A few thoughts, a few sayings

-"Je suis celui qui te connais quand tu fuis jusqu'au bout du monde" Jacques Bertin (Je suis celui qui court)

- "Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..." Saint-Exupéry (Petit Prince)

- "Et le plus beau, tu m'as trahi. Mais tu ne m'en as pas voulu" Reggiani (Le Vieux Couple)

- "We all got holes to fill And them holes are all that's real" Townes Van Zandt (To Live is To Fly)

- "Et de vivre, il s'en fout, sa vie de lui s'éloigne... Tu marches dans la rue, tu t'en fous, tu te moques, de toi, de tout, de rien, de ta vie qui s'en va." Jacques Bertin (Je parle pour celui qui a manqué le train)

- "I thought that you'd want what I want. Sorry my dear." Stephen Sondheim (Send in the clowns)

- "Pauvre, je suis de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace. Mon père jamais n'eu grand richesse, Ni son aïeul nommé Orace. Pauvreté nous suit à la trace, sur les tombeaux de mes ancêtres, Les âmes desquels Dieu embrasse! On n'y voit ni couronnes ni sceptres." François Villon (Pauvre, je suis)

- "Vous êtes prêts à tout obéir, tuer, croire. Des comme vous le siècle en a plein ses tiroirs. On vous solde à la pelle et c'est fort bien vendu" Aragon (Ce qu'il m'aura fallu de temps pour tout comprendre)

- "And honey I miss you and I'm being good and I'd love to be with you if only I could" Bobby Russell (Honey)

- "And I need a good woman, to make me feel like a good man should. I'm not saying I am a good man Oh but I would be if I could" Fleetwood Mac (Man of the World)

- "Je ne comprends pas ces gens qui peuvent s'installer n'importe où quand je cherche inlassablement avec la tête fermée que tu connais l'endroit où je retrouverai mon enfance" Jacques Bertin (Colline)

vendredi, août 31, 2007

Le Vengeur - Chapitre 18. Saymar - Souvenirs

Et encore un. On retourne ici sur les événements qui se sont produits en un an pour Saymar.

Musique d'inspiration: James Blunt - You're beautiful

Chapitre XVIII. Saymar - Souvenirs


Si belle ! Dans sa jupe légère qui virevoltait, ses pieds nus se posant légèrement sur l’herbe fraiche, Anna était aussi éblouissante que l’aube. Le soleil se reflétait dans sa chevelure rousse lui lançant des reflets rouges. Elle avait les yeux qui pétillait et riait, riait encore en tournoyant. Ses épaules blanches et nues semblaient aussi douces que des pèches. Elle prit Laurent par la main et l’entraîna plus loin.
Elle ne lui avait même pas accordé un seul regard et pourtant il était sûr qu’elle savait qu’il était là.

Saymar cracha le brin d’herbe qu’il mâchouillait depuis une heure et se redressa. Il fit jouer ses muscles endoloris d’être resté trop longtemps prostré contre la barrière, l’air de rien. Comme s’il n’avait rien d’autre à foutre que de faire semblant de regarder le paysage.
Même pas un putain de regard. Un an que ça durait. Bah !
Il aurait bien voulu s’en foutre mais il ne pouvait s’empêcher de la regarder et de se demander si elle lui en voulait toujours à mort. Avait-elle oublié sa haine et sa promesse ?
Il avait beaucoup trop pensé à elle depuis. Au début, il sursautait à chaque fois qu’elle s’approchait, il ne pouvait la quitter des yeux de peur qu’elle ne tente encore de l’assassiner.
Elle lui avait présenté un visage agréable, une indifférence polie, celui d’une adolescente face à un adulte qu’on connait peu. Il avait tenté de tourner la page, d’oublier cet épisode, de l’attribuer à une lubie.
Mais quand il allait se coucher, il restait là les yeux ouverts à se retourner encore et encore et à sursauter au moindre bruit. Une fois endormi, ses nuits étaient hantées par le souvenir du corps nu d’Anna, il rêvait de lui faire l’amour, il rêvait qu’il tentait de l’attraper.
« Salope ! » Il cracha par terre. Elle avait bel et bien réussi à l’ensorceler, jamais une femme ne lui avait fait cet effet avant et il savait très bien cette fameuse nuit en était la cause.
Quand il croisait son regard il sentait des fourmis lui parcourir l’échine et il souriait bêtement, gêné.

Au bout d’une semaine, il était allé voir Laura et l’avait prise là sur le sol. Elle l’avait giflé ensuite et puis embrassé comme si elle aimait sa sauvagerie. Lui en avait été malade, il avait failli régurgiter son repas avant la fin de leurs ébats et était parti, en évitant son regard. Elle y aurait vu un dégoût profond. Laura n’était pas Anna, aucune ne l’était et ça commençait sérieusement à l’énerver.
Il s’était alors jeté à corps perdu dans la logistique, il avait planifié, travaillé tard et planifié encore pour le jour où les soldats de Liudmark viendraient les débusquer.

Un matin, Haytor était venu le trouver en catastrophe :
- Des soldats ! Par centaine.
Le camp était en effervescence. Ils étaient maintenant une bonne quarantaine d’hommes et de femmes qui savaient se battre. Ceux qui n’en étaient pas capables se préparaient à lever le camp pour s’enfoncer plus profondément dans la forêt, vers les marais. Les autres s’harnachaient.
Mais les soldats ne venaient pas du nord. Toujours pas de nouvelles d’une quelconque force armée de Liudmark dans la région. Non, les troupes présentes venaient des Royaumes du Sud, plusieurs centaines d’hommes en livrée attendaient les bandits.
Les plus jeunes près de Saymar pissèrent dans leur froc quand ils virent les bois remplis d’hommes d’armes. Haytor lui même avait la bouche fermée, crispée.
Banditisme, ils seraient tous pendus pour ça. Il ne s’était jamais attendu à voir une réaction de ces crétins du Sud, putain il ne savait même pas ce qu’on pourrait vraiment leur reprocher, ils n’avaient même pas piqué un putain d’oignon de ce côté ci de la frontière et ils payaient tout en espèce sonnante et trébuchante. Faire bonne figure avec les populations du coin lui avait semblé un bon plan pour rester discret malheureusement les hommes le sont rarement quand ils ont une pièce d’or à dépenser.
Un héraut s’avança et lança :
- Nous voulons parlementer avec votre chef !
Saymar se retrouva presque seul, les autres s’écartant de lui sauf Pilton. Saymar fit la moue, serra l’épaule de son frère et s’avança.
- Qu’est-ce que vous lui voulez ?
Le héraut s’éclairci la gorge avant de prononcer solennellement :
- Les forces de la Dix-Huitième sous le commandement du Général Mark et du lieutenant Frihan demande à se joindre aux glorieux « Soldats de la Princesse » et d’ainsi continuer la lutte contre l’offenseur Liudmarkien à vos côtés, le Roi Kylios ne pouvant autorisé une force d’attaque officielle ne peut donc cautionner notre action, nos officiers ont pris la décision de....Saymar se crut encore endormi, il se retourna vers Pilton, ignorant le héraut qui continuait à déblatérer.
- Il veut quoi ce con ?
Le héraut gêner s’interrompit et se retourna vers ses officiers. L’un d’entre eux s’avança. C’était un grand moustachu au regard bleu acier, les cheveux noirs coupés courts et les pectoraux bien en avant. Il faisait probablement deux fois la largeur de Saymar si pas trois. « Je pourrais me tenir tout seul dans une de ses cuisses » pensa-t’il.
L’homme s’avança et lui tendit la main « Je suis content de trouver un homme qui a la tête sur les épaules et va droit au but. » Il serra la main de Saymar tellement fort que celui-ci grimaça et se recroquevilla.
- Vos exploits parcourent le pays, je suis sûr que d’autres hommes nous rejoindront bientôt. On va leur faire payer à ces salauds.
Saymar réfléchissait à toute vitesse. Rembarrer le type et c’était la mort assurée pour tout son groupe. Mais c’est quoi qu’ils voulaient ces types ? Et depuis quand les appelait-on les « Soldats de la Princesse » ?
- Euh...ouais c’est sûr. Mais euh vous comptez faire quoi là ?
Le regard de l’homme se durcit, il le jaugeait et ne semblait pas aimer beaucoup ce qu’il voyait.
- On peut parler en privé ?
Ils s’éloignèrent donc, le vent faisait craquer les arbres et l’automne n’allait pas tarder à arriver. Saymar se demanda si ce n’était tout simplement pas la fin.
- Je sais que vous n’êtes qu’un brigand, recherché pour meurtre de surcroit.
Saymar sentit un frisson glacé lui secouer l’échine et son ventre se liquéfier.
- Personnellement ça me débecte de devoir m’allier à un personnage de votre espèce. Seulement voilà, la moitié du royaume ne parle que de vous. Vous avez oblitérez un régiment entier de patrouilleur en une seule nuit. En temps normal, on vous aurait pendu et on aurait offert les têtes au Liudmark pour s’excuser du désagrément. Mais ce ne sont pas des temps normaux, la princesse s’est faite enlevée au sein même du château royal, plusieurs gardes ont été tués et personne n’a rien vu. Les questeurs ne l’ont toujours pas retrouvée et n’ont aucune preuve que le Liudmark est en cause. Seulement voilà pour quoi risquer ainsi les relations entre nos deux pays ? Le commerce est perturbé et tout le monde y perds. Le roi a renvoyé les ambassadeurs en leur interdisant de revenir sans la princesse saine et sauve. Ce qui a été pris comme un affront car nous n’avons aucune preuve tangible et le roi Frederik joue l’innocent. Aucun de nos espions ne peut nous dire grand chose sauf que le Liudmark se prépare à la guerre mais contre qui ?
Saymar digérait l’information tout en se demandant ce qu’il pouvait bien avoir à faire là dedans. Sourcils levés, il regardait l’homme déblatérer sur la situation politique actuelle.
- Ce n’est pas logique ! Ce qui est sûr c’est que le roi Kylios se retrouve coincé. Soit il joue le bras de fer, menace d’attaquer si on ne lui rend pas sa fille et passe pour un souverain impétueux qui cherche la guerre. Soit il attend. Et c’est ce qu’il a choisi. Le royaume a déjà survécu à une attaque surprise de Liudmark et il y’a peu de chance que ce soit différent cette fois, les cités libres nous enverraient des troupes en quelques mois. Bref il attend mais ne reste pas les bras croisé pour autant mais aux yeux de la population il est en train de passer pour un lâche. Le peuple s’en fout des risques économiques et des horreurs de la guerre, ils veulent que le roi trouve et punisse les coupables, quitte à envahir Liudmark.
- Mais vous êtes qui vous ?
- Vilnius Mark, lieutenant de la garde noire.
- Pfrrrt. C’était pas général de la ‘ché pas quantième tantôt ?

- La dix-huitième n’a jamais existée. Elle vient d’être crée de toute pièce avec des volontaires. La moitié des troupes ici sont membres de la garde noire, la police secrète du roi. Vous avez la réputation, le roi Frederik se demande encore si vous êtes une force armée ou de simples brigands. Vous traitez de brigands publiquement reviendrait à avouer que les frontières ne sont pas sûres et que ses soldats ont perdus une bataille contre des paysans. Vous imaginez bien le dilemme dans lequel il se trouve. S’il accuse le roi Kylios d’être derrière tout ça il prend le risque d’une escalade militaire s’il fait l’inverse il perd de son prestige et de sa crédibilité.
- Et nous là dedans?
- On veut intensifier vos actions et fournir une lueur d’espoir au peuple. Les gens sont mécontents que le roi ne fasse rien, les soldats commencent à déserter. On va canaliser tout ces gens par ici et donner du fil à retordre à nos voisins, couper leurs lignes de ravitaillement, diminuer leur effort de guerre. Bref leur donner des cauchemars tout ça sans jamais impliquer l’armée du Sud.

- Avec vos uniformes c’est mal barré.
- Ne vous inquiétez pas, des charriots sont restés au village sous bonne escorte, ils sont remplis à ras bord avec de l’équipement et du ravitaillement. Aidez-nous à nous battre au nom de la princesse et vous deviendrez un héro, riche de surcroit. J’ai toute latitude pour ce faire du moment que c’est dans les intérêts de la couronne. Vu que l’alternative est la corde je pense que nous sommes suffisamment généreux.

- Puisque j’ai pas le choix, je vois même pas pourquoi vous me demandez mon avis. Mais ça me plait pas de jouer les portes étendards. J’suis pas un soldat moi.
- On s’occupera de la logistique et des questions pratiques, tout ce que vous aurez à faire c’est apparaître comme le général de notre petite armée et faire de jolis discours devant les populations.


Et c’est vrai que la vie avait été plus facile ensuite. Les soldats s’étaient installés avec eux et avait pris toutes les questions logistiques et d’entrainement en main. Saymar s’était enfermé dans sa tente en ruminant. Sa petite vie pépère était finie et il se retrouvait coincé dans une prison dorée. Général sans réel pouvoir. Il était sorti de sa réserve quand Mark avait voulu renvoyé les femmes chez elle. Alerté par Laura, Saymar était sorti en trombe et avait gueulé sur l’officier devant tout le monde.
- Putain vous vous prenez pour qui ? Elles ont combattus aussi bien que les autres. Je me fous de ce que vous avez fait avant mais si vous manquez encore une seule fois de respect envers les nôtres je vous renvoie en morceau à votre famille de merde.
Tout le monde les regardait et Mark avait du faire amende honorable afin de sauvegarder les apparences, les choses étaient maintenant claires, Saymar continuait à prendre les décisions. Leur rapport étaient assez froids depuis mais les hommes avaient été assez content de s’entraîner avec des femmes. Les soldats avait pris un peu trop leur aise et Saymar n’hésita pas en pendre deux pour viol ce qui calme les autres assez rapidement. Au bout d’un mois de cohabitation difficile, ils firent route vers le nord et traversèrent la frontière pour de bon.

Saymar grimaça. Putain de soldats. Leur plan c’était de tout brûler sur le passage pour faire réagir le Liudmark et installer un climat de peur. Saymar avait changé tout ça. Son but était de piller les châteaux et de laisser la population tranquille.
Ils avaient pris le castel Rouarde par surprise. Le pont levis était baissé, les gens vaquaient à leurs occupations. Les troupes de Saymar s’étaient approchées à couvert et puis il avait envoyé quelques hommes et femmes à l’intérieur. L’alarme fut donnée alors que le château était déjà pris. Seulement la population ne le prit pas aussi bien qu’il l’avait espéré. Craignant des pillages et des viols la moitié s’enfuit, l’autre tenta de résister à l’envahisseur. Ils ne pouvaient pas faire grand chose mais se barricadaient chez eux ou lançaient des pierres. Haytor et ses hommes calmaient les ardeurs des soldats de métier qui avaient tendance à vouloir résoudre les problèmes au fil de l’épée.
Saymar se plaça sur un tonneau au centre du village, ses cheveux lui tombant sur les yeux. Il s’éclaircit la voix et commença son discours bidon sur la libération du peuple de Liudmark de l’oppression de la noblesse. Seulement une vieille arriva et tenta de le faire descendre de son tonneau. Elle parlait un patois incompréhensible et frappait ceux qui essayaient de la retenir. Saymar garda son calme et continua son discours en parlant plus fort. Certaines fenêtres s’étaient ouvertes et il voyait des gens dans l’ombre qui écoutaient. Mais la vieille ne le lâchait pas et se mit à crier des choses incompréhensibles, s’agrippant à ses chausses.
Conscient qu’il allait passer pour un bouffon devant plusieurs centaines de personnes, Saymar sentit un calme profond l’envahir. Il descendit du tonneau et serra la vieille dans ses bras. Il serra et serra encore. La vieille se débattit et puis il entendit un crac de sa nuque et elle retomba flasque. Il fit un signe à ses hommes pour qu’ils l’emmènent et repris son discours. Il n’oublierait jamais le regard qu’ils avaient tous autant qu’ils étaient, choqués. Sauf Anna, elle avait rejoint les soldats peu de temps auparavant et souriait lorsqu’il creva la vieille. Etrangement ça le gêna, il s’en foutait en général de ce que les autres pensait et il savait bien qu’il aurait pu ordonner le massacre de tout le village que les autres l’auraient suivis tout de même. Mais le regard qu’elle avait lorsqu’il craqua la nuque de la vioq lui fit terriblement penser à cette nuit où elle lui avait promis un sort identique. Le pire était de voir qu’elle prenait autant de plaisir à le voir quelqu’un clamser, il se demanda même si elle n’avait pas plus de plaisir que lui. Parce que bon, crever du vieux ça le faisait pas franchement bander, c’était juste un défouloir. Un putain de bon défouloir.

Saymar gloussa. Se rappeler tout ces souvenirs lui avait fait du bien. Le reste de la campagne s’était bien passée au final. Ils avaient capturé deux autres petits forts et gagné à leur causes de nombreux villages qui se réjouissait de l’or et des provisions apportées par l’armée. Ils avaient rejoint la voie centrale il y’a un mois à peine et maintenant ils attendaient. Tout marchand désirant passer devait payer un tribu pour ce faire, les convois d’armes étaient réquisitionnés. Cette situation ne devrait plus trop durer car l’armée de Liudmark était en chemin. Enfin !
Plus de vingt-cinq milles hommes aux dernières nouvelles, ils avaient mis du temps mais ils avaient fait ça bien. Saymar pouvait au mieux compter sur dix milles hommes, les déserteurs avaient été nombreux à les rejoindre, des villageois aussi mais au final ils étaient trop loin de la frontière maintenant pour recevoir une aide substantielle. N’empêche passer de trente à dix mille en un an c’était un bon score, on n’était pas prêt d’oublier le général Saymar.
Bah de toute façon ça faisait trop longtemps qu’il n’avait senti son couteau crever un bide bien gras, ça lui ferait peut-être oublier cette catin d’Anna et son petit soldat. Laurent ? Quel nom à la con.
Il inspira profondément l’air du matin, il était temps de se remettre au boulot, il fallait être prêt pour accueillir tout ces braves soldats. Il tapa du pieds dans une pierre, souriant et parti en sifflant vers son état major.


©2006-2007 Avenger

Le Vengeur - Chapitre 17. Thibaut - Le Débarquement

Voici le premier chapitre de la deuxième partie de mon histoire. Un an a passé et je vais donc beaucoup revenir sur ce qu'il s'est passé cette année dans ce cycle.

Musique d'inspiration: Corvus Corax - Hymnus Cantica


Chapitre XVII. Thibaut - Débarquement


Les vagues se jetaient sur les planches calfatées de la barge. Les embruns aspergèrent le visage de Thibaut et les hommes qui l’entouraient rendant leurs casques luisant. Il pouvait apercevoir les cheveux blonds de Roland dans une autre barge un peu plus loin, celle-ci était ballotée par les vagues et semblait perdue au milieu de la brume. Il espérait de tout coeur que leur plan allait marcher. Thibaut ramena son regard sur les soldats dans son embarcation. La moitié n’avait plus rien à vomir et ce n’est pas la première fois que Thibaut remerciait les cieux pour les embruns qui balayaient l’odeur. Il suffirait d’un seul rocher pour mettre fin à leur voyage. Les cartes n’étaient pas très précises et Thibaut savait que son plan faisait plus confiance à la chance et à l’audace qu’à un réel génie tacticien. Tout ces hommes avaient pourtant foi en lui, ils donneraient leur vie pour lui et nombreux seront ceux qui le feraient avant la fin du mois. Pourtant les choses n’avaient pas toujours été ainsi.
En un an, il avait eu le temps de monter en grade, rapidement d’ailleurs.

Après vérification des rumeurs sur la disgrâce de sa famille et la mort de son père, la vengeance lui avait noirci l’esprit. Ne disposant d’aucune ressource autre que son nom, il décida de s’engager dans l’armée Liudmarkienne le plus tôt possible. Roland avait bien tenté de l’en dissuader mais il n’en avait pas démordu.
Arrivé à la capitale, il était allé voir le premier capitaine qu’il avait rencontré et alors qu’il entendait Roland le traiter de « crâne de piaf » avait demandé à s’engager.
L’homme était un vétéran d’une quarantaine d’année, le visage marqué par des années à porter un casque, il avait souri d’un air mauvais en le toisant de haut en bas.
- N’engach pas co les esfants avait-il répondu.
Thibaut réalisa que la langue commune n’était pas aussi répandue qu’on lui avait dit et qu’il allait devoir ressortir son vocabulaire Liudmarkien du fonds de sa mémoire.
- Je suis Thibaut Montfaucon, fils d’un seigneur déchu, donnez moi un bataillon et je ferrai tomber Montveilh avant la prochaine lune. Les saints eux même chanteront les louanges des soldats Liudmarkiens.
Le capitaine avait arrêté de sourire et fronçait les yeux dans un effort de réflexion intense. Sans trop savoir que faire de ce jeune homme arrogant, il l’avait emmené voir son supérieur qui lui même l’avait emmené voir son supérieur.
Le Liudmark n’était pas en guerre mais préparait quelque chose, on interrogea Thibaut parfois gentiment, parfois de façon plus musclée, on le sépara de ses compagnons, le laissa mariner un jour au cachot pour le recevoir le lendemain dans un somptueux appartement et l’accueillir comme un pair.
La machine était en route et Thibaut ne fit qu’attendre le résultat final.
Il n’avait fait que compter sur la haine que devait encore éprouver les vétérans de leur défaite vingt ans plus tôt contre les troupes des royaumes. Pourtant dans sa rancoeur, il ne pouvait que prendre cette haine là de haut, elle n’était rien par rapport à ce que lui éprouvait envers la noblesse de son pays natal.
Il ne fallu pas une semaine pour qu’on lui présente le roi du Liudmark. L’homme était vieux mais le paraissait encore plus. Affalé sur son siège il faisait allégrement plus de cent kilos. Pourtant on se doutait que cette masse avait été du muscle a une époque pas si lointaine. Ses yeux étaient bleus clairs et contrastait avec ses cheveux blancs et sa mine grêlée. Thibaut se senti affreusement jeune dans ses habits de marche et son petit visage rond encore boutonneux.
De son trône, le monarque s’était contenté de le regarder dans les yeux un long moment et avait dit :
- Un bataillon pour faire tomber Montveilh et ses deux remparts mmm ? Soyez heureux que je ne vous mette pas au défi.
- Je promets que ....
- Assez ! Des nobles arrogants j’en ai plein mes chausses à ne plus savoir qu’en foutre. Montfaucon ! Un nom illustre, votre père était un meneur d’hommes hors pair, à mon grand damne d’ailleurs. Ces imbéciles préféraient crever vingt fois que voir leur seigneur se cogner un orteil. Si vous avez ne fut-ce qu’un dixième de sa valeur ce n’est pas un bataillon que je vous donnerai mais toute une armée.

Thibaut restait bouche bée, il ne s’attendait pas vraiment à ce que le roi parle de manière aussi familière.
- Tu t’attendais à quoi ? Des cérémoniaux et à ce que tu me baises les fesses fardées d’épices rares peut-être ? T’es rien qu’un noble pisseux qu’est trop en colère pour voir qu’il ferrait mieux de se reconvertir dans l’agriculture. Et pourtant, t’as été assez con pour remuer tout mon état major. Ces imbéciles sont certains que je suis derrière tout ça, que je rallie la noblesse des royaumes à notre cause et autres saloperies. Tu crois franchement que j’ai que ça à foutre de m’occuper de ta petite vengeance ?
Thibaut ne savait vraiment plus quoi dire, trop choqué pour vraiment être blessé par les paroles du souverain et trop perdu pour savoir que faire de sa vie si le souverain le rejetait.
- Un bataillon et le grade de capitaine. Si d’ici trois mois ces pisseux ne sont pas prêt à s’arracher les couilles avec les dents pour être le premier à te moucher la morve qui te coule du nez, je te fais pendre par les pieds à la frontière, comme ça tu la verras tomber longtemps la forteresse de Montveilh.
Exultant, Thibaut s’apprêta donc à prendre congé à force de nombreux merci.
- Une dernière chose Montfaucon.
- Oui Sire ?
- Vous faites pas d’illusions avec ma fille. Elle n’en a jamais fait qu’à sa tête. Mais touchez à un seul de ses cheveux et je vous écorche vif.
- Pa...pardon sire ? Vo..votre fille ?
demanda Thibaut les yeux écarquillés.
Le monarque éclata alors d’un rire tonitruant. Il le congédia d’un geste de la main en se tapant sur les cuisses, les larmes aux yeux et plié de rire, affalé sur les bras de son trône. Aujourd’hui encore, Thibaut avait l’image de ce double menton qui se trémoussait de rire alors que lui, imbécile, se demandait de quoi on lui parlait. Imbécile, il l’était pour sûr.

Les falaises de la côté approchaient et Thibaut ordonna à son second de donner le signal. Des drapeaux furent agités de barge en barge et la plupart des hommes se relevèrent péniblement. Leurs armures si belles hier étaient maintenant maculées de merde et de vomi. Thibaut eu un petit sourire en coin. En un an son monde avait bien changé, de l’innocence du château à faire des jeux dans la cour avec Sorj et Eliana, à écouter les histoires de père et à recevoir tous les soirs les baisers de mère avant le coucher, il était passé à un monde de soldats. On y jurait plus que de raisons, on crachait sur les nobles et on leur servait de la merde à dîner. Pourtant c’est ici qu’il était devenu homme.

Il avait retrouvé Roland et Luclin, le jour même. Roland était assis sur un banc du château en train de faire causette à une jeune fille en livrée. Il était en train de lui susurrer quelque chose à l’oreille quand Thibaut fit irruption. Luclin lui regardait béatement les murs du château en se déboîtant la tête.
- Ah voilà mon petit piaf. Oh oui il est un peu rustre ma donzelle mais ce soir je te raconterai l’histoire du jeune noble qui partit à la conquête de son royaume perdu. Oui je sais, je suis fantastique.
- Arrête tes conneries, le roi m’a nommé capitaine. Je l’ai mon bataillon !
Bizarrement le regard de la fille passa du dédain à l’intérêt le plus sincère mais Thibaut avait le cerveau trop en ébullition pour s’inquiéter de ce que pouvait penser une servante, pas qu’il s’en soit jamais inquiété d’ailleurs.
- Génial ! A nous l’aventure, les macchabés, les nuits dans la boue et la dysenterie ! Tu me combles de joie mon capitaine !
- T’as intérêt à aimer ça, car tu vas m’aider. Euh...sinon t’as pas vu Frida. J’ai deux trois mots à lui dire...
- OH-oh ! Problèmes !

Le sourire stupide et la réponse laconique de Roland suffirent à lui confirmer ses doutes.
- Tu savais, espèce de salopard de la pire espèce, tu m’as laissé me ridiculiser tout ce temps et ...tu...tu...tu.
- Le temps se fait orageux, rentrons ma donzelle et laissons le « capitaine » à ses vocalises.

Laissant Thibaut en plan, il se retourna juste pour lui dire « Ce soir !». Luclin rigolait doucement.
- Qu’est-ce que t’as toi ?
- Pas en colère PRIN-cesss, PRIN-cesss gentille.
- Princesse gentille princesse mon cul OUI ! Tout le monde est au courant sauf moi.
La petite lueur de satisfaction dans l’oeil de Luclin était de trop pour Thibaut, le géant n’était pas aussi stupide qu’il aimait le laisser le croire. De rage il frappa du pied dans une pierre et l’envoya cogner contre le rempart qui surplombait le jardin. Il entendait encore le petit rire grave de Luclin.

Frida. Elle avait été adorable tout du long. Comme si elle tentait de s’excuser du chamboulement qui était survenu dans la vie de Thibaut à cause d’elle. Sa gentillesse et son corps de rêve perturbait celui-ci au plus haut point. Incapable de la haïr vraiment, la croyant dans la même situation que lui, il avait commencé à vraiment l’apprécier. C’était le genre de femme qui ne se laissait pas abattre. Combattive et pleine de vie, sa façon de toujours aller de l’avant et de chercher un moyen de s’en sortir forçait l’admiration de Thibaut. Elle esquivait le baratin de Roland de manière cinglante et les deux n’arrêtaient pas de se jeter des piques. Roland n’était pas homme à s’embarrasser avec des convenances, il n’hésitait jamais à l’appeler « gueule d’amour »en face. Elle n’avait pas hésité non plus à lui envoyer son pied dans l’entrejambe lorsqu’il lui avait caressé les fesses en le traitant de « Muron ! ». Thibaut avait rit sous cape pendant deux jours à regarder la face congestionnée de son compagnon. Sans savoir ce que « Muron » voulait dire il se doutait que c’était une insulte et il gardait ça en tête pour le ressortir un jour. Roland avait sursauté pendant près d’une semaine chaque fois que Frida s’était approchée de lui mais il avait été beaucoup plus aimable avec elle.
Thibaut adorait parler avec elle le soir. Ils passaient ensemble une heure ou deux à parler chaque soir. Frida perfectionnait ainsi sa connaissance de la langue et ça permettait au jeune homme de sortir ce qu’il avait sur le coeur sans risquer les railleries.
Il y’avait une autre raison aussi, le soir Thibaut la trouvait belle. Il ne voyait alors pas son visage dévasté pouvait imaginer qu’il était assis près de la plus belle fille sur terre, une princesse. S’il avait su.

Et quoi donc s’il avait su ? Rien probablement. Thibaut n’était pas très doué avec les filles et sa vie de soldat n’avait pas amélioré ce fait. Oh, il n’était pas vierge mais ce n’était pas la même chose de se faire chevaucher par une fille de joie que d’avoir des sentiments. Et jusqu’à Frida, Thibaut n’en avait jamais eu des sentiments. Mais pourquoi les choses devaient-elles toujours se compliquer ? Le fait qu’elle soit défigurée avait déjà rendu ses sentiments naissants difficiles à accepter pour Thibaut. Apprendre qu’elle était une princesse et ne lui avait jamais rien dit avait failli les tuer dans l’oeuf. Pourtant aujourd’hui c’était ses couleurs à elle qu’il portait. L’étendard vert et noir était le symbole de son unité et la fierté de tous les hommes. Le jour où il avait ramené celui-ci il avait vu briller plus d’un regard et le troisième bataillon de Fransk lui fut acquis à jamais.

La princesse Frida avait une réputation. A huit ans, elle dirigeait déjà les soldats pour ses jeux. Tous la traitaient de petite peste mal élevée dans son dos. Et pourtant tous cherchaient ses faveurs. Elle faisait combattre les gardes entre eux et le gagnant avait droit à une cérémonie où il recevait une bague marquée d’un lion vert. Les gagnants n’hésitaient donc pas à arborer ce symbole princier et certains l’arboraient encore aujourd’hui. La petite princesse ne se gênait pas pour entrer la mêlée et bastonner un homme si elle trouvait qu’il ne se battait pas avec assez d’ardeur.
A douze ans, elle fuguait pour visiter les tavernes de la ville. Le premier tavernier à recevoir sa visite, l’attrapa violemment et voulu lui donner une fessée pensant avoir affaire à une voleuse venue faire les poches de ses clients. Lorsqu’elle lança son cri de ralliement, il était déjà trop tard pour l’homme. Il eu beau avoir lâché l’enfant, trois soldats s’étaient déjà levés parmi la vingtaine qui remplissait alors le bâtiment. Les autres suivirent. On ne retrouva pas le corps mais aucun aubergiste ne toucha jamais plus aux cheveux des jeunes filles de Liudmark. Les vingt furent punis par le roi pour avoir semé le trouble en ville et si Frida ne s’étaient pas dévoilée aucun d’eux n’aurait avoué avoir vu la princesse en ville ce jour là.
Son père lui assigna des perceptrices à qui elle pourri la vie. Elle n’hésita pas à en attacher une à une chaise avant de se faire la malle en ville. A quinze ans, le roi s’était fait une raison. Sa fille gambadait où elle voulait quand elle le voulait. L’enfermait-il dans une tour qu’un jeune garde venait la libérer tout ça pour avoir une de ces stupides bagues. Il eu même l’idée d’interdire le port des bagues mais les membres de son état majors protestèrent. Il n’avait jusque là jamais encore réalisé à quel point sa fille avait réussi à se faire aimée des troupes. Et le pire de tout, c’est qu’elle s’en foutait.

Thibaut, lui, avait été abasourdi d’entendre tout ça. Une partie de la bouche de Frida elle-même, l’autre de la part de certains vétérans. La discussion qu’il avait eue avec elle le soir de sa nomination avait été empreinte de tristesse. Il était arrivé frustré et fâché. Il aurait aimé être content de l’aboutissement de la première étape de son plan mais au fil de l’après-midi l’appréhension l’avait gagné. Pourquoi ne lui avait-elle rien dit ? Qu’allait-il devenir de leur amitié ?
Elle l’avait rejoint le soir dans l’auberge, il se leva à son entrée mais resta figé. La femme qui se tenait devant lui n’était plus la même. Fini la chevelure blonde en broussaille, fini la tenue provocante. Elle était habillée d’une robe noire longue, des lions verts sur tout le pourtour. Deux gardes l’accompagnaient et le silence se fit dans la taverne à son entrée. L’aubergiste vint la saluer bien bas et tout les hommes présents retirèrent qui leur casquette, qui leur rond de cuir.
Il était mal à l’aise lorsqu’elle s’assit en face de lui avec un sourire gêné. Ils parlèrent longtemps quand même mais elle lui fit clairement comprendre que leurs relations ne pourraient être les même. Malgré ses frasques, elle restait une princesse et son statut à lui de capitaine rendait la situation encore pire, il n’était plus qu’un « simple soldat » ici. Elle lui serra la main avant de partir et lui adressa un faible sourire désolé qui tira sur sa cicatrice.
Thibaut en aurait presque pleuré tellement son coeur lui faisait mal, pour la première fois il réalisait qu’il l’aimait. Il ne l’avait pas vu venir et ce qui le chagrinait vraiment c’était d’en prendre conscience au moment où le monde bougeait sous leurs pieds pour les séparer. Sa rancoeur l’avait quittée et un grand abattement l’assaillit. A l’heure où il aurait voulu avoir l’esprit tout entier à sa vengeance il se surprenait à rêver d’une princesse défigurée. Le monde était étrange.

Pour sûr, il l’était. Il l’avait revue deux mois et demi plus tard. Thibaut avait sué sans et eaux pour se faire accepter sans y parvenir tout à fait. Il lui restait peu de temps pour transformer la troisième Fransk en un bataillon qui lui obérait au doigt et à l’oeil sur le champ de bataille. Et encore, il en devait qu’à la discipline liudmarkienne ne pas s’être fait poignarder la première semaine. Elle lui avait rendu une visite surprise dans sa tente, deux des quatres sergents de Thibaut se tenait derrière elle.
- Ces deux imbéciles me disent que tu te débrouilles bien.
Hésitant à cette entrée en matière qui ne correspondait pas vraiment aux rêves romantiques qu’il s’était fait ces derniers mois, Thibaut répondit de façon laconique.
- Mouais, n’empêche les hommes ne m’aiment pas.
- Le but n’est pas qu’ils t’aiment mais qu’ils fassent ce qu’ils te disent. N’est-ce pas Ulrich ?
- OUI PRINCESSE !
- Fous-moi ton capitaine par terre soldat !

L’homme fonça sur Thibaut sans même hésiter. Choqué celui-ci senti l’air s’expulser des poumons quand l’homme le ceintura et l’envoya au sol. Il se demandait vraiment ce qui se passait lorsqu’il vit les yeux de Frida.
- C’est comme ça que tu te bats Thibaut ? Je croyais que t’en avais dans les couilles, que tu voulais te venger ? Je croyais que t’allais montrer à ces pisseux qui avait réussi à capturer leur princesse. Bats toi peigne couille !
Elle le frappa du pied, sans retenue. Thibaut serra les dents et envoya un coup de boule dans le nez d’Ulrich. Il sentit le nez craquer, l’homme lâcha prise et puis tenta de se reprendre mais Thibaut était déjà sur lui. Il l’envoya valser à travers la table et sur les cartes, il laissa libre court à la frustration accumulée ses derniers temps et frappa l’homme encore et encore.
Frida l’arrêta.
- Arrête Thibaut. Ce n’est pas à lui que tu dois en vouloir. Mais c’est comme ça que tu dois faire s’ils ne te respectent pas. Frappe les jusqu’à ce qu’ils apprennent. Aujourd’hui Ulrich a perdu et c’est toi mon champion.
Elle lui baisa le front et lui donna une bague. Le matin en partant elle lui avait aussi laissé l’étendard.
Il n’eut plus jamais de problème avec ses hommes.

- Capitaine ?
Il reporta son regard sur la côte qui approchait.
- On se déploie en silence. Aucun survivant chez l’ennemi. Ces trois tours de guet doivent tomber dans l’heure. Compris ?
Les hommes se passèrent le mot, certains se retournèrent vers lui et embrassèrent leur bague au lion.
Thibaut lança une prière aux saints. Il ne savait pas trop s’il voulait revenir pour revoir Frida ou mourir pour ne plus jamais être torturé par son visage si beau et si terrible.
La barge toucha la plage en crissant et les hommes s’élancèrent comme des ombres. « Des lions verts» pensa-t’il.


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Le Vengeur - Chapitre 16. Arnulf "Lapin-Tordu" - Les Huits


Voici enfin le chapitre 16 qui boucle la première partie de mon histoire. On y retrouve Arnulf qui se voit confirmer son rôle de chef des Burgans.
Montage/Photo de Franck Graeme?

Musique d'inspiration: Basil Poledouris - Anvil of Crom




Chapitre XVI. Arnulf « Lapin-Tordu » - Les Huits

Arnulf fit un saut de côté pour éviter de se faire piétiner par un rhinocéros. Il pesta. La bête énorme était harnachée pour le combat et surtout pour l’esbroufe. Sa corne avait été recouverte d’une pointe d’argent, des oeillères dorées l’empêchaient d’être distraite et son dos était caparaçonné de plaques de métal hérissées de pointes. Une armature de bois garnie de fanions rouge faisait une trainée sanglante à l’animal. Une vision formidable bien que son utilité pour la guerre restait discutable.
- Ce sont les paons qu’ils auraient dû s’appeler.
Alwin venait de le rejoindre sur la colline. Elle aussi embrasa du regard la pleine remplie d’hommes et d’animaux. Les clans s’étaient maintenant presque tous réunis et la vision qui s’étendait sous leurs yeux était irréelle. Peu de burgans encore vivants avait déjà vu un tel rassemblement hétéroclite.
- Mmm, ils maquillent leurs totems et en sont fiers. Jamais un homme de ma tribu n’asservirait ainsi un Lion.
Il réalisa trop tard qu’il avait fait une bourde. La tribu des Lions était presque la seule à ne pas tirer son nom de l’asservissement d’un animal. Ils avaient bien sûr une relation privilégiée avec leur totem mais ces félins étaient trop fiers pour être réellement apprivoisés.
- Vous n’avez peut-être simplement pas le tact nécessaire. dit-elle froidement.
Elle fit demi-tour et s’éloigna à grand pas. Il prit plaisir à regarder sa silhouette presque nue s’éloigner. Elle paraissait tellement fragile en plein jour, son corps svelte à la plastique irréprochable avait toujours ses peintures de guerre mais sous le soleil on aurait dit une ombre d’enfant. Pourtant ses formes n’avaient rien d’une petite fille. Il se demanda si sa femme à lui pourrait être aussi belle après avoir enfanté.

Il tourna son regard vers la plaine. Les tambours battaient, les trompes sonnaient, tous faisaient le plus de bruit possible. Les Burgans ne s’aimaient pas entre eux, tout au plus se toléraient-ils. Seule la peur de la colère divine les avait fait se rassembler sous sa bannière. Arnulf se demanda comment son père avait réussi seul l’exploit de réunir les tribus contre l’envahisseur venus du Sud, pas étonnant qu’il ait du batailler ferme et montrer sa supériorité pour y arriver. Pourtant, ce passé glorieux n’aidait pas Arnulf, la plupart des tribus s’étaient entre déchirées après la guerre, certaines voulant reconstruire, d’autres préférant pousser l’avantage jusqu’à l’intérieur des terres des hommes de fer. Les hommes qui fourmillaient sous ses yeux n’étaient pas unis, ils restaient en petit clans en gardant leurs distances les uns des autres.
Il était cependant certain que même son père n’avait pas vu autant de troupes à son époque. Il manquait encore la tribu des Termites, des Serpents et celle des Chevaux avant de pouvoir faire route vers l’ennemi. Mais son armée s’annonçait d’ores et déjà formidable. Près de six milles hommes étaient là dans la plaine.
Il faisait déjà face à un cauchemar logistique. Heureusement les Taureaux et les Rhinocéros avaient accepté de s’occuper du ravitaillement, d’ailleurs ces derniers utilisaient des girafes pour tirer des traineaux de fourrage gardant les rhinocéros pour la guerre ce que Arnulf trouvait stupide.
La tribu des Béliers était celle qui semait le plus la pagaille, les chèvres se promenaient librement dans les campements et mangeaient tout ce qui leur passait sous la main, même des vêtements parfois. Il espérait que les hommes de la tribu n’allaient pas se montrer trop frileux quand il s’agirait de partager la viande. Mais ce qui l’inquiétait le plus était les rumeurs rapportées par ceux-ci, des hommes de fer avaient traversé les montagnes et pénétrés dans les terres burgannes. Il lui fallait absolument vérifier celles-ci, pas question de partir du pays en craignant pour les villages restés sans défense.

La nuit fut agitée, les dernières chaleurs de l’été tombaient sur la plaine comme une chape de plomb. Arnufl se retournait sans cesse. Son corps nu luisant de sueur. Il crut entendre la voix de sa chamane, Wilema, « Huiits...men...ace...viens » mais les sons étaient trop indistincts. Des grattements sur la toile de sa tente le réveillèrent, il ouvrit les yeux en grand. Ses paupières ensommeillées les recouvrirent à nouveau et Il batailla contre l’assoupissement tout en essayant de percer les ténèbres. Rien. Sombrant à nouveau dans le sommeil, il se recroquevilla sur sa couche. Un grand corbeau se tenait sur un morceau de bois de l’armature. Il vit clairement les yeux de celui-ci s’ouvrir, l’oiseau tourna la tête pour mieux le fixer de son oeil gauche. Arnulf se demanda comment celui-ci avait pu entrer mais il ouvrit le bec et croassa « Aaaelorrr ». Effrayé, Arnulf recula à toute vitesse en faisant le signe des dieux. Il s’empêtra dans sa couverture et tomba de sa couche. L’oiseau avait disparu lorsqu’il reporta son regard à l’endroit où il se tenait. Il hésita alors d’alerter tout le camp mais il savait que ça ne servirait à rien. Peut-être n’était-ce qu’un rêve mais il aurait juré que non. Il aurait tant aimé que Wilema soit là. Il se demanda si ce n’était pas elle qui tentait de lui faire passer un message. « Les Huits... »

Il y’avait huit tribus burgannes et donc huit chamanes. Chaque tribu avait son propre territoire mais on disait que les chamanes se réunissaient parfois dans un marais au nord. Personne d’autre ne pouvait y entrer en tout cas personne n’en était jamais ressorti vivant. Etait-ce possible que Wilema lui demande de s’y rendre ?
Il se demandait pourquoi les chamanes des autres tribus n’avaient pas voyagés avec les leurs, il avait d’abord cru qu’ils avaient décidé de prendre les rennes des villages pendant l’absence des guerriers et de leurs chefs. Mais il réalisa maintenant que ce n’était pas l’habitude des chamanes de rester en dehors du destin de leurs peuples. Incapable de se rendormir, il enfila des chausses et sortit prendre l’air.

C’est ainsi que les cinq chefs de clan se retrouvèrent dans les Marais Brumeux une semaine plus tard.
Adalrik ouvrait la marche, il avait de l’eau jusqu’au torse et ne semblait même pas ralenti. Ses bras énorme bougeaient comme des balanciers qui le propulsaient de l’avant en chantant à tue tête. Il ne voyait pas Alwin, elle sautait de branche en branche dans les nombreux arbres au dessus d’eux et ne s’était pas mouillée une seule fois. C’était la première fois qu’Arnulf côtoyait Irkan, le chef de la tribu des Rhinocéros et à vrai dire il espérait ne pas trop devoir avoir affaire avec lui. C’était un jeune homme à la mine fermée et méprisante. Son nez pointu jurait sur son visage enturbanné. Il possédait un long sabre qu’il tentait de mettre à l’abris de l’eau en le soulevant bien haut au dessus de bras musclés et halés par le soleil. Malgré ses tentatives pour ne pas paraître incommodé par l’eau des marais il n’avait pas la même facilité que ses confrères et pestait plus qu’à son tour. Pour preuve, il ne jouait même pas de sa courte flute qu’il avait laissée dans son étui à son épaule.
Le dernier des compagnons était un vieillard qui ressemblait énormément à son animal totem. Ses cheveux blancs en bataille se terminaient sur une petite barbichette qui soulignait sa dentition vers l’avant. Sa face ridée était fermée par l’effort et il faisait de nombreuses pauses obligeant les autres à l’attendre ce qui avait pour don d’irrité le jeune Irkan plus que tout. Celui-ci n’hésitait pas à traiter l’autre de vieillard d’un ton hautain.
- Vous auriez mieux fait de rester sur la plaine avec les hommes, ce n’est plus de votre âge, vieille bique.
L’homme ne répondait jamais mais Arnulf pouvait voir à ses yeux qu’il n’appréciait pas les propos du jeune homme, les pressions sur la petite armature de cuivre qu’il avait à la ceinture s’accentuait et en faisait sortir des « chtoings » grinçants. Arnulf restait au côté du vieillard pour l’aider de son mieux, après tout c’était à cause de lui qu’ils étaient ici. Pourtant il tambourinait des doigts sur son petit tambour portatif et ne réalisait même pas qu’il montrait lui aussi son impatience.

Plus ils s’enfonçaient dans les marais moins le soleil arrivait à percer la frondaison des arbres. L’ambiance était vraiment oppressante, surtout pour Arnulf qui avait passé la plus grande partie de sa vie au grand air dans les plaines de l’ouest où il pouvait courir à perdre haleine dans les hautes herbes et ne s’arrêter qu’au bord des falaises blanches plongeant dans l’océan.
Il soupira, ce marais n’était qu’ombres, brumes et décrépitudes. Les arbres étaient couverts de toiles d’araignées, d’humus visqueux et de plantes en décomposition. Et puis il y’avait l’odeur, elle vous retournait l’estomac comme si on avait évidé les estomacs de cinq vaches mortes il y’a une semaine.
Arnulf lança son bras pour rattraper une fois de plus Olin qui venait de trébucher dans l’eau saumâtre. L’homme le remercia du regard, il était épuisé et les sangsues qui couvraient leurs jambes prélevaient leur dû sur le vieillard. Les deux autres compagnons les avaient distancés et seule une trainée d’eau boueuse indiquait leur passage. C’est toujours au moment où tout le monde est éloigné les uns des autres qu’un drame se passe. Arnulf entendit un cri en hauteur suivant d’un plouf sonore. Craignant pour la vie d’Alwin il courut aussi vite que l’eau le lui permettait abandonnant Olin derrière lui.
Le marais devant lui était agité de vaguelettes, il agrippa une racine pour se hisser en hauteur et observa la surface avec attention. Il sortit son épée à deux mains du fourreau huilé qui barrait son large dos et attendit.
Il vit des bulles crever la surface et plongea. Sous l’eau il ne voyait plus rien mais sa tête butta contre un corps, d’une main il tâta le corps et essaya de reconnaître ce que c’était. Il sentit un bras et une longue membrane visqueuse. On ne l’appelait pas Arnulf « Lapin-Tordu » pour rien, de sa main gauche il souleva l’amas de membres qu’il sentait et le sortir hors de l’eau le tenant à bout de bras.
Il tremblait sous l’effort et cria lorsqu’il sortit la tête hors de l’eau, sa crinière trempée faisait dégouliné l’eau devant ses yeux mais il ne perdit pas de temps. Il passa son épée à travers le corps du serpent, celui-ci se contorsionna et sa gueule frappa Arnulf au visage. Il chancela et manqua glisser ce qui aurait été la fin. Le serpent retomba dans l’eau mais avait à moitié libéré sa proie pour s’attaquer à l’intrus. Lâchant son épée Arnulf lui attrapa la tête à deux mains et serra, serra encore. Le serpent se débattait et tentait de se libérer de l’étreinte du guerrier. La bête s’enroula petit à petit autour du torse d’Arnulf et l’enserra mais il était déjà trop tard pour elle. Il avait réussi à enfoncer ses pouces dans le crâne du reptile. Celui-ci se contracta un peu et puis devint flasque et tomba dans l’eau.
Alwin suffoquait accrochée à une racine. Elle avait le teint pâle et les yeux rougis. Lorsqu’il s’approcha d’elle, elle lui entoura le cou de ses bras et pleura.
Evidemment c’est à ce moment là qu’Irkan et Adalrik firent irruption. Irkan ne dit rien pour une fois mais son sourire narquois fit bien comprendre à Arnulf qu’il utiliserait cet épisode à son avantage.
Il tapota le dos d’Alwin gentiment, un peu gêné de sentir ses seins contre son torse.
- Vous foutiez quoi par Furn ! s’emporta Arnulf.
- Les forts avancent, ils ne passent pas notre temps à baiser dans la fange.
- Ose répétez ça espèce de bouse de zébu !

Arnulf s’était laissé emporter et savait qu’il n’avait plus d’armes si Irkan voulait réparer l’affront avec un duel. Celui-ci rit d’un air narquois et continua son chemin. Adalrik souleva ses épaules d’un air désolé avant de le suivre. Après avoir remit Alwin sur pieds, il chercha son épée à tâtons dans la boue. Lorsqu’il se releva avec l’épée couverte de saloperie dégoulinante Alwin lui demande d’une voix croassante: « Olin ? »

Pour la seconde fois de la journée, Arnulf courut. Cette fois-ci il tenait Alwin par la main, résolu à ne pas la laisser seule. L’ancêtre n’avait pas fait de bruit lorsque la bête l’avait attrapée et pourtant il s’était débattu comme le vieux bouc qu’il était. Il n’avait pas appelé à l’aide alors qu’ils auraient pu lui sauver la vie. Quand Arnulf arriva il était en train de se faire emporté sous l’eau par des crocodiles. Une de ses jambes flottait sur l’eau à moitié déchiquetée, deux bêtes se la disputaient. Le vieillard était encore vivant sa bouche tremblait, ouverte, de l’eau s’y déversant et ses yeux étaient larmoyants. Arnulf n’hésita pas une seconde, d’un seul coup formidable il trancha un crocodile en deux, envoyant une gerbe d’eau alentours. Dérangés dans leur repas les autres bêtes se tournèrent vers lui mais il avança sans peur au milieu d’eux.
D’une main formidable il tint fermé le museau du reptile le plus proche et planta son épée à travers les écailles d’un autre. Il sentait la rage monter en lui et lança un cri guttural aux dieux. Le crocodile qui tentait d’emmener Olin sous l’eau sentit le vent tourner et tira un peu plus sur sa proie. Alwin lui grimpa sur le dos et lui déchira les chairs de ses deux dagues. Elle frappa encore et encore jusqu’à ce qu’il ouvre la gueule pour la déloger. Elle lui souleva alors la gueule et lui ouvrit la chair de haut en bas. L’animal se débattit aussi fort qu’il le pouvait mais ce n’était pas assez fort. De ses deux mains Arnulf avait eu le temps de craquer le cou du dernier crocodile. Il s’était ensuite précipité vers Olin. Les dernières forces quittaient celui-ci. Il le hissa sur des racines mais la perte de sang avait été trop importante. Il toussa un peu pour recracher de l’eau et du sang et ne dit que deux mots dans un faible râle « Mène-les ! ». Sa main tapa contre le torse trempé d’Arnulf et celui-ci l’attrapa et la serra fort.
Le vieillard mourut une seconde plus tard et c’est seulement lorsqu’il le porta pour le laisser partir dans l’eau qu’il remarqua le pendentif qu’il avait tenu serré entre ses doigts. Il le prit, décidé à le remettre au futur représentant des Béliers.
- Péran, mène cet homme par delà les marécages, fait lui voir à nouveau le soleil et demande lui de me pardonner pour nous avoir envoyé ici. Dis lui de préparer de longues tables pour les guerriers qui bientôt le rejoindront et puisse-t’il retrouver sa jeunesse auprès de toi, Père de tout.
Alwin embrassa le front du vieil homme avant qu’il ne s’enfonce sous l’eau. Ils chantèrent tous les deux, un chant de remerciement pour la longue vie de l’homme, la voix puissante d’Arnulf soutenue par la douceur de celle d’Alwin. A ce moment ils étaient proches et ça l’inquiétait. Arnulf n’aurait voulu penser qu’à sa femme. Il rougit d’avoir des pensées impures alors qu’il prononçait une oraison funèbre.
Les sangsues, attirées par le sang, affluaient de partout et se collaient à leurs jambes. Ils battirent en retraite en silence.
Moroses, ils retrouvèrent leurs compagnons dans un endroit plus ou moins secs. Ils avaient installés un feu et à voir l’état d’Arnulf et Alwin comprirent que quelque chose avait mal tourné. Cette fois ci Irkan ne tenta pas de provoquer Arnulf, celui-ci supposait même qu’au fond de lui le jeune homme avait du respect pour le défunt, être chef de clan n’était pas facile surtout quand on était jeune et impétueux.
Ils mangèrent en silence et après le repas s’occupèrent de leurs armes. Avant le coucher ils jouèrent tous de leur instrument, chacun son tour, un air triste en y ajoutant probablement une prière silencieuse. Adalrik pris le premier tour de garde mais il n’y eu rien à signaler cette nuit là, ni le jour suivant. Le marais avait prélevé son dû.


Lorsqu’ils rejoignirent les chamanes, ceux-ci étaient déjà au courant pour la tragédie. Ils se tenaient debout dans une clairière chacun portant une torche et un masque de bois peint. Ils levèrent les bras devant eux et parlèrent d’une unique voix.
- Olin « Feu poilu » tu es aux côtés des dieux
Adalrik « Bois Fendu » les dieux te saluent
Alwin « Tempête » les dieux te saluent
Arnulf « Lapin-Tordu » les dieux te saluent.
Irkan « L’irascible » les dieux te saluent

Ensuite seulement ils furent accueillis au sec. A nouveau, ils entreprirent de brûler les sangsues qui leur couvraient les jambes.
Soudain, des centaines d’hommes sortirent des ombres, ils étaient couverts de peintures de guerre et de babioles en os. Ils entourèrent les chefs de clans et pointèrent leurs courtes lances sur eux. Un enfant se glissa entre les guerriers d’une démarche fluide.
- Vous avez tuez un de nos frères dit-il en levant un sourcil et en bougeant les bras en un mouvement sinueux.
Arnulf ne dit rien mais maudit intérieurement Wilema. Elle ne l’avait prévenu en rien et il ne savait même pas qu’il était sur les territoires de la tribu des Serpents. L’enfant, une jeune fille en fait, s’approcha de lui et lui mit les mains sur les épaules.
- Mais tu t’es bien battu et nous mangerons sa chair ce soir. Les Serpents sont fiers de se joindre à vous dans ta mission divine. Je suis Silsian « Ombre Amère ».
Les chamanes reprirent en choeur :
- Silsian « Ombre Amère » les dieux te saluent.

Ils mangèrent donc du serpent ce soir là, grande première pour Arnulf, mais après avoir traversé les marais il aurait mangé n’importe quoi qui ne soit pas humide. Les chamanes restaient sur le côté en transe en attendant la levée de la lune. Une fois celle-ci levée, ils l’appelèrent et il put enfin parler avec les dieux.
Parler avec les dieux n’était qu’une expression, probablement inventée par les chamanes qui rappelaient ainsi d’où venait leur autorité. Depuis qu’il avait entendu la vraie voix des Dieux, Arnulf était beaucoup moins intéressé par ces simagrées. Il parla d’abord, racontant sa mission, son rêve de corbeau et ce qu’il avait accomplis. Les autres chefs confirmèrent et prêtèrent serment devant les dieux.
Ensuite, Wilema prit la parole :
- Les dieux sont contrariés. Les autres reprirent en choeur « Contrariés »
- Le chemin des rêves est obstrué, certains dieux ne répondent même plus. Le monde menace de changer pour toujours. Terre-qui-gronde a été dérangé dans son sommeil et se bat aujourd’hui pour sa survie. Il vous faut faire vite, une armée est passée à travers nos terres, nous les gardiens, dans notre aveuglement n’avons rien fait pour l’en empêcher. Celui qui les dirige est Aelor, un homme de grand pouvoir mais juste un homme. Pourtant il veut devenir Dieu et il faut l’en empêcher. Il combat en ce moment même la tribu des chevaux. La population Termite a déjà subi son courroux.
Il te faut absolument accomplir la prophétie et trouver le chemin scintillant et la vierge sanglante. Ensemble seulement pourrez vous abattre Aelor.
- Je croyais que ce n’était qu’un homme, c’est à moi que les dieux auraient dû demander, je l’aurais déjà tué ? demanda Irkan
- Irkan a une grande bouche mais de petites couilles répondit son chaman ce qui fit rougir le jeune homme.
- Où était-il quand Olin rejoignait Peran ? demanda le chaman de la tribu des Béliers.
- Où sera-t’il quand l’heure viendra ? demanda le chaman de la tribu des Taureaux.
- Il te faut partir vers le sud mon enfant dit Wilema en s’adressant à nouveau à Arnulf. Lorsque tu auras trouvé les composants de la prophétie va trouver Terre-qui-gronde et sauve le. Je ne sais pas s’il te sera reconnaissant, peut-être ne verras-tu jamais tes enfants grandir mais si tu ne le fais pas ils ne grandiront pas du tout car ce qu’Aelor veut il l’obtiendra lorsque la lune croisera l’ombre de la terre.- Combien de temps cela nous laisse ? demanda Adalrik
- Un peu plus d’un an nous pensons mais nous n’en sommes pas sûrs, les hommes de fer ont de meilleures instruments pour observer les étoiles. répondit le chaman des Termites. Beaucoup de mes enfants sont morts, à peine une centaine vous rejoint aujourd’hui. Il faudra des générations pour que les termites reconstruisent leur cité. Mais seul l’accomplissement de la prophétie le leur permettra.- La tribu des Chevaux se joindra-t-elle à nous ? demanda Arnulf.
- Ils sont en route répondit leur chaman, Aelor ne bougera plus de là où il est jusqu’à obtenir ce qu’il veut. L’heure est venue pour les burgans d’entamer le grand voyage vers le sud.
Tous se levèrent et répétèrent « L’heure est venue »
Alwin serait la main d’Arnulf et il n’osait pas la retirer car il avait bien besoin d’aide, aujourd’hui il avait compris que le destin des Burgans reposait sur ses épaules.


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mercredi, août 29, 2007

Le Vengeur - Chapitre 15. Guylhom - Liudmark

Encore un chapitre de terminé (j'ai aussi terminé le 18 mais je vais essayer de poster dans l'ordre à partir de maintenant pour faciliter votre lecture).
Etrangement beaucoup de difficulté à commencer le chapitre, j'ai du faire trois essais avant d'arriver à cette version, l'arrivée de Guylhom devait être un peu spéciale. C'est un chapitre qui explique un peu plus la situation des royaumes et ce qui est en train de s'y passer. J'espère que c'est digeste ;)

Bonne Lecture

Musique d'inspiration: Ensemble Perceval - Null'Ome Perren Non Deve, Jerry Goldsmith - Old Bagdad et Corvus Corax - Sol Solo


Chapitre XV. Guylhom - Liudmark

Il avait rejoint la route de la ville dès l’aube. Les quelques marchands qui menaient leur attelage, le saluait avec déférence mais il ne dut pas attendre très longtemps pour être remarqué par des soldats. Ceux-ci mettaient carrément genoux en terre devant lui et Guylhom ne savait pas trop comment rendre le salut. Il fit un geste de la main discret et continua donc sa route.
Au loin, de nombreuses fumerolles noires s’échappaient de la ville. La ville paraissait plus petite que dans son souvenir dix-sept ans plus tôt mais elle puait plus.
Il comprit d’où venaient l’odeur et la fumée en arrivant aux portes. Le son métallique des forges résonnait et rythmait le brouhaha ambiant. « Cling. Bang Click » ces bruits de fonds semblaient émaner des entrailles de la terre mais ils sortaient de dizaines de forges qui produisaient des armes et des armures non stop.
Le Liudmark se préparait à la guerre. « Contre qui ?» était la vraie question. Une certaine agitation à la porte ramena son attention sur la route. Des soldats en sortaient en deux colonnes ordonnées.
Instinctivement Guylhom porta la main à son épée avant de laisser sa main en suspends, d’où pouvait bien sortir ce réflexe ?
Les soldats libérèrent un passage et mirent pieds en terre. Guylhom soupira, se balader dans la région n’allait pas être de tout repos. Il se demanda comment on pouvait témoigner d’autant de respect envers une simple fonction. Il était certain que personne ne l’avait encore reconnu et doutait même que son père le reconnaisse et pourtant on lui déroulait le tapis rouge comme à un monarque. Il était décidemment très mal préparé à son destin.
Les hommes l’encadrèrent et le menèrent à la ville poussant les gens sans ménagement pour qu’ils libèrent le passage. La foule se fit de plus en plus dense malgré tout. Les gens tendaient les mains vers lui, cherchant à le toucher, des vieilles imploraient pour avoir sa bénédiction, des femmes lui tendaient leurs enfants.
Guylhom était choqué, il ne se souvenait pas d’avoir jamais vu une telle ferveur religieuse dans sa ville natale. Les soldats peinaient à avancer et n’hésitaient plus à bastonner les pauvres hères avec des matraques en bois. Pourtant tout sembla s’effacer quand il vit ce qu’il restait du Saint Sacré. Rien. Tous les arbres avaient été abattus, il fit alors plus attention au paysage qui entourait la ville. Pas un arbre à la ronde. Tous avaient été abattus. « Miséricorde ». Son père devait être fou pour défier ainsi le saint sylvain, Gu’ul. Pas étonnant que le peuple soit si effrayé. Le roi Frederik n’avait jamais été un fervent religieux mais de là à bafouer ouvertement les croyances anciennes il y’avait un pas que Guylhom n’aurait pas cru voir franchi de son vivant. « Il y’a quelque chose de pourri au royaume de liudmark » pensa-t’il en rapport avec un livre qu’il avait lu en cachette au monastère.
La foule commençait à gronder, les soldats avaient de plus en plus de mal à les contenir et tentait d’attirer son attention par delà le boucan infernal de la rue. « Cling Clang Messire ! Cling Clang»
Il avait l’impression de faire un mauvais rêve.
Sur une impulsion, il descendit de cheval, tendit les rennes de Ceyan a un soldat dont le casque était de travers après avoir reçu un coup et s’avança vers la foule. Celle-ci se calma directement et dans un mouvement de vague s’agenouilla. Il ressentit un frisson le parcourir de bas en haut. « C’est donc ça la puissance » pensa-t’il. Il mit une heure à traverser le petit kilomètre qui le séparait des remparts intérieurs. Ses bras lui faisait mal à force d’avoir du bénir des têtes.

A l’entrée du château, le peuple le laissa avancer, seul. Les soldats le regardèrent avec soulagement et respect. Il entra dans la cour et fit un tour d’horizon du château de son enfance. Il remarqua une silhouette dans de grands manteaux de fourrure regarder son arrivée du haut d’un balcon du donjon. « Père ? » Il sentit son ventre se nouer et une brûlante envie de pisser l’assaillir. Aucun protocole n’avait été prévu mais Liudmark n’avait pas besoin de beaucoup de protocoles. Trois cents hommes en garnison le saluèrent d’un coup en tapant de leur lance sur le sol provoquant un boucan qui se répercuta sur les murs.
Les remparts était garnis d’hommes en arme tous les dix pas. Chacun arborait la même cape ocre et noire, la même armure cuirassée et le même casque oblong. Chacun semblait bouger au même rythme que les autres. Il se rappela avoir voulu être l’un d’eux quand il était plus grand et le mal que lui faisait son père quand il le traitait de vers de terre sans force, de machin inutile qui ne pourrait même pas servir de larbin aux soldats. Le seigneur et roi de Liudmark allait avoir un fameux choc en retrouvant son fils. Les chevaliers de Saint Royan étaient les plus grands chevaliers du royaume, certains les disaient invincibles, difficiles à battre c’était certain, leurs faits d’armes étaient légendaires. C’était eux qui avaient vaincu Golthor le roi dément et eux encore qui avaient fait tourner la bataille des roses en la faveur des cités libres. Des rumeurs courraient même sur une soi-disant immortalité ce qui était stupide quand on était au courant des habitudes de son ordre mais le prestige était tel que les chevaliers étaient respectés, partout et par tout le monde, même les rois. On ne plaisantait pas avec le dieu de la justice surtout quand ses représentants avaient un tel soutien populaire.
Guylhom ne se sentait pas à l’aise, son père n’était pas quelqu’un de facile et apparaître ici pour lui demander des renseignements sur ce Aelor risquait de le mettre de fort mauvaise humeur.
Il continua d’avancer, les portes s’ouvrant devant lui. Ici les gardes ne s’agenouillaient plus, pendant leur quart leur allégeance allait d’abord envers leur seigneur et maître.
Difficile dans un environnement très protocolaire d’avoir un moment pour aller se soulager la vessie. Il serra les fesses et continua son chemin vers la salle du trône. Un intendant lui ouvrit la porte et les nobles et courtisans de la région se levèrent. Ils hésitèrent, surpris. Leurs journées se limitaient à tenter d’avoir une faveur du roi quand celui-ci était d’humeur. Voir débarquer un chevalier de Saint Royan à l’improviste, invalidait tout leurs plans pour la journée. Il avait préséance sur eux. Les premiers lui firent un signe de tête et puis se sentirent gênés quand une noble d’un certain âge s’agenouilla. S’ensuivit une belle pagaille, les nobles se regardaient, certains restant debout, d’autres commençant à s’agenouiller puis se relevaient quand ils voyaient qu’ils n’étaient pas suivis. Au final, seuls les plus anciens lui avaient témoigné le respect dû. Certains jeunes n’hésitaient même pas à froncer du nez en le regardant d’un air narquois. « Je dois puer le cheval. » pensa Guylhom, souriant presque.
Le roi aussi mis un temps à venir, mettant autant mal à l’aise les nobles assemblés que Guylhom qui avait l’impression que sa vessie allait éclater.
Enfin on lui demanda de monter aux appartements du roi.

Celui-ci était dos à lui, un grand manteau en peau de loup lui couvrait les épaules. Il faisait semblant d’étudier quelque papier face à son étude. Guylhom sourit, son père faisait souvent ça quand il était jeune sauf qu’à l’époque il l’attrapait d’un coup en le traitant de canaillou et le faisant tourner au dessus de ses épaules. Enfin, avant qu’il n’estime que son deuxième fils était un faible.
- J’ai déjà payé la putain de dîme à votre foutu monastère cette année. commença le monarque.
Guylhom perdit son sourire sous l’insulte. Jamais un chevalier de Saint Royan ne serait venu pour collecter une simple dîme.
- Je n’aime pas non plus qu’on interrompe les affaires de cours et qu’on jette le désordre en ville avec des conneries superstitieuses.
Guylhom en avait entendu plus qu’assez.
- Mais, je ne compte pas vous déranger longtemps...Père !
Frederik II se retourna d’un coup, la surprise inscrite sur son visage. Il avait vieilli. Beaucoup vieilli en dix-sept ans. Ses cheveux étaient maintenant blanc et non plus gris. Ils étaient longs et clairsemés sur les côtés. Il avait aussi perdu du muscle mais gagné en poids. Son visage s’était relâché, les faisant de grosses bajoues et un double menton. Pourtant ses yeux bleus acier étaient toujours aussi impressionnants.
- Par la Sainte Pute ! Guylhom.
Il hésita une seconde, probablement assailli par les souvenirs et puis se refit un masque impénétrable.
- Tu as fini par devenir un homme alors.
- On dirait.
- Ta mère a beaucoup pleuré tu sais comme elle était sensible mais j’ai pu éviter la dîme pendant près de dix ans ainsi.
- Mère est morte ?
- En couche à la naissance de ta soeur. Il haussa les épaules résigné.
- J’ai une soeur ?
demanda Guylhom les yeux écarquillés.
Le roi souri et s’esclaffa d’un coup.
- Toujours le même petit salopard curieux. Allez assieds toi et viens boire un coup, t’as du suer de la pisse dans ton armure jouet.
Guylhom grimaça mais laissa passer l’insulte. Son père parlerait mieux s’il était de bonne humeur.
- A propos, je peux ? demanda-t-il en désignant le pot de chambre.
Le roi rit encore en le traitant de pisseux mais semblait vraiment content de le voir. De toutes les fois où il avait rêvé de revenir à la maison jamais il n’avait espéré que ce put se passer si bien.
Ils parlèrent près de trois heures ainsi de la famille et de tout ce qui s’était passé depuis son départ au monastère. Jamais le roi n’émit le regret de l’y avoir envoyé mais Guylhom ne savait pas si lui même le regrettait vraiment, il avait pleuré au début bien sûr. Mère surtout lui avait manqué et lui manquerait toujours mais cette vie dans les livres lui avaient beaucoup plus que la vie martiale à laquelle il était normalement destiné.
- Et Florian ?
- Ton imbécile de frère se porte bien, il dirige les armées à l’est. Il y’a eu quelques problèmes dernièrement et ça lui permet de ne pas tourner comme un lion en cage. C’est un connard arrogant, tout comme moi quand j’étais jeune. A l’écouter envahir les royaumes du Sud est une affaire de jours et c’est de ma faute qu’on a perdu il y’a vingt ans. Bah. On se gueule souvent dessus mais il se calmera avec l’âge.
- Une guerre en vue ?

Son père le regarda une seconde, hésitant. Et puis répondit avant d’engloutir le reste de bière.
- Y’a toujours une guerre en vue ici, tu le sais bien. On se ferait chier sinon. Et toi ? Je croyais que ces crabes de moines avait nommé un chevalier blanc y’a dix ans.
Une servante s’empressa de remplir les choppes à nouveau.
- C’est le cas. J’avoue que je ne sais pas pourquoi on m’a choisi ni pourquoi il y’a eu une nouvelle nomination.
Son père fit la grimace, visiblement déçu que ce ne soit pas les efforts de son fils qui en avait fait un chevalier.
- A vrai dire, je fais ce qu’on me dit, ce qui explique un peu ma présence ici.
- Me doutais que y’avait anguille sous roche. dit le roi se relevant et renversant la moitié de sa bière dans un mouvement large. Alors vas-y crache, c’est quoi cette fois ?
- Je sais pas trop, on m’a juste donné un nom. Aelor.
- QUI ? QUI T’AS DONNE CE NOM ?
- Je...peu importe.

- Peu importe tu dis, peu importe. Ce salopard Aelor ressort toujours au plus mauvais moment. Il y’a un ans pas un cul de paysan n’avait entendu parlé de lui et depuis qu’il est apparu y’a plus que des mauvaises nouvelles.
Guylhom ne savait pas si son père le considérait comme ou mauvaise nouvelle ou s’il faisait référence à d’anciens déboires. Il laissa son père parler.
- Aelor a pris le contrôle de Pylos, Aelor vous envoie la tête de vos espions, Aelor a rasé Palis, Aelor est un dieu, Aelor et ta soeur. J’en ai marre d’entendre ce nom, je veux sa putain de tête.
« Nous aussi » l’irruption de la voix le fit sursauter et renverser sa bière sur le sol recouvert de paille.
- Tu sais où il est ?
- Non, ce fou prétends être un mage noir, comme s’il y’avait jamais eu des mages. Il a débarqué dans les cités libres il y’a un an à peu près. Aux dernières nouvelles, il entrait en territoire Burgans après avoir rasé tout sur son passage. Je lui souhaite bien du plaisir avec ces sauvages.
- Rasé ? Tout seul ?
- Non évidemment, te faire sodomiser par les moines t’as rendu con ?

Guylhom grinça des dents mais son père n’y fit pas gaffe.
- Je ne sais comment ce dément a pris le contrôle de Pylos et il a commencé à augmenter les taxes. Ton imbécile de frère n’a rien trouver de mieux de menacer les cités libres d’une incursion punitive s’ils ne remettaient pas les taxes au niveau normal. On a trop besoin des denrées des îles d’été.
J’aurais pu arranger le coup avec les anciens dirigeants mais Aelor à estimé que les cités libres devaient se débarrasser de l’hégémonie de ses voisins blablabla de la merde en boîte.
Bref il leur a fait lever des troupes et les a lancer directement à travers le nord sans entrainement. Il a rasé la cité de Palis. Pas un putain de survivant. Et il a continué sa route. Ton frère l’attendait de pied ferme dans les collines Priannes mais non cet imbécile a continué vers le nord et a disparu en territoire Burgans. Je sais même pas pourquoi. Mes espions qui le suivaient ont tous disparu. Bref j’en sais rien mais je me doute que cet imbécile compte revenir un jour de la frontière et tenter de nous prendre par surprise d’où la présence de ton frère à l’est.

Le roi avala sa bière d’une traite et jeta la choppe au feu. Il était en colère et son double menton tremblait.
« cinq milles hommes devraient suffirent, prends les et trouve Aelor, il ne doit pas revenir.» Guylhom sursauta à nouveau mais plus discrètement.
- Je...il ...Je
Son père leva les yeux, surpris de le voir encore présent. Guylhom s’humecta les lèvres sachant que la suite ne serait pas une partie de plaisir.
- Donne moi cinq milles hommes et je trouverai Aelor.
- Tu te fous de moi ?
- Non, je dois le trouver et l’empêcher de revenir.
- Débrouille toi tout seul, éclopé de moinillon de merde. Vous avez quoi ces jours-ci ? Tu veux que je te fasse un dessin de ce qu’est le GRRAAAND royaume de Liudmark ces jours ci ?
Ta putain de soeur qui disparait, Kylios Ier de mon cul qui m’accuse d’avoir enlevé la sienne, des putains de brigands qui ont décimés les patrouilleurs de la frontière Sud et qui sont probablement à la solde de l’autre débile du Sud. Les Cités libres qui refusent tout commerce et se préparent à la guerre. Tu crois que je peux me passer de cinq milles putains d’hommes ??? J’en ai six milles là dehors, pas un peyot de plus, j’ai beau baiser toutes les servantes du royaume j’peux pas faire des soldats plus vite !

Guylhom sentit la colère monter à lui mais ce n’était pas la sienne pourtant il se leva et parla sous son effet.
- Tu vas me donner ces putains de soldats que tu le veuilles ou non. On a toléré tes frasques suffisamment longtemps. On a même fermé les yeux quand tu as détruit le Saint Sacré. Je suis un CHEVALIER DE SAINT ROYAN ! et tu vas m’obéir si tu veux qu’on se souvienne qu’il y’a jamais eu un roi en Liudmark.
Frederik II eut probablement peur pour la première fois de sa vie. Il se maudit de s’être laissé attendrir par un homme qu’il croyait être son fils. Il se maudit d’avoir cru être plus malin que les prêtres.
Des gardes étaient rentrés mais n’osaient pas bouger. Qu’auraient-ils pu faire de toute façon ?
Guylhom réalisa qu’il avait sorti son épée, l’air semblait crépiter autour de lui et dans le soleil couchant semblait avoir été préparé pour cet instant. On le voyait pas la fenêtre dans son dos, il illuminait l’armure d’une teinte rouge sang.
Le roi s’assit d’un air épuisé.
- C’est toi que j’aurais dû choisir comme héritier. Tu le ferais vraiment n’est-ce pas ?
- Je....Oui. Je suis désolé.

- T’as pas à l’être. Toute ma vie j’ai rêvé d’un fils comme toi et j’ai même pas réalisé que je l’avais, j’aurais du m’en douter, ta mère aussi était terrible quand elle s’énervait. La seule à m’avoir jamais mis à genoux. Il sourit d’un air triste. Prends les tes hommes, va ! Les brigands attendront bien encore quelques mois. Envoi moi la tête de ce salopard ça me fera plaisir.
Le roi se retourna et partit vers sa chambre. Guylhom se demanda s’il était en train de pleurer, lui même n’en était pas loin. L’alcool lui avait monté à la tête et lui réchauffait les joues. Il se sentait épuisé. Il se laissa mener vers ses quartiers et s’écroula en armure sur le lit.


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mardi, août 28, 2007

Le Vengeur - Chapitre 14. Orlamund - Le Viol

!! Je tiens à prévenir les lecteurs que certains passages du chapitre suivant peuvent choquer les âmes sensibles !!
J'ai longtemps hésité à passer le pas. Il me semblait important qu'Orlamund soit révélée via un moment marquant de sa vie et je tiens à décrire les moments importants de la vie de mes personnages. Bref voilà, ça plaira ou pas, tant pis :) mais sans vouloir trop en faire je ne voulais surtout pas m'auto censurer, les choses sont telles qu'elles sont dans un monde difficile.

Musique d'inspiration: Corvus Corax - Qui Nous Demaine

Chapitre XIV. Orlamund - Le viol

Au début, il n’avait fait que la tirer par les cheveux et la frapper. Son cuir chevelu s’en souvenait encore.
Devian l’avait battue encore et encore pour qu’elle se taise alors que c’étaient ces mêmes coups qui la faisaient crier et pleurer. Elle s’était évanouie bien avant qu’il ait finit, la lèvre en sang et les joues brûlantes.
La nuit avait été courte et son tortionnaire avait voulu garder l’avantage sur leurs poursuivants qui devaient encore se demander où ils étaient passés. Le sol s’était fait pierreux à l’approche des Dents de Saints et compliquaient probablement la tâche des pisteurs.
Orlamund avait froid sous sa robe déchirée ce qui l’avait rendue fiévreuse. L’épuisement et l’accumulation de situations difficiles avaient eu raison de sa résistance. La fraicheur des nuits montagnardes l’avait achevée. Elle avait eu droit à une autre bastonnade la première fois qu’elle avait éternué depuis elle essayait de ne pas faire de bruit quand ça la prenait.
Elle n’avait pas pu se lever le lendemain et après l’avoir frappé du pied, Devian s’était résigné à faire un feu et à attendre qu’elle aille mieux. Il avait mis ce temps à profit pour dénicher de la nourriture. Il ne voulait pas qu’elle meure, elle en était certaine.
Elle avait déliré toute la journée, se retournant encore et encore sous la petite couverture de selle. Elle se réveillait parfois en sursaut se croyant encore dans la malle. Devian lui faisait boire de l’eau glacée qu’il avait trouvée dans un ruisseau non loin. Tout en prenant soin d’elle à contre-coeur, il marmonnait maintenant dans sa barbe « T’vas pas me clamser dans les patt’ maint’nant petit oiseau, Devian doit encore t’faire payer...oh oui r’prends des forces ! »

Elle se vit au château de son père, le ciel était oppressant, bleu sombre de gros nuages s’accumulant au dessus d’elle. Les arbres étaient tous morts et lentement des formes entrèrent dans les jardins. Son père se tint alors devant elle, les yeux laiteux, son visage fin aux pommettes saillantes pointait vers elle lorsqu’il dit « Catin ! ». Elle voulu lui répondre mais elle ne pouvait pas, ses mouvements étaient lents et lever son bras lui semblait impossible comme si elle était désertée de toute force.
Tous les occupants du château se levèrent de l’ombre, Vance aussi était là. Elle voulu avancer vers eux, son pieds se souleva lentement comme s’il était emprisonné dans la boue. Elle avança en mobilisant toutes ses forces mais n’arriva pas à s’approcher plus.
Tout ceux qu’elles connaissaient alors levèrent le bras et reprirent en coeur et sans fin l’accusation : « Catin ! Catin ! Catin ! Catin ! » Elle sentit les larmes chaudes lui couler sur le visage et elle répondait « Non » faiblement. Et pourtant, elle sentait le désir lui monter des entrailles, elle ressentait à nouveau ce qu’elle avait senti auprès de Vance lorsque ses mains la caressaient. Elle gémit et sentit le rouge lui monter aux joues. En pleur, rageuse elle leur répondit :
- Ce n’est pas ce que vous croyez ! Je l’aimais !
- Catin ! Catin ! Catin ! répondirent les voix.
Elle se tordit, consumée entre le chagrin et le désir. Elle étouffait dans ses vêtements. Elle voulait s’en libérer, s’envoler, se sentir enfin libre, laisser son coeur sortir de sa malle.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux, Devian était installé au dessus d’elle. Elle sentait l’air froid sur ses jambes, il avait relevé ses jupes et était occupé à la toucher entre les jambes, là où elle sentait la chaleur. Là, où se trouvait son inimité. Par réflexe, elle lui envoya son talon dans la figure et s’accroupit, les bras autour des jambes, choquée. Il se releva, de l’amusement dans les yeux et ricana en se frottant la joue.
« Hin hin hin ! J’savais que t’allais aimer ça, catin ! »
S’en était trop pour elle, dans un cri rageur, elle se jeta sur lui les ongles en avant, cherchant à lui déchirer son horrible visage de fouine. Elle ne sut pas vraiment si ce qui lui arriva ensuite fut pour la punir de l’avoir balafré la joue ou si elle avait encore plus exacerbé le désir de ce malade en se rebellant mais une fois maitrisée il la prit là, à même le sol.
Il lui tint les poignets dans le dos d’une main en continuant à la traiter de tous les noms. De l’autre main il releva ses jupes en jurant encore plus. Elle avait le visage pressé contre le sol, des graviers lui rentrait dans les joues et de la poussière dans les yeux. Elle criait mais ne s’entendait même pas tellement elle était terrifiée.
L’air frais qu’elle sentit sur ses fesses ne fut rien comparé au dégoût qui la prit lorsqu’elle sentit le membre durcit de Devian pointer contre sa peau. Elle n’en avait jamais vu mais savait pertinemment ce qu’il essayait de faire, cela faisait des semaines qu’elle le craignait maintenant. Lorsqu’il la pénétra, elle eu mal, elle se sentit déchirée de l’intérieur, écartelée. Elle avait l’impression qu’il lui enfonçait un gros vers chaud qui fouaillait dans son ventre. Elle le sentit bouger et s’enfoncer plus profondément malgré ses efforts pour le repousser.
Lorsque Devian poussa plus loin en elle, elle cria. Elle cria, encore, la poussière lui rentrant dans la bouche. Les poussées de l’homme lui faisaient racler le sol de sa tête, la faisant glisser en arrachant les cheveux pris sous son poids. Elle se maudit et sentit une profonde haine d’elle même car son sang facilitait le travail du violeur. Soulagée, elle le sentit glisser hors d’elle mais lorsqu’il replongea en elle, jubilant et la traitant de salope, elle se sentit littéralement expulsée hors de son corps.

Un instant, elle eu froid, très froid, pourtant elle se sentait libérée. Elle fut étonnée que tout s’arrête ainsi. Toute sa haine, sa peur et son dégoût avaient disparu. Pour la première fois depuis des semaines (une partie d’elle pensa « depuis toujours ? ») elle se sentait vraiment libre. Elle regarda alentours, s’émerveillant de la beauté de la montagne la nuit. La lune se reflétait sur les monts enneigés et l’air sentait bon la terre humide. Elle sourit. Son sourire s’effaça lorsqu’elle se retourna.
Devian était là, en train de « travailler » son corps. Un instant elle ressentit de nouveau de la colère mais celle-ci s’évapora. En même temps, la scène était comique. L’homme avait un visage crispé, concentré, son pantalon abaissé sur ses fesses blafardes lui donnait vraiment un air stupide et ses mouvements de va et vient apparaissaient comme un tic nerveux.
Même pas étonnée, elle s’observa ensuite. Son visage était inexpressif, ses yeux gris ouverts regardaient fixement devant eux. Elle était contusionnée et sale, le visage maculée de boue, de larmes et de poussière.
Ses cheveux bruns en bataille, remplis de noeuds ne lui donnaient pas bel air. Et pourtant elle se trouva belle, elle avait un port noble, des traits fins aux courbes douces et des lèvres qui avaient du sourire dans une autre vie. Elle décida alors de mettre fin à cette mascarade.

Il cria, il cria même plus qu’elle. Il pleura aussi. Pourtant il n’y avait aucune violence dans les gestes d’Orlamund. Elle laissait ses mains faire, doucement presque avec tendresse, comme des mains de femmes. Pourtant elle se doutait que se faire arracher la peau à vif devait faire mal. Il n’avait pas l’air beaucoup plus intelligent maintenant qu’auparavant. Elle se demanda même comment elle avait jamais pu avoir peur de lui. Par facilité, elle avait commencé en lui tirant doucement la peau des épaules, elle s’était détachée comme une pelure d’orange. Un petit bruit de déchirement se faisait entendre et elle gloussa lorsqu’elle réalisa que le corps ne réalisait pas de suite qu’il fallait saigner. Elle avait largement eu le temps de voir les muscles avant que le sang n’afflue.
Du sang maintenant il y’en avait partout. Le corps d’Orlamund en était recouvert, le sol aussi mais cela ne la dérangea pas. Devian s’était relevé, avait tenté de se débarrasser de ce qui lui arrachait la peau. Il essayait maintenant d’empêcher celle-ci de s’enfuir. Apparemment c’est le ventre qui lui fit le plus de mal. La statue de muscles et de sang s’écroula avant qu’elle n’aie fini. Le blanc des yeux exorbités sur un épouvantail rouge. Elle termina le travail cependant.

Elle s’occupa ensuite de son corps amorphe. Elle le porta au ruisseau et le nettoya. Elle ne put rien faire pour la robe, elle était imprégnée de sang et gardait une teinte rose. Elle récupéra ce qu’elle pouvait dans le camp de fortune et couvrit son corps du mieux qu’elle le put. Elle y insuffla de la chaleur sans oser le réintégrer encore, elle le savait meurtri, souillé. Cette coquille vide lui faisait pitié et un peu peur aussi. Qu’était-il donc arrivé ? Elle n’arrivait pas bien à se concentrer, les bouffées de sentiments qu’elle pouvait ressentir étaient balayés tels des souffles d’airs. Elle passa donc encore un peu de temps à expérimenter sa nouvelle forme. Elle prit son envol et survola les alentours. Elle se sentait bien et tourna ainsi en rond pendant un long moment.
Un peu par hazard, elle tomba sur les soldats des royaumes qui avaient tenté de la libérer auparavant. Elle s’en approcha. Il n’était pas loin mais avait pris la mauvaise direction pour la rejoindre. Dommage, ils auraient peut-être pu sauver Orlamund. Elle fut surprise de penser à elle à la troisième personne. Si son corps était Orlamund, qui était-elle ?
Deux formes étaient allongées en train de dormir. Deux autres discutaient à voix basse près d’un faible feu de brindilles. Elle s’approcha encore, s’installant en tailleur entre eux.
- Tu crois qu’on la retrouva ? murmura l’un avec un air abattu.
C’était un jeune soldat, assez bien de sa personne, les cheveux courts et un bouche pleine.
- Mmmph, chûr. répondit l’autre
Il n’était pas convainquant du tout et n’y croyait probablement pas lui même. Celui-ci était un vétéran, un air de parenté semblait les lier même si l’âge avait pris son du sur ce soldat. Il lui manquait des dents et un morceau de nez. Ses yeux étaient profonds et il gardait une oreille attentive tout en parlant calmement.
- Elle est si belle.
- Ni pour toi, m’neveu. Ch’t une nob’ et une princhesse en pluch. S’ni pour toi. T’ferrais mieux de t’en souvenir avant d’sauter dans l’eau à nouveau.
- Je sais, je suis désolé
soupira le jeune homme.
Elle le trouva touchant et lui caressa les cheveux.
Il frissonna.
- C’était qui ces types de toute façon ?
- Des p’tains de fanatiques, pas des brigands c’est sûr. Z’avaient ‘cune chanch mais z ‘ont qu’même bazardé Joffrey et Ruch.

Au souvenir du combat, l’homme grimaça en tenant son bras. Orlamund remarqua qu’il était blessé et que sa blessure devait le démanger sous le bandage. Elle l’apaisa d’un geste.
- Les questeurs sont chûrs qu’y viennent de l’mark mais va chavoir, chi on attrape le dernier va’l regretter l’jour où l’est venu à s’monde, t’el dit.
- Liudmark ? mais ça voudrait dire la guerre ?
- Alors ? N’est payé pour cha t’façon.


Elle les laissa disserter entre eux et repartit trouver son corps. Le contact, même bref, avec des personnes qui ne lui voulaient pas de mal lui avait fait du bien et elle se glissa enfin dans son enveloppe corporelle.
Orlamund se releva en aspirant l’air goulument. Elle se sentait courbaturée et encore un peu fiévreuse mais le pire était la souillure, elle l’avait rattrapée. Elle regarda autour d’elle et heureusement n’était pas en vue du corps de Devian. Malgré tout ses nerfs lâchèrent et elle pleura.
Au petit matin, elle se lava encore une fois au ruisseau même si elle savait que rien n’enlèverait cette sensation de sentir encore des mains sur son corps et ce...cette chose en dedans.
Princesse ? Elle ne l’était plus, son père ne lui avait-il pas dit que si elle se déshonorait elle finirait ses jours au couvent ? Catin ! Voila ce qu’il lui dirait. Elle n’était pas prête à l’entendre, pas encore une fois.
Le Liudmark la voulait ? Son père la renierait? Il ne lui restait qu’une seul échappatoire : les Cités Libres. Il lui suffirait de suivre la ligne montagneuse vers le nord est et elle arriverait à la frontière, là bas la ville de Pylos serait une première étape.
Elle partit donc, résolue de choisir sa vie cette fois.


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Le Vengeur - Chapitre 13. Saymar - Le Marchand

Bon au vu de mon rythme d'écriture et de l'état actuel du blog, j'ai décidé de poster les chapitres dans l'ordre d'écriture et non plus dans l'ordre de lecture. Veuillez m'en excuser. Celà devrait s'améliorer pour le cycle suivant qui devrait voir plus d'interactions entre les divers personnages.

Revoici donc Saymar qui petit à petit fait son nids

Chapitre XIII. Saymar

Les choses ne s’étaient pas si mal déroulées le mois passé. Près de quarante personnes les avaient rejoints suite à leur précédent succès. Saymar sourit, les trente pouilleux qui avaient assassinés deux cents soldats dans leur sommeil s’étaient transformés en cent fiers guerriers qui avaient punis les Liudmarkiens pour l’enlèvement de la princesse. C’est à peine si Saymar savait qu’il y’avait une princesse dans le royaume et à vrai dire il s’en foutait.
La capacité des gens à tout embellir et à tout gober le fascinait. « Bande de cons » mais il continuait à sourire car ça faisait bien ses affaires. Après tout c’était lui le chef de tout ce petit monde.
Sa tente était maintenant plus que confortable. Un ébéniste de la région du Val faisait des meubles admirables. Son abri de fortune s’était vite métamorphosé en un chez-soi mieux fournis que son ancienne maison. Pourquoi se priverait-il, après tout que feraient ces gueux sans lui ?
Son frère pénétra dans la tente, douchant l’enthousiasme de Saymar et lui remémorant les autres problèmes que cette affluence avait causés.
Toutes ces nouvelles bouches à nourrir alors que les paysans du coin désertaient les champs en plein été, voilà ce qui allait vite devenir une préoccupation de chaque instant. Les fermiers semblait plus fuir la région par peur des représailles que désireux de rejoindre leurs rangs. Ces représailles, Saymar les attendaient toujours. Il s’était attendu à un renforcement des patrouilles et à quelques pendaisons dans le coin pour faire bonne figure mais non. Rien. Le calme plat. Les patrouilles s’étaient retirées et le moindre convoi était tellement gardé que ça en était ridicule.
D’ailleurs ce n’était ni bon pour les provisions, ni pour le moral. L’oisiveté n’apportait que des soucis, il était temps que les choses changent.
La logistique n’avait jamais intéressé Saymar mais là il n’avait plus le choix. Si les villageois alentours ne fournissait plus la nourriture et qu’on ne pouvait pas la voler aux Liudmarkien il allait falloir la trouver autre part dès que les stocks toucheraient à leur fin. Il n’allait pas la chier non plus, en même temps ça les changerait pas beaucoup. « Ragoûts, ragoûts et encore des ragoûts, de la merde que tout ça ! ».
Pour une fois Pilton ne venait pas l’emmerder avec des petits bobos, les choses allaient peut-être s’améliorer tout compte fait. Il attrapa son baudrier et le fixa à sa taille. « Préviens les hommes, on va pas rater l’occasion cette fois. ». Pilton s’éloigna en boitillant, Saymar en avait presque pitié. Ce type avait presque tout perdu la nuit de l’attaque, il ne s’en était sorti de justesse avec une jambe qui ne guérirait probablement jamais et en plus on lui reprochait les morts comme s’il avait été l’instigateur du plan. Saymar recevait les louanges et Pilton les remontrances, pas si mal d’avoir un frère en fait.

Il sortit de la tente et regarda sa maigre troupe s’assembler. Les pouilleux d’avant avaient maintenant l’air de dur à cuire et les nouveaux ressemblaient à des enfants dépenaillés. Ils avaient ramenés quantité d’armes et d’armures du camp ennemis mais ça n’empêchait pas que la plupart de ces pièces n’allaient pas à ses hommes. L’un avait un casque qui n’arrêtait pas de lui tomber sur les yeux, l’autre une cuirasse en cuir qui flottait sur son maigre torse. « Bah ! »
En fait ils semblaient tous trop maigres et c’était probablement la faim et la stupide idée qu’ils pourraient en retirer quelque richesses qui les avaient attirés ici.
Ils partirent après un court débriefing, Haytor veillait au grain pour empêcher les hommes d’être distrait par les adieux. Des femmes seraient leurs jupes dans les mains d’un air inquiet. Y’en a même une ou deux qui pleuraient. « Pathétique ! » pensa-t-il. Au final, il y’avait moins de problèmes avec les femmes soldats, elles excellaient dans leur domaine et ne s’embarrassaient pas de sentiments.
Deux d’entre elles avaient échangés les casseroles pour des arcs. Il y’avait eu quelques grincements de dents mais Saymar n’allait pas se priver de bons soldats pour respecter les convenances. Comme si c’était convenable de vivre dans les bois et de n’en sortir que pour égorger quelques soldats qui n’avaient rien fait à personne.
Il regarda les fesses de Laurra qui courait devant lui, il avait vraiment pris une bonne décision des filles en pantalon de cuir ça faisait un fameux effet. Ce n’était pas rare qu’il reçoive une visite de « courtoisie » dans sa tente, même certaines veuves ne s’était pas fait priée. Il commençait décidément à bien aimer cette vie dans les bois. Laurra était une mangeuse d’hommes, faut dire qu’elle était jolie. Il se doutait cependant qu’elle ne venait pas que le visiter lui et ça l’embêtait un peu, il « Po envie de ramasser la chtouille » rumina t’il.
Ils passèrent devant les corps mutilés des soldats Liudmarkiens qui s’étaient rendus. Ses ardeurs douchées, il frissonna. « Pas eu le choix, désolé ! ». Il était vraiment désolé pour eux ! La culpabilité le rongeait brièvement chaque fois qu’il les croisait.

Sur les vingt et un soldats qui s’étaient rendus, huit avaient acceptés de les rejoindre. Les autres avaient choisis la liberté. Enfin ça c’est ce qu’il leur avait promis, douchant l’enthousiasme de ses compagnons et amenant une levée littérale de bouclier rien qu’en prononçant ce mensonge.
Les douze autres avaient été escortés à l’écart et puis attachés à des arbres en bordure de la forêt. On avait laissé les veuves et les assoiffés de vengeance s’occuper d’eux. Certains corps avaient le ventre en charpie, d’autres avaient agonisés des heures les yeux percés, suppliants et criant dans l’aube. Saymar avait ordonné qu’on mette fin à leur souffrance après qu’il eut réalisé que ça l’empêcherait de dormir. Tous eurent la gorge tranchée. Les corps, attachés aux arbres avec du lierre avaient été mis en scène pour former une sorte de barrière macabre. Un avertissement à toute patrouille qui oserait s’aventurer dans leur domaine. Sur les huit qui étaient restés, trois tentèrent de s’enfuir dans les jours qui suivirent. Leurs corps se décomposaient avec les autres. Les cinq autres semblaient avoir compris la leçon.

S’éloignant enfin de la puanteur du massacre, ils se placèrent à la lisière dans les sous bois. Une pente abrupte dévalait jusqu’à la route commerciale. Il divisa ses troupes en deux, les archers montèrent dans les arbres, les autres se tapirent dans les fougères et les ronces. Et puis, ils attendirent.
La caravane avait été repérée il y’a une heure à plus d’une dizaine de kilomètres à l’ouest, elle ne devrait donc pas tarder. Ils l’entendirent d’abord, les cliquetis des armes et le « crouic-crouic » des roues de chariots. Une vingtaine de soldats pour un seul chariot. Apparemment la nouvelle tactique liudmarkienne était de faire des convois insignifiants pour tester la sécurité des routes. Un seul chariot bâché, même s’il était remplis de bouffe ça ne les feraient pas tenir plus d’une semaine. Pour ce que Saymar en savait celui-ci pouvait tout aussi bien être remplis de chandelles.

Il donna le signal, les flèches se mirent à pleuvoir sur les soldats montés alors que les hommes de Saymar dévalaient la pente se plaçant devant le chariot pour empêcher le passage en force.
Les soldats tentèrent de se regrouper derrière le véhicule à l’abri des projectiles. Le conducteur était cloué sur son siège par une flèche et gueulait comme un putois. Une autre lui transperça la gorge faisant gicler un petit filet de sang. Une dizaine de chevaux gisaient au sol et ruaient violemment. Il vit un fantassin se faire arracher la mâchoire par un sabot, tournoyer sur lui même et rester prostré debout pissant le sang. Un autre cavalier fit un vol plané de plusieurs mètres lorsque son cheval trébucha sur un cadavre. Saymar aurait juré avoir entendu le craquement de sa nuque à l’atterrissage.

Etrangement calme, il plaça trois lanciers en première ligne, accroupis pendant que les autres faisaient tournoyer leurs frondes. Dans une impasse, les liudmarkiens se mirent à courir vers eux, armes au clair. Les frondes lâchèrent leurs pierres. Quatre hommes tombèrent et furent piétinés par les autres. Les flèches se remirent à pleuvoir transformant trois autres en hérissons. Le reste s’égailla dans tous les sens, deux privés de leurs chevaux tentèrent de s’enfuir à travers champs. Un blessé se releva et fit quelque pas sur la route avant d’être criblé de flèches. Les deux derniers chargèrent bravement les hommes de Saymar. Sans les lances ils auraient probablement fait un carnage au corps à corps mais ils ralentirent, tentant d’éviter les pointes. L’un reçut une pierre à l’épaule ce qui laissa le temps à Haytor de l’embrocher proprement. Lorsque celui-ci retira la lance les intestins suivirent. L’autre avait réussi à toucher un lancier et se battait avec l’autre au corps à corps. Lentement pour être sûr de ne pas rater son coup, Saymar approcha et lui planta sa dague plusieurs fois dans le dos. Elle crissa deux fois contre la cotte de maille, à la troisième elle passa et mis fin au combat.
Il ne restait qu’un seul survivant, qu’on apercevait au loin, courant comme un dératé. Trop loin pour être abattu. Saymar pesta. Il fit signe à deux de ses comparses de le prendre en chasse. Avec un peu de chance, ils l’élimineraient et empêcheraient l’ennemi d’en apprendre plus sur eux.
Les autres se promenaient parmi les corps, achevant chevaux et hommes. Détroussant ce qui pouvait être utile. L’un d’entre eux était carrément assis sur une carcasse de cheval en train d’essayer des bottes prises à un cadavre.
L’agitation régnait à l’arrière de la carriole et il s’y rendit.
Ce qu’il y trouva ne le réjouit pas. Pas d’or, pas de nourriture, quelques affaires personnelles et une jeune fille terrorisée, pointant vers eux un couteau ridicule. Apparemment, les hommes avaient essayé d’en faire un butin car sa robe était déchirée sur son épaule. L’un d’entre eux se tenait la main en l’insultant « Chti’te salope, t’vas payé ! ». Saymar le foudroya du regard jusqu’a ce qu’il cesse et se retire en maugréant.

La mère ou la gouvernante de la fille était étendue sur le sol du fourgon, une flèche plantée dans le dos. « Bah du gâchis ». Saymar n’aimait pas les morts inutiles. La fille était en pleur, secouée de hoquets, la morve dégoulinant de son nez et la bouche entre-ouverte sur un filet de bave. Pas très ragoutante comme ça.
- Poussez-vous laissez la respirer bande de barbares.
- Chef on peut pas la laisser vivre, c’est une vraie démone !

Il poussa la grande gueule de côté et regarda la fille.
- Petite ? On va pas te faire de mal. Je te le promets.
Que pouvait-il bien lui dire ?
- Désolé pour...la dame. Un accident, c’était ta mère ?
- Mon père ??? OU est mon père ? ASSASSIN ! SALAUD !

La fille se jeta sur lui bras en avant, laissant tomber son couteau, elle tenta de lui griffer le visage.
Les autres lui attrapèrent les bras et la jetèrent dehors par terre. Saymar mit du temps à comprendre qu’elle parlait probablement du conducteur.
« Verte Couille, savez pas faire doucement ? »
Deux hommes lui maintenaient les bras, elle cracha sur eux, tenta de leur donner des coups de pieds et puis s’affaissa brusquement avant de se remettre à pleurer.
- Que quelqu’un aille me chercher Laurra.
Il s’approcha de la fille, demanda aux autres de la lâcher.
- Tout le monde est mort à part toi. Tu peux me haïr pour ça si tu veux mais ça va pas changer grand chose. On ne voulait tuer aucun civil, on avait juste besoin du contenu du charriot. Contre des soldats on n’a pas le choix, il faut attaquer par surprise et frapper fort. Cn va pas demander gentiment si on risque pas de blesser quelqu’un avant d’attaquer. Bien sûr y’en a qui crèvent mais on a besoin de nourriture pour survivre, je suppose qu’il y’en a pas dans le charriot mais on pouvait pas le flairer. Tu vas venir avec nous, on ne peut pas te laisser partir, mais tu seras bien traitée.
La fille n’avait pas donné l’impression qu’elle l’écoutait mais ses soubresauts s’étaient faits plus faibles.
Il se leva et demanda à Laurra de s’occuper d’elle.
- Embarquez ce qui peut nous servir, brûlez le reste.
Pourquoi fallait-il toujours qu’il y’ait un goût amer après chaque bataille ?

Le butin était maigre, quelques bijoux, quelques vêtements de bonne qualité mais en trop faible quantité pour compenser le sang versé. Le pire était probablement que le marchand et sa famille n’avait même pas l’air d’être de Liudmark. Saymar se demandait si ce n’était pas juste des réfugiés. Des sudistes qu’on renvoyait chez eux à cause des tensions entre les deux pays. Faudra qu’il se renseigne auprès de la fille pour voir comment était la situation le long de la route. Aurait-elle vu beaucoup de soldats ?

Le retour au camp fut presque triomphal, les femmes étaient soulagées de revoir leur homme et ceux-ci apportaient quelques présents en se prenant pour des princes. Ce soir les hommes allaient boire pour tenter d’oublier l’horreur de la bataille et ils n’en parleraient plus que comme un exploit. Le lendemain, ses hommes revinrent avec la tête du fuyard ce qui permit à Saymar de dormir sur ses deux oreilles. Ce n’étaient pas les quelques cadavres épouvantails qui empêcheraient une armée de ratisser la forêt s’ils découvraient l’emplacement de leur camp.

Le temps passa sans que les Liudmarkiens fassent montre d’un quelconque intérêt pour ce qui s’était passé sur la route. La fille n’apparut dans le camp qu’au bout de quelques jours, craintive et n’osant adresser la parole à personne. Laurra lui faisait un rapport régulier, de femme volage elle était passée à mère poule. Il apprit ainsi que la fille s’appelait Anna. Saymar se surpris à apprécier ses petits détails de la vie de cette inconnue. Elle avait recommencé à manger, faisait encore des cauchemars qui la réveillaient en pleine nuit et ainsi de suite.

Pilton s’était pris d’affection pour elle et lui apportait à manger tous les jours. « A moins qu’il ne se soit simplement pris d’affection pour Laurra » pensait Saymar.
Haytor avait essayé par deux fois de lui faire changer d’avis. « La laisser en vie serait une erreur, on a tué ses parents, elle n’aura de cesse de se venger. Chuis pas le seul à penser ça. »
Saymar les ignorait. Les soldats connaissaient les risques, la fille n’avait rien demandé à personne. Elle avait quoi ? Treize ? Quatorze ans ?

Au fil des semaines, il la vit s’ouvrir au monde. Elle avait toujours un air triste mais parfois un garçon arrivait à lui arracher un sourire. Elle saluait tout le monde, même lui et tout semblait aller pour le mieux. Saymar s’attacha donc au problème de logistique qu’il avait tant évité ces derniers temps. Félician, leur agent de liaison avec le village, devenait de plus en plus gourmand. Comme par hasard les prix des vivres augmentaient aussi et la situation allait bientôt devenir critique. Il travailla tard sur un nouveau plan avec son frère et Haytor. La nuit était chaude, la pluie n’était plus tombée depuis près de trois semaines et les rivières commençaient à se tarir. Un autre problème ! A croire que le moindre sujet de discussion en amenait de nouveaux. Epuisé, il quitta ses adjoints et retourna à sa tente. Il se retourna plusieurs fois, tentant de trouver la bonne position qui lui ferait moins sentir la chaleur. Il finit par s’endormir.

Il sentait une caresse fraiche sur sa peau, il entrouvrit les yeux. Une forme nue se tenait au dessus de lui. « MMmm ? » Il sentit ses mains caresser ses épaules, son torse. Elle le chevauchait. Elle prit ses mains et les porta sur ses seins. Lourds et fermes, les mamelons se dressaient, durs sous sa paume. Il se mit à les caresser et ouvrit un peu plus les yeux. Souriant. « Saymar ? ». Il grommela et ouvrit les yeux pour de bons. « Putain c’est qui ? » grommela t’il d’une voix enrouée par le sommeil. Pour une fois qu’il faisait un rêve agréable.
Anna se tenait à l’entrée de sa tente. Il se couvrit en vitesse.
- Ah c’est toi. Tu ne dors pas la nuit ou quoi?
Il avait conscience d’être plus désagréable qu’il ne l’aurait voulu, mais c’était sa faute après tout, quelle idée de venir le réveiller en pleine nuit.
- Des cauchemars...
- Je...Ah !. Et Laurra ?
- Elle dort.
- Moi, aussi enfin je... plus maintenant. Tu veux t’assoir ?

Elle ne dit rien, et laissa glisser sa chemise de nuit au sol. Saymar hoqueta. Elle devait plutôt avoir quinze ans si pas plus. Elle était jolie. « Non, belle ! » pensa-t’il. Ses cheveux roux cascadaient sur ses épaules blanches. Ses seins le fascinaient tellement ils semblaient parfaits. La faible clarté de la lune rehaussait son teint d’albâtre.
Il arrêta son examen lorsqu’ elle s’approcha de lui. Ses mains glissèrent sur son visage.
- Qu’est-ce que ça veut dire ça ?
- Je sais que tu t’intéresses à moi, Laurra me l’a dit.

Elle prit sa main et la posa sur son sein. Il sentit son mamelon durcir et se lever entre ses doigts. Il retira la main comme s’il s’était brûlé. « Tin faudrait que je rêve plus souvent.»
- Euh, arrête, tu...tu es trop jeune. Je...je voulais juste savoir si tu allais bien.
- Tu me veux, je le lis dans tes yeux. Mireille me le répétait toujours, ils te veulent tous. Elle me disait de faire attention, tous les mêmes qu’elle disait.

Tout en parlant, elle se caressait l’entrejambe de mouvements lents et appuyés. Saymar avait le coeur qui battait la chamade.
- Quoi ? Qui ? De...je..ta gouvernante c’est ça ?Elle se pencha pour l’embrasser. Il comprit qu’il n’arriverait pas à se concentrer tant qu’elle serait nue à lui faire des avances. Il la repoussa et durcit le ton :
- Arrête ça tout de suite, Anna ! Tu es une gamine, je ne suis pas comme les bestiaux là dehors, je vais pas te sauter dessus pour je ne sais quelle raison.
Sa colère flamboya, elle sortit un couteau de derrière son dos et se jeta sur lui. Saymar réalisa qu’il avait été tellement surpris par la situation qu’il n’avait même pas remarqué qu’elle cachait quelque chose. Sa surprise fut telle qu’il faillit y laisser la vie. Le couteau lui entailla la joue alors qu’il se jetait en arrière. Il lui attrapa les bras, serrant fort jusqu’a ce qu’elle lâche son arme. Il l’entendait parler tout bas.
- Je te hais ! Je te hais ! Je te hais ! Assassin ! Violeur ! Tu ne m’auras pas ! Tu ne m’auras pas !
Il n’en revenait pas de ce qu’elle débitait. Il ne savait pas trop quoi faire. S’il appelait à la rescousse il se doutait que d’autres se chargerait d’éliminer la fille peu importerait son opinion alors.
Il garda une main ferme autour de son poignet. Son autre bras l’entoura.
« Sshhh, pleure ! Pleure petite ! Je ne te ferai pas de mal. Je suis désolé. Tellement désolé
Il sentait le sang lui dégouliner le long de la joue, rougissant encore plus la chevelure rousse d’Anna.
Elle pleura, un peu et puis elle se raidit. Elle resta immobile un temps, combien il ne put le dire et puis elle se releva doucement. Saymar faisait attention à ses mouvements de peur qu’elle ne tente encore une traitrise. Elle le regarda de façon hautaine et dit froidement :
« Tu me désireras, Saymar, plus que tout au monde. Je hanterai tes nuits, je ferai battre ton coeur et tu seras prêt à prendre le risque de mourir pour m’avoir. Tu me supplieras à genoux de te tuer en échange d’une seule nuit avec moi. Je te le promets ! ». Elle sortit, nue, dans la chaleur de la nuit.
Saymar n’avait plus vraiment envie de dormir. Visiblement, elle était loin d’être guérie et elle lui en voulait...à mort.
Il soupira. « Vie de merde » Tout à coup, il se reprit à penser à la fuite. Tout plaquer encore une fois mais pour aller où. Vu la situation internationale se réfugier en Liudmark ne semblait pas une très bonne idée. Il ramassa la chemise d’Anna, elle sentait bon la lavande. « Une lavande mortelle » Il souffla encore et décida de nettoyer sa plaie. Tout compte fait avoir un garde devant sa tente ne semblait pas une mauvaise idée quitte à recevoir moins de visites féminines. Ce soir celles-ci lui semblaient beaucoup moins stimulantes que d’habitude. Les paroles d’Anna résonnaient dans son crâne « Je hanterai tes nuits ». C’était bien parti. Il se rendormit peu avant l’aube en se demandant pourquoi elle ne l’avait pas tout simplement assassiné pendant son sommeil.


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