maintenant, les bras toujours liés dans le dos, officiellement pour l’empêcher de se gratter le visage mais il était et restait un prisonnier même si son visage le grattait en effet atrocement. Le réveil avait pourtant été beaucoup plus difficile.

Il hurlait et riait comme un dément quand il n’en pouvait plus de hurler. Et Bam et Bam et Bam que continuaient les tambours à l’extérieur ou peut-être était-ce sa tête qui allait éclater. Son esprit embrumé n’était même plus sûr que c’était bien lui qui criait. Peut-être était-ce un autre blessé. Il n’arrêtait pas et il voulu lui crier de la fermer mais il n’arrivait pas à parler. Il avait un mal de chien, sa bouche se remplissait sans cesse d’un liquide chaud et ferreux. « TA GUEULE ! » mais il ne fit que le penser entre deux sursauts de douleur. On le maintenait sur place mais il ne voyait pas qui, peut-être était-il simplement trop faible ? Une voix grinçante et forte s’imposa pourtant.
- Sors de là imbécile, tu as assez fait de dégâts comme ça !
La forme entra et en poussa une autre avant de se mettre à chanter. Pendant ce temps l’autre criard ne fermait pas sa gueule. Qu’ils l’achèvent au nom des Saints !
Il avait chaud ou plutôt froid, il ne savait plus, son corps grelottait il en était certain. Ce que ça faisait mal, sa tête surtout, il l’aurait jurée prête à éclater, ça tambourinait et pulsait. Peut-être étaient ce ces maudits sauvages et leur musique.
Pourquoi faisait-il si noir ? Un homme près de lui s’étrangla « C’est impossible ! »
La voix grinçante répondit :
- Les dieux seuls décident de ce qui est possible ou pas. Ce qui semble vraiment impossible c’est d’être aussi pâle que toi. Sors d’ici avant que je ne nettoie la plaie, ça va être pire.
L’homme ne se le fit pas dire deux fois. De quelle plaie parlait-elle ? Parlait-on de lui ou de l’autre ?
Il y’avait-il seulement un autre ? En tout cas il était temps qu’on s’occupe de lui. Il tenta de grimacer mais la douleur le fit s’évanouir. Il se réveilla et la vieille chantait toujours. Comme s’il avait besoin de ça. Il voulu lui intimer de se taire mais n’arriva pas à produire un seul son.
Il se réveilla ainsi plusieurs fois avant de retomber inconscient. Il avait l’impression d’avoir moins mal ou peut-être s’y était-il simplement habitué. Un moment il réalisa qu’on lui mettait un bandage autour de la tête, ça le démangeait et il voulu se débattre mais assommé par la douleur il s’endormit pour de bon cette fois-ci.

Il s’était réveillé bien plus tard, il n’aurait su dire combien de temps avait passé mais la faim le tenaillait. La vieille était revenue et avait tenté de lui faire boire de l’eau. Il n’avait pas réussi à articuler un seul mot et pour dire quoi ? Merci de m’avoir amoché mais gardé en vie ?
Il était aphone, la voix éraillée, cassée d’avoir trop crié. Il avait fallu plusieurs visites pour qu’elle lui donne enfin de la soupe. Elle lui changeait aussi les bandages, ceux qu’elle retirait étaient rouge sang et seul l’horrible sensation de déchirement lorsqu’elle les décollait de son visage lui confirmait que c’étaient bien les siens. Il ne savait pas vraiment où il était, elle était burganne, il en était certain mais il n’arrivait pas à bien la voir, il faisait si sombre ici. De plus elle ne parlait plus comme si les paroles lui coûtaient trop. Un matin c’est un homme qui entra, il était grand et fort, sa barbe fournie lui donnait un air féroce. Il mit genou en terre, voulu dire quelque chose mais s’étrangla et se mit à pleurer. La scène était tellement improbable que Guylhom crut l’avoir rêvée.

Il réalisa qu’il était aveugle mais il avait gardé cette capacité de vision secondaire par il ne savait quel prodige. Il savait qu’une plaie lui barrait les yeux les yeux et le nez, il n’avait pas encore pu la toucher mais il avait senti d’autres le faire. Le simple fait de marcher encore semblait être un miracle en soi. Les Burgans avaient fini par lui rendre son armure. Leurs efforts grossiers n’avaient pu enlever les traces de coups qui en ternissaient l’éclat ni les morceaux manquants sur le gorgerin. Son regard parcourait le métal écorché en se demandant comment quiconque pouvait survivre à de tels coups. Saint Royan devait vraiment être à ses côtés. Par contre, il avait été épargné par les remarques sarcastiques de Hedera, peut-être sa blessure l’avait elle guéri de sa folie. L’homme blond entra et s’assit en tailleur, il observa Guylhom d’un air hésitant.
- Moi Ah nuf. L’homme tentait vaille que vaille de s’exprimer dans un liudmarkien plus que rudimentaire.
Son accent était terrible et Guylhom ne put s’empêcher de lui répondre en Burgans bien qu’il n’avait aucune idée de la façon dont il avait apprise la langue.
- Je comprends votre dialecte, Arnulf.
L’homme ne semble pas surpris, juste fatigué.
- Je dois vous avouer quelque chose à une heure où mon nom que je considérais comme ridicule risque de changer pour pire. Certains m’appellent déjà Arnulf le trop fier, Arnulf le mou, Arnulf le déclin. Je ne dois le pardon de mon peuple qu’à votre survie. Je vous offre donc ma vie en retour, mais avant j’aimerais que vous m’écoutiez.
Guylhom n’avait pas vraiment le choix et cette longue période alité l’avait rendu avide de compagnie.
- Les dieux m’ont parlé. Ne faites pas cette tête là, ils ont fait plus que vous parler à vous pour que vous surviviez à ces coups de haches. Peu importe comment vous les appelez ou les mystères qui les entourent, terre qui gronde se réveille et les dieux veulent que je l’apaise.
Guylhom bougea nerveusement, il ne savait pas exactement ce qui s’était passé et n’était pas certain de vouloir le savoir. Reste qu’il trouvait ça gonflé de la part de ce sauvage de parler théologie alors qu’il voyait probablement encore un acte divin à chaque coup de tonnerre dans le ciel.
- La survie des Burgans et peut-être de votre propre peuple est en jeu. Une armée a marché sur nos terres, tuant tout sur son passage. Des hommes comme vous !
- Aelor ? vous avez vu Aelor ?
L’homme se tendit un instant et porta la main à une courte hache qui pendait à son côté avant de se raviser.
- Vu ? Non, mais beaucoup des miens sont morts pour stopper son avance. Tant de morts pour rien, il a atteint son but maintenant et il ne nous reste plus beaucoup de temps.
- Son but quel but? Et puis pourquoi dites vous nous ? Qu’ais-je à voir dans tout ça ?
- Les dieux m’ont dit de trouver le chevalier scintillant.
- Et vous pensez que je suis ce…chevalier scintillant ? Tout ça à cause de l’armure ?
- Il n’y a manifestement pas que l’armure. Vous avez tué près de dix burgans à vous seul et vous survivez à trois coups de hache en plein visage.
- Peu importe ce que vous croyez, je ne suis plus en état de faire grand-chose maintenant. Qu’est-ce qu’Aelor à avoir dans vos histoires de fin du monde ?

- Je n’en suis pas sûr, les chamans disent qu’il cherche à abattre nos dieux ou à prendre leur place. En tout cas il combat Terre-Qui-Gronde et il nous faut pouvoir l’arrêter avant le prochain solstice d’hiver.
- Votre charabia mystique me donne mal au crâne, qui est Terre-Qui-Gronde, à quel dieu correspond t’il ?

- Ce n’est pas un dieu, c’est un lieu, le berceau des dieux, le jardin originel. Un lieu sacré, interdit aux mortels.
- L’Au-delà ? Ce n’est qu’une forêt sinistre ? Les écrits sont formels.

L’homme releva la tête, une grimaçe lui déformant le visage :
- Vous voulez vraiment aller vérifier par vous-même ?
- Je suppose que non, mais vous, vous vous dirigez vers le sud pourquoi ? Pourquoi nous attaquer alors que vous avez soi-disant une mission divine pour contrer une menace dans le nord ?

- Je vous l’ai déjà dit, sudiste, je devais vous trouver. Je n’ai réalisé qu’en plein combat qui vous étiez, il était trop tard pour…pour vous. Et ma quête ne s’achève pas là.
- Que vous on dit les dieux à propos de moi ?

L’homme souffla :
- Rien de bien utile, les dieux semblent se moquer de nous. Nous ne sommes que des jouets entre leurs mains. Tout ce que je sais c’est que je dois encore trouver la vierge sanglante.
- Est-ce que ça a une signification particulière ? Je veux dire des vierges ce n’est pas si difficile à trouver si ?
- Vous ne comprenez pas, c’est une mission divine, je dois trouver des gens marqués par les dieux eux-mêmes. Des êtres hors du commun. De simples mortels ne pourront vaincre Aelor.
- Vous ne croyez tout de même pas aux histoires de magies et…
- ….et d’immortels ?

Arnulf le regardait maintenant droit dans les yeux. Guylhom déglutit.
- C’est impossible…
- Les règles de ce monde sont malmenées. Je préférerais mille fois ignorer tout de cela et rester auprès de mes enfants.
- Que comptez vous faire alors ?
- Je ne sais pas. Mon autorité est contestée, laissez vivre des ennemis n’est pas une habitude burganne, certains y voient un signe de faiblesse, je dois d’abord régler ce problème. J’avais espéré que vous connaîtriez la vierge sanglante.
- Mes hommes ?
- Tout ceux qui vous accompagnaient sont festoient en compagnie des dieux, les autres ont fuit avant notre arrivée. Ils ont rejoint des troupes plus conséquentes et nous harcèlent sans cesse. Peut-être pourriez-vous leur parler ?

Guylhom secoua la tête.
- Je n’ai aucune autorité sur ces hommes. Comment puis-je leur demander de vous considérer en ami alors que vous avez massacré tant des leurs pendant des décennies ? Comment faire prévaloir mon statut clérical alors que j’ai manifestement été vaincu ? Je ne peux pas je suis désolé.
L’homme blond se leva et sortit un long poignard d’une gaine accrochée à sa cuisse. Guylhom eut un mouvement de recul mais il se contenta de défaire ses liens.
- Vous vous sentirez mieux ainsi, mais faites attention, Wilema m’a dit que si elle vous voyait vous gratter les cicatrices une seule fois ellle vous saucissonnait à nouveau jusqu’à la fin du monde.
- La vieille qui m’a soignée ?
demanda-t’il en se massant les poignets.
L’homme rit.
- Evitez de l’appelez ainsi devant elle si vous tenez à la vie. Wilema Rêve-qui-mord est la chamane de la tribu des Lions et je suis sûr qu’elle trouvera un moyen de mettre fin à votre immortalité.
- Ce n’est pas prouvé, je ne suis pas le premier à survivre à une blessure à la tête.
- Trois blessures à la tête, de plus vous avez une cicatrice d’épée sur le plexus.

Par réflexe, Guylhom, toucha l’endroit, il se sentait si vulnérable face aux Burgans. Connaissaient-ils tout de lui ?
- Vous êtes libre d’allez où vous voulez, mais évitez de vous éloigner du camp. Les hommes de fer rodent.
L’homme le salua d’un regard intense avant de sortir. Il profita donc de l’occasion, revêtit son armure et sortit pour la première fois depuis une éternité. Quel choc, des hommes et des femmes à moitiés nus, des animaux exotiques en pâtures. Le paysage ne lui était pas familier, la plaine était morne, de rares touffes d’herbes grises marquaient le sol tous les quelques pas, au loin le terrain se faisait plus spongieux et les flaques y étaient nombreuses. Il déambula pendant plus d’une heure dans le camp, les hommes le regardaient bizarrement et ne répondaient pas à ses signes de têtes polis.
Il découvrit alors d’autres prisonniers, quelques centaines de civils étaient parqués dans un enclot. Il s’approcha pour mieux les observer, les gardes ne l’en empêchèrent pas. La plupart des prisonniers semblaient abattus, crasseux et portaient des morceaux d’armure disparate. « Des hommes d’une milice ou des brigands. » pensa-t’il. Dès qu’ils le virent, ils s’approchèrent et demandèrent son aide et sa bénédiction. Certains hésitaient en regardant son visage mais la plupart semblaient soulagés d’apercevoir un chevalier de Saint Royan, un personnage public vers qui se tourner. Les gardes Burgans s’approchèrent sur le qui vive, prêt à calmer l’agitation. Guylhom les apaisa d’un geste sans même penser qu’ils n’avaient pas à l’écouter. Il réalisa vite que les deux groupes ne se comprenaient pas. Les prisonniers ne savaient pas ce qui les attendait et les gardiens ne savaient pas si ces hommes et femmes représentaient une vraie menace. Un homme, maigre, de grande taille, les cheveux mi-longs, lui tombant dans les yeux s’approcha. C’était apparemment le chef de la bande, deux femmes et un homme l’accompagnait, aucun n’avait l’air commode même si les femmes avaient un certain charme. « Surtout la plus jeune » pensa-t’il.
- Prisonnier ? demanda l’homme sans ambage.
- Je suis Guylhom de Liudmark, chevalier immaculé de…
- Ouais pas la peine de faire des courbettes, on voit à cent mètres qui vous êtes
.
Guylhom avait du mal à comprendre l’hostilité de l’homme mais il décida d’essayer de rassurer les autres qui écoutaient.
- Les burgans ne vous veulent aucun mal, ils sont à la rech…
- Comme ils vous ont pas fait de mal à vous ?

Guylhom tiqua et se tourna vers l’homme :
- Vous êtes ?
- Qu’est-ce que ça peut te foutre ?

La jeune fille rousse s’approcha et lui posa une main dans le dos avant de s’adresser à Guylhom.
- Ne lui en veuillez pas messire, Saymar est d’humeur exécrable depuis qu’on est prisonnier.
- Mon humeur ? Mais de quoi tu te mêles ?
- Je ne vous connais pas, je ne sais pas comment vous êtes arrivé entre les mains burgannes ni ce que vous avez dû traverser. Je propose juste de faire office d’interprète pour que vos conditions de vie s’améliorent. Peut-être vous consentiront-ils même à vous laisser partir ?
- Dans les bras de ces connards de liudmarkiens ? Non merci.
- Vous combattez les liudmarkiens ? pourquoi ?

Un homme portant un grande balafre répondit :
- Ces salauds ont enlevé la princesse Orlamund.
Saymar leva un sourcil d’un air désabusé mais ne dit rien.
- Mon père m’a garantis qu’il n’avait rien à voir là dedans.
- Vous êtes le fils de cette ordure ?

Saymar avait déjà sorti un couteau et le pointait sur la gorge de Guylhom.
Ce qu’il vit dans les yeux de l’homme le glaça, un brin de folie mais surtout une détermination farouche et un dédain total de la vie.
- Arrêtez. Je viens en ami…
- J’ai assez d’amis comme ça, merci.
- C’est pas mon cas, apparemment.

L’homme le regarda d’un air soudainement amusé et relâcha un peu la pression de sa lame.
- Tiens, les prêtres ont peur de la solitude maintenant, on aura tout vu. C’est quoi votre histoire ?
- Ça va être long à raconter.
- Mouais, rejoignez nous ce soir avec quelque chose à boire et pas de la pisse de chat ! On se racontera p’têt nos malheurs.

Il se détourna comme s’il ne s’était rien passé. Les autres souriaient, l’homme n’était soit pas aussi dur qu’il en avait l’air ou ce genre d’éclats étaient communs par ici.
Guylhom se demanda un instant s’il allait apprendre quelque chose d’intéressant ce soir, avaient-ils un rapport avec Aelor eux aussi ? Qui sait ? Il partit à la recherche d’un alcool qui délierait les langues.