A few thoughts, a few sayings

-"Je suis celui qui te connais quand tu fuis jusqu'au bout du monde" Jacques Bertin (Je suis celui qui court)

- "Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..." Saint-Exupéry (Petit Prince)

- "Et le plus beau, tu m'as trahi. Mais tu ne m'en as pas voulu" Reggiani (Le Vieux Couple)

- "We all got holes to fill And them holes are all that's real" Townes Van Zandt (To Live is To Fly)

- "Et de vivre, il s'en fout, sa vie de lui s'éloigne... Tu marches dans la rue, tu t'en fous, tu te moques, de toi, de tout, de rien, de ta vie qui s'en va." Jacques Bertin (Je parle pour celui qui a manqué le train)

- "I thought that you'd want what I want. Sorry my dear." Stephen Sondheim (Send in the clowns)

- "Pauvre, je suis de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace. Mon père jamais n'eu grand richesse, Ni son aïeul nommé Orace. Pauvreté nous suit à la trace, sur les tombeaux de mes ancêtres, Les âmes desquels Dieu embrasse! On n'y voit ni couronnes ni sceptres." François Villon (Pauvre, je suis)

- "Vous êtes prêts à tout obéir, tuer, croire. Des comme vous le siècle en a plein ses tiroirs. On vous solde à la pelle et c'est fort bien vendu" Aragon (Ce qu'il m'aura fallu de temps pour tout comprendre)

- "And honey I miss you and I'm being good and I'd love to be with you if only I could" Bobby Russell (Honey)

- "And I need a good woman, to make me feel like a good man should. I'm not saying I am a good man Oh but I would be if I could" Fleetwood Mac (Man of the World)

- "Je ne comprends pas ces gens qui peuvent s'installer n'importe où quand je cherche inlassablement avec la tête fermée que tu connais l'endroit où je retrouverai mon enfance" Jacques Bertin (Colline)

vendredi, septembre 21, 2007

Le Vengeur - Chapitre 23. Saymar - Retraite

Un chapitre écrit sous l'inspiration il y'a une semaine. Ecrit pendant un trajet de tram sur une feuille de papier comme je le fais de plus en plus souvent. C'est l'horreur à réécrire mais au moins j'avance.
Il y'a encore un travail de cohérence à faire notament concernant le nombre de soldats mais le premier jet est là.
J'aime à penser que la relation que Saymar et Anna entretiennent dans ce chapître est sincère et j'espère que ça passe à la lecture.

Musique d'inspiration: Cultus Ferox - Aufbruch (tanzmix)

Chapitre XXIII. Saymar - Retraite

« Bande de bigleux » qu’il avait traité les éclaireurs lorsqu’il s’était avéré qu’ils avaient eu tort et pas qu’un peu. Reste qu’il aurait mieux valu qu’ils le soient.
Ce n’était pas vint-cinq mille hommes qui avançaient mais à peine cinq mille. Le lieutenant Frihan n’avait rien trouvé de mieux que de sonner la charge. Les « soldats de la princesse », forts de leur supériorité numérique, avaient donc quitté les palissades et couru sus à l’ennemi. Saymar avait lancé un contre-ordre mais il était déjà trop tard. Seul un petit groupe était resté auprès de lui, quelques centaines tout au plus. Ses hommes n’avait pas tenu la formation plus de vingt pas, cassant les formations pour lesquelles ils s’étaient entraînés si durement ces derniers mois. Les vétérans restaient en place mais de là où Saymar se trouvait on avait l’impression d’un gros chaos avec la moitié des hommes dévalant la colline, l’autre marchant en petits groupes. De façon assez prévisible, ils se firent hacher menu.

Les liudmarkiens étaient des combattants formidables. Ils n’avaient pas bronché en voyant la horde humaine qui leur déferlait dessus. La première ligne avait aligné de grand boucliers ronds, les collants l’un à l’autre. Ils les tenaient fermement à deux mains, se déplaçant de guingois, l’épaule bien calée sous le haut de l’armature. Pliés derrière leurs murs protecteurs, on avait presque l’impression de voir l’horizon approcher. Mais ce n’était pas tant cette première ligne qui posait problème mais bien les suivantes, armées de lances de près de douze mètres de long. Avant d’atteindre le mur de bouclier, un assaillant devait d’abord traverser un vrai champ de pointes. Les piquiers tenaient leur arme à deux mains, balançant celle-ci dans un mouvement avant arrière rythmé par les tambours. Du point de vue de Saymar, ce balancier mortel était fascinant.
De près, ce devait être encore plus impressionnant, les premiers « soldats de la princesse » stoppèrent net leur avancée stupide, pas les autres. Une bousculade s’ensuivit, poussant des malheureux dans le piège mortel de l’ennemi. Les piques rentrèrent dans les hommes comme dans du beurre et en sortirent rougies de sang. La moitié des hommes cherchaient à faire demi-tour, l’autre à se battre, ce fut un vrai carnage. Les troupes aguerries arrivèrent enfin au contact, bousculés, malmenés, ils s’en tiraient mieux mais pas suffisamment bien pour renverser le cours de la bataille. Ils atteignirent les défenses ennemies grâce à leurs petits boucliers incurvés et à leurs épées courtes qui permettaient d’écarter les hampes. Mais l’ennemi avait plus d’un tour dans son sac ou plutôt plus d’une arme dans sa besace. De dessous les boucliers sortirent des lames courbes qui s’attaquèrent aux jambes des assaillants. Les cadavres s’amoncelaient et Saymar avait ordonné l’ordre de retraite bien avant que les cavaliers léger du Liudmark ne fassent leur apparition scellant le sort de la bataille. Il doutait que l’ennemi eut à compter beaucoup de victimes. Il se retourna vers ses hommes et femmes qui l’observaient plein d’espoir et dit simplement :
- On se casse !

C’était il y’a quelques jours déjà. La cavalerie légère les harcelait, empêchant toute fuite vers le sud.
Les fuyards isolés étaient abattus sans merci et Saymar commençait à se douter qu’ils cherchaient à les acculer. Ce serait une victoire tellement plus douce pour Frederik de Liudmark que d’arriver à capturer et à faire pendre plusieurs centaines de « brigands », de quoi remonter sa popularité auprès du peuple.
Pourtant Saymar souriait, cet imbécile de Laurent avait été parmi les premiers à tomber et Anna ne semblait pas plus abattue que ça. Elle et les femmes soldats, « les Franches » comme elles se plaisaient à se nommer maintenant, étaient restées près de lui. C’était probablement ce qui les avait tous sauvés. La plupart étant trop frêles pour porter une épée étaient équipées d’arc. L’ennemi n’était pas assez fou pour avancer sous une pluie de flèche alors qu’il suffisait d’être patient pour attraper sa proie.
Anna était maintenant seconde des Franches, son éducation, sa hargne et son ton autoritaire avait joué en sa faveur surtout que tous savait que Saymar l’avait prise en affection « comme sa propre fille » qu’ils disaient. « Bande de cons ! » Ils semblaient tous voir en lui quelqu’un qui n’existait pas et ça l’emmerdait. « p’têt pour ça que j’aime s’te salope. Au moins elle, elle me déteste. » marmonna-t’il.
Comme souvent chez les femmes, il y’avait une certaine rivalité au sein de leur groupe mais le plaisir que celles-ci avaient à humilier les hommes semblaient suffire pour l’instant à les garder soudées. Saymar s’en foutait, qu’elles aient des nichons ou pas tant qu’elles savaient se battre.
Il se demanda si le général Mark s’en était sorti. Il ne l’avait pas vu suite à la débandade et se demandait pourquoi il avait laissé son officier ordonner une charge aussi débile alors qu’ils étaient censés être des soldats aguerris. Un homme comme lui aurait dû sentir le vent tourner bien avant l’issue de la bataille. N’empêche, Saymar n’était pas pressé de le revoir, enfin libre ou presque, plus de grosses armée à commander, plus d’exemple à donner. Que chacun se débrouille, lui, il allait sauver sa peau. Valait mieux être lâche et vivant que con et mort.

Ils arrivèrent en vue du lac de Jerfaux, il leur fallait absolument arriver à contourner celui-ci par le nord pour ne pas être coincé entre leurs poursuivants et la ville de Valars qui devait être pleine de troupes.
Il décida donc de poursuivre leur fuite durant la nuit. Ils installèrent un faux campement pour la nuit et y laissèrent quelques volontaires sous les ordres de Laurra et Haytor histoire d’y donner un semblant de vie. Ils partirent en silence le long des berges boueuses du lac. En voyant ses belles bottes crottées, il pensa que c’est à ce moment là dans sa vie que tout avait merdé, le jour où il avait sali ses nouvelles bottes. Pilton traînait la patte, il n’était plus que l’ombre de lui-même, dépassé par les événements, il évitait Saymar un maximum. C’est Anna qui marchait à ses côtés dans la longue colonne silencieuse qui les menait seuls les Saints savaient où. Il espérait encore pouvoir atteindre la frontière des Cités Libres bien qu’il ne savait pas si une colonne d’hommes et femmes en armes pourrait y pénétrer.
Anna était belle et farouche, sa peau était mouchetée de gouttelettes. Il avait pourtant presque réussi à l’oublier dernièrement, trop occupé par les préparatifs guerriers mais il s’était toujours douté qu’elle ne le laisserait pas s’en sortir aussi facilement. Il se demanda jusqu’où elle était allée avec son petit soldat. Etait-elle encore vierge ? L’avait-elle jamais été lorsqu’il l’avait rencontrée ? Qu’elle avait été la part de vérité dans tout ça ?
Indécis et plus habitué aux passes d’une nuit qu’aux affaires de cœur, Saymar n’osait rien dire. Elle le regardait en coin et il fallut attendre une bonne heure de marche avant qu’elle ne se décide à prendre la parole. Il dut se concentrer pour la comprendre, malgré le calme de la nuit, sa voix n’était qu’un murmure. Il détestait ça.
- Tu crois qu’on va s’en sortir ?
- C’est seulement maintenant que tu t’en inquiètes ?

- Je ne sais pas. Je ne me suis jamais vraiment posé la question. Elle marqua une pause.
- Pourtant j’ai souhaité votre mort à tous pendant longtemps mais…aujourd’hui vous êtes ma seule famille.
Il était étonné par cette franchise, était-ce un nouveau jeu ou tentait-elle vraiment de se réconcilier avec lui ?
- Cette vie n’est pas si terrible si on aime marcher et qu’on n’a pas peur des éléments. Ajouta-t’elle en s’essuyant les gouttes du visage.
- Non. C’est pas si terrible. Rien n’est vraiment insurmontable…
Il laissa sa phrase en suspends, que pouvait-il lui dire, cette vie était meilleure que celle qu’il avait vécue avant à faire un boulot de merde et il n’avait jamais connu l’opulence lui.
- …à part les douleurs de cœur. J’ai compris cela maintenant. Finit-elle.
- Tu l’aimais ?
Elle prit son temps pour répondre.
- Non, enfin pas vraiment mais il était gentil avec moi et j’avais besoin d’une certaine tendresse.
Saymar ne se sentait pas très à l’aise de parler d’un autre homme ainsi, un soupçon de jalousie lui tordit l’estomac.
- Il était jeune. Dit-il en haussant les épaules.
- Oui.
Elle savait qu’il ne parlait pas de son âge mais bien de son inexpérience. Il faillit sortir une banalité telle que « Il est mort en héro ! » mais cela lui sembla tellement stupide qu’il pouffa.
Elle sourit, se méprenant sur sa réaction ou peut-être pas.
- On a tous le droit d’être fleur bleue de temps à autre. Il trouvera sa place auprès des Saints.
Il n’avait rien à redire à cela, il n’était même pas sûr de savoir si elle parlait du jeune soldat ou d’elle-même.
- Et nous ? ajouta-t’elle timidement.
A ça non plus il ne savait pas quoi répondre. Se demandait-elle s’ils allaient avoir une place de choix après leur mort ou parlait-elle d’un possible « nous », de la relation ambiguë qu’ils entretenaient.
Le cœur battant, il haussa les épaules. Pourquoi fallait-il que son esprit s’imagine plein de choses, de non-dits chaque fois qu’elle lui adressait la parole ?
Il respira profondément, s’enivrant de l’odeur nocturne. La lune faisait miroiter les petites vaguelettes qui parcouraient les bords du lac.
- Le vent se lève. dit-il.
Mais dans sa tête il l’entendait murmurer « Et Nous ? »
Son ventre se crispa de la savoir si proche et pourtant si inaccessible. Ils continuèrent de marcher en silence. Elle suivait son rythme malgré la différence de taille et ils distancèrent peu à peu les autres.
- J’ai froid. Dit-elle simplement en lui prenant la main.
Un frisson lui parcouru le corps, comme si son sang venait de devenir chatouilleux. Il ne dit rien, trop surpris mais lui passa un de ses manteaux de fourrure sur les épaules.
Elle lui reprit la main, serrant un peu. Elle pleurait en silence et il comprit que tout ce qu’elle avait voulu avec Laurent c’était de croire en une jeunesse qui lui avait été refusée jusqu’ici. Mais il ne savait toujours pas ce qu’elle attendait de lui, une vengeance était-elle encore à l’ordre du jour ?
Il ne dit rien car rien ne pouvait être dit qui ne gâcherais ce moment.
Son esprit vagabonda, loin devant eux par delà les distances, dans les Cités Libres. Les y accepteraient-on ? Qu’y ferait-il ? Peut-être pourrait-il partir dans les îles d’été avec Anna. Il avait entendu des histoires merveilleuses sur un soleil sans fin et des dieux poissons.
Lorsqu’ils s’arrêtèrent enfin au petit matin, elle dormit blottie contre lui et il continua à se poser des questions sur leur futur tout en lui caressant les cheveux. Elle avait beau les avoir coupés courts ils étaient toujours aussi doux.

Ce n’est qu’une semaine plus tard, fourbus et affamés qu’il eu la réponse à ses interrogations. Ses seconds avaient réussi à les rejoindre, tout semblait aller pour le mieux et ils étaient près de la frontière.
Si près du but, l’affluent de la Synd enfin en vue, un éclaireur, essoufflé, vint leur annoncer le verdict. « Des burgans, des milliers non ! Des dizaines de milliers de burgans ! »
Décidément Saymar n’aimait pas les éclaireurs et celui-ci lui sembla soudainement hideux. Il eut envie de lui arracher la langue de sa bouche vineuse, de lui couper les oreilles à la dague et de lui rentrer son air ahuri à coups de poings. Il serra la garde de sa dague mais Anna lui posa la main sur le bras arrêtant son geste.
- Ils sont là. Sa voix n’était plus qu’un soupir.
L’armée burganne arrivait et Saymar n’avait jamais rien vu de tel. Des monstres énormes, cornus et reluisant sous le soleil avançaient, menaçants. Dans le vent traînaient des étendards rouge sang. Des cavaliers passèrent au loin entamant une manœuvre d’encerclement.
Les jambes flageolantes, il se pencha pour vomir un bile claire.
- Fait chier de crever le ventre vide. Dit-il en se relevant et en s’essuyant la bouche.
Anna était pâle. On aurait dit une statue de cire et Saymar se dit qu’il aurait mieux fait de la baiser quitte à clamser, ne fut-ce qu’une fois avant la fin.« Verte couille ! ».

Le Vengeur - Chapitre 22. Thibaut - Pylos

Depuis le remaniement, Thibaut bouscule beaucoup d'autres chapitres entre autres ceux d'Orlamund mais il semble attirer les autres personnages comme un aimant.
Pourtant il n'est jamais qu'un pion mineur dans un échiquier qui échappe au contrôle de ses joueurs. Un chapitre où il ne se passe pas grand chose mais où l'on suit le déroulement des événements et qui distille quelques petites informations sur l'intrigue.
Quand j'y repense, le dénouement est tellement proche (j'ouvre ici mon cinquième et avant dernier cycle), plus qu'un chapitre de prévu pour Thibaut, un seul petit chapitre, vais-je pouvoir m'en tenir à cela?

Chapitre XXII. Thibaut - Pylos

Thibaut grimpa les derniers mètres en soufflant comme un boeuf. Ses muscles le faisaient souffrir, les derniers jours n’avaient pas été de tout repos. Les éclaireurs avaient raison, contre toute attente Pylos tenait toujours. De ces hauteurs à flanc de montagne, Thibaut pouvait voir la ville s’éveillant calmement, la Synd suivant son cours à son côté, le pont qui la surplombait avait été détruit afin d’éviter tout assaut de ce côté. L’armée du Liudmark se massait de l’autre côté, loin des berges boueuses et des eaux gonflées par la fonte des neiges. Des milliers de tentes couvraient la plaine intérieure, une vue formidable. Thibaut nota cependant l’absence d’armes de siège digne de ce nom. Quelques catapultes avaient été posées en batteries sur les basses collines environnantes et des protections contre les flèches avaient été montées autour des campements mais il manquait le principal, les béliers, les tours de sièges et surtout les sapes. Il se demanda si le prince Florian de Liudmark était déficient mental ou simplement incompétent. Un mois que le siège tenait et aucune avancée notable. Roland approcha :
- Tiens un pique-nique géant comme c’est gentil à eux d’être venu nous accueillir.
Ses cheveux blonds voletaient au vent autour de son visage parfaitement rasé. Comment faisait-il pour toujours paraître aussi fringant ? En effet, pas de tapis rouge pour les héros, le camp était encore endormis et n’avait que faire d’un millier d’hommes en plus. Thibaut se demanda s’ils étaient censés réussir cette mission. A peine deux mille six cents hommes avaient fait le tour du continent par le sud et le détroit de Nibèle, bravant une mer déchaînée pour rejoindre la terre des Cités Libres. Ils y avaient débarqué pour prendre le contrôle de la côte, ouvrant un deuxième front et capturant la cité portuaire de Varest. Une telle entreprise, une idée folle de Roland à la base, n’avait jamais été tentée mais l’enjeu tactique avait été tel que le roi Frederik avait tout de suite accepté de fournir les fonds nécessaires. Il avait fallu plusieurs mois pour louer les services d’une flottille suffisamment importante, à cela il fallait rajouter les trois mois pour faire le voyage. Thibaut était malade de voir de l’eau, il ne voulait plus monter sur un bateau de sa vie. Mais quand il y repense, la chance les avait accompagné tout du long. En une nuit ils avaient pris le contrôle de la côte sud et des trois fortins qui la garnissaient et ils avaient continué leur route, attaquant de nuit à chaque fois, poussant l’avantage de la surprise au maximum, méprisant les règles de la guerre mais aussi les pertes humaines. Ils avaient pris le contrôle de Varest, l’un des plus grand port du monde connu, sans même perdre un seul homme. Ils avaient évité les remparts et étaient passé par le port à marée basse. Près d’un millier d’hommes y était resté en garnison et quelques centaines aux points clés de la côte. Il leur manquait maintenant des renforts suffisant pour continuer leur route vers le nord et faire tomber les derniers bastions. Thibaut prenait plaisir à se savoir un élément clé de la conquête et il se doutait que les cités libres n’étaient que la première étape d’une invasion à grande échelle fournissant ainsi l’acier nécessaire pour une guerre digne de ce nom.

Seulement voilà, au lieu de recevoir des renforts c’était lui qui avait été appelé à la rescousse. Bon Pylos avait de vrais remparts de pierre mais ce n’était quand même pas une forteresse, un assaut par surprise aurait pu la faire tomber en une seule journée. Maintenant ça faisait un bon mois que le siège était en place, il en faudrait d’autre pour venir à bout de la résistance de la ville. Thibaut avait au moins espéré apercevoir une brèche dans les murs ou un travail de sape conséquent mais non il n’avait devant les yeux qu’un campement endormis et une ville à peine bombardée.
On ne venait pas l’accueillir ? Soit ! Il allait faire assez de bruit pour réveillez cette bande d’incapables. Il donna l’ordre d’amener son cheval. Un messager fit passer la consigne pour que les hommes se préparent, ceux-ci s’agitèrent, déposèrent leur bardas sur le sol et en sortir les tenues d’apparat, casque à crinière et tabard. Roland souriait :
- T’as le don de te faire des copains, regarde comme ils sont tout émoustillés les puceaux.
Comme trophée, ils avaient récupéré la corne de brume de Varest et l’avait traînée sur un chariot jusqu’ici. De toute façon, vu la pauvre capacité maritime du Liudmark ça n’allait pas les gêner. Il donna l’ordre de la faire sonner. Le long hurlement retentit dans le petit matin, les tambourineurs suivirent en rythme, entonnant le pas. Thibaut avait aussi fait confectionner de petits grelots qu’on attachait aux chevilles. Il avait aperçu cet instrument sur des marins et avait décidé d’en équiper une centaine de soldats volontaires pour les occasions comme celle-ci. C’est donc dans une cacophonie terrible que Pylos se réveilla. Les hommes atteignirent le sommet en deux colonnes avant de se séparer et de descendre dans la vallée. Armures reluisantes (Thibaut demandait à ce qu’elles soient astiquées à chaque halte), casques à panaches ondoyants sous le vent et les vouges tenues haut en l’air, les soldats serpentèrent le long de la colline. Accrochés aux lances, des fanions aux couleurs de la princesse tout comme l’étaient les tabards. Thibaut avait dépensé beaucoup d’argent pour préparer cette expédition et rendre ses hommes présentables mais cela lui avait non seulement valu la gratitude de ceux-ci mais avait aussi scellé des accords avec les bateaux marchands qui allaient transporter ses hommes plus tard.
Ceux-ci entonnèrent le cri guerrier Liudmarkien « Ho Chou Ha ! » mais y rajoutèrent une strophe de leur cru « Plutôt mort que Frida ! ». Thibaut se demanda s’ils le pensaient vraiment. Pendant la longue traversée il avait beaucoup entendu les soldats fantasmer sur la princesse même s’ils calmaient leurs ardeurs en sa présence pourtant il savait que ceux qui avait obtenu une bague avait un respect hors du commun dépassant parfois celui du grade. Seraient-ils vraiment prêt à mourir en son nom à elle ?

Doucement, pas à pas, droits comme des « i », ils faisaient bouger leur vouge d’un côté à l’autre tout en se plaçant pour former un dessin sur la colline. Il les avait vus s’entraîner pour faire ce genre de chose quand ils étaient encore au camp d’entraînement mais ils étaient deux fois plus nombreux à cette époque. Ils étaient fier et à vrai dire lui aussi. Les soldats du camp sortaient de leur tente, certains encore en chausse, d’autre carrément les fesses à l’air. Thibaut pensa qu’une attaque surprise aurait pu faire de gros dégâts ce matin, la discipline semblait vraiment relâchée ce qui ne ressemblait pas aux troupes liudmarkiennes.
Tous ses hommes portaient les couleurs de la princesse, il espérait que ça lui éviterait d’être relégué au rang de simple capitaine et qu’il aurait droit au chapitre pour la suite des événements.
Les remparts de Pylos commençaient aussi à se garnir de soldats et de curieux.
Ses hommes, content d’avoir un public, continuèrent de lever les genoux bien haut pour faire sonner les grelots et tapèrent du bouclier sur leurs hauberts.
- T’as aucun goût pour la musique gamin. cria Roland les mains sur les oreilles.
Il était le seul à ne pas l’appeler par son rang mais Thibaut le laissait faire car Roland était son seul lien avec son passé. Oh ! Il y’avait Luclin aussi mais il ne parlait peu et jouait son rôle de garde du corps à la perfection, à tel point que Thibaut oubliait sa présence imposante parfois.
Il grinça des dents en repensant à tout ce qui l’avait mené ici. Est-ce que mère, Sorj et Eliana allaient bien ? Etrangement c’était sa jeune sœur qui lui manquait le plus alors qu’il avait passé la plus grande partie de son temps à l’éviter pour ne pas qu’elle ne lui montre ses atours et ses poupées. Il serra les poings, il y aurait droit à sa vengeance mais contre qui ? Montveilh pour l’avoir emprisonné, les nobles des Royaumes du Sud pour avoir précipité l’enquête et la mort de son père ou Frida pour avoir tué le prince Sigmund ? En y repensant, il ne lui avait jamais demandé pourquoi elle avait voulu le tuer.

La musique cessa, les hommes avaient fini. Devant un public médusé, ils avaient dessiné une rose épineuse à flanc de colline. Harnaché dans sa plus belle armure, un drapeau coincé sous le bras par son écuyer, il lança son cheval au galop descendant dans la « tige » comme la sève. Il espéra ne pas tomber cette fois-ci.
Le camp était maintenant bien éveillé alors il donna l’ordre à ses hommes de le suivre et de le traverser en courant. Au trot, il mena la marche des guerriers de Frida. Il ignora le premier intendant qui lui fut envoyé, beuglant des ordres incompréhensibles, et il s’arrêta devant la tente princière, facilement reconnaissable de par sa taille. « Encore une erreur. » pensa-t’il. Un assassin aurait vite fait d’atteindre le prince et de mettre fin aux velléités du Liudmark. Florian de Liudmark sortit, habillé en hâte, le visage rubicond, des veines bien visibles sur son front proéminant.
- Qui diable êtes vous ?
Il le toisait de haut en bas comme s’il n’était pas à cheval.
- Ah… ajouta-t’il en reconnaissant les atours.
Ses yeux étaient froids et calculateurs. « Pas aussi stupide que je ne le pensais. » pensa Thibaut par devers lui-même.
Après un examen minutieux il se retourna et entra dans sa tente en lâchant un « Suivez moi capitaine ! ».
Un serviteur l’aida à démonter pendant que ses hommes se préparaient pour une revue en règle. Thibaut était probablement le seul soldat de l’armée à avoir une armure complète ce qui dans le cas présent faisait sourire les soldats qui n’avaient pas l’habitude. L’armure réglementaire était plus légère mais protégeait moins misant surtout sur la protection des grands boucliers mis l’un à côté de l’autre.
Thibaut était habitué à des armures plus complètes qui permettait de mieux se battre seul et l’exposait moins aux coups ce qu’il trouvait appréciable surtout en tant qu’officier, donc cible potentielle pour l’ennemi.

Il entra dans la tente, le prince s’était servi un verre et attendait assis en face d’une lourde table en chêne. Il avait la tête entre les mains et contemplait le breuvage sombre qui remplissait sa coupe.
- De l’alcool de figue. Vous saviez qu’on n’en trouvait pas dans ces régions ?
Thibaut n’en avait même jamais goûté, les royaumes du Sud étaient plus réputés pour leurs vins fins. Mais le prince n’attendait pas de réponse de sa part.
- …ça devait être une affaire de semaines. Capturer Telon, Pylos et Varest et toute la région nous seraient tombé dans les mains. Les cités libres n’ont même pas d’armée régulière, une milice tout au plus et encore celle de Pylos était partie avec Aelor vers le nord. Des années passées à préparer le tout et on est stoppé net tout ça à cause d’une sorcière.
- Une sorcière ?
Thibaut n’avait pas pu s’empêcher d’exprimer sa surprise.
- Sire ? ajouta-t’il tardivement sous le regard dur de l’homme en face de lui.
- Vous prenez des mauvaises habitudes capitaines. Ma sœur joue à ce jeu avec les hommes depuis son plus jeune âge, ce n’est en aucun cas une protection. Il serait peut être opportun de faire montre d’un peu de respect envers les vrais dirigeants du Liudmark. Votre statut d’étranger et de favoris a joué assez en votre faveur, vos succès récents ne devraient pas trop vous monter à la tête cependant. Ici c’est moi qui commande capitaine peu importe les couleurs et les jolies chansonnettes que vous apprenez à vos hommes.
- Oui sire. Répondit Thibaut prudent.
- Pourtant, ces connards de Saints savent que j’ai besoin d’hommes comme vous. Les miens n’osent même plus monter à l’assaut. Ils se font jeter hors des remparts comme de vulgaires fétus de pailles.
Ils sont persuadés que les Saints les punissent pour je ne sais quoi. Des prêtres par dizaine ont flairés la bonne affaire, j’ai eu le malheur de laisser faire pensant que ça allait les motiver mais non, ils ne font que payer pour avoir des offices trois fois par jour. TROIS PUTAINS DE FOIS que je dois supporter la moitié de ces vaux qui beuglent alors si vous pendez m’avoir impressionné avec votre petite comptine il faudra repasser.

Thibaut se sentait gêné d’être là, il n’avait aucune sympathie pour l’homme mais c’était un prince quand même, qui plus est d’une des deux plus grandes nations de ce monde et il semblait là terriblement fatigué, dépassé par les événements. Thibaut aurait préféré ne pas voir ça car s’il s’avérait qu’il avait misé sur le mauvais cheval il n’aurait plus aucune échappatoire.
- Oh ! J’en ai bien pendu, quelques dizaines pour faire bonne mesure, mais ça n’a rien changé. Ils ne bougeront pas d’un iota tant qu’ils seront sûrs que cette sorcière est à l’intérieur. Pourtant il faudra bien qu’elle dorme un jour et moi je peux pas pendre l’armée toute entière, pas que j’en ai pas envie des fois mais on manquerait de corde.
Le prince pouffa.
- Mouais, vous évidemment vous ne trouvez pas ça drôle. Pas d’humour ces sudistes ! Peu importe, j’espère que vos hommes sont prêts à montrer l’exemple.
Thibaut ne savait pas si cette histoire de sorcière était réelle ou juste un invention pour tester son courage. L’homme ne correspondait pas à la description qu’on lui en avait faite et pourtant il se doutait que si le prince essuyait un refus maintenant il trouverait bien de la corde quelque part pour lui.
- Dès que mes hommes seront reposés du voyage nous nous ferons un plaisir de participer aux com…
- Reposés ? Participer ? Vous n’écoutez donc rien ? Vous allez y aller de suite et montrer l’exemple ! Peut-être que les hommes de ma sœur ont été choisis parce qu’ils n’ont pas de couilles ?

Thibaut trouva ça gonflé de les traiter de couards alors que les propres hommes du Prince refusaient d’aller au combat. Il commençait à en avoir assez des sous entendus du Prince.
- Vous allez me faire tomber cette ville aujourd’hui et montrer que vous savez faire autre chose que le beau. Pour parader et défier mon autorité personne n’est fatigué mais quand il s’agit de combattre là on discute et on pinaille.
- Loin de moi cette idée, je voulais juste…
- Vous voulez porter les couleurs de ma folle de sœur, par ce que vous croyez qu’elle prendra un puceau comme vous dans son lit ?

Le prince s’esclaffa.
- Ils le croient tous, c’est pour ça qu’elle les enroule autour de son petit doigt. Même avec sa tête de momie vous bandez tous dès qu’elle pointe son petit cul, pas vrai ?
Thibaut avait les phalanges blanchies de trop serrer les poings.
- Je vous défends de…
- TU ME DEFENDS DE QUOI PUCEAU ?

Le prince s’était levé, il avait un air sévère mais il savait qu’il avait eu Thibaut, maintenant c’était courir sus aux remparts ou mourir sur le champ.
- Tu vas sortir de cette tente et donner l’ordre à tes hommes d’attaquer avec leur tenue d’apparat dont ils sont si fiers et je veux que vous chantiez. Je vous vous entendre beugler d’ici encore et que tous les hommes du camp vous voit crever et continuez jusqu’au dernier s’il le faut. Et si ça peut te rassurer avant de clamser sache que je connais ma sœur par cœur, elle me bottait le cul quand je l’espionnais dans son bain mais j’en ai quand même plus vu que toi pas vrai ? Ce que tu fais avec elle je m’en tape tant que vous ne faites pas de marmots. Je te laisserai retourner près d’elle après tel le gentil chiot que tu es, je te nommerai même général si ça peut te faire plaisir. Mais prends moi cette putain de ville.
Thibaut savait qu’il ressentait quelque chose pour Frida, de l’amour même peut-être. Pourtant il y’avait toujours cette sorte de répulsion face à son visage, cette honte de le regarder et il n’avait jamais oser fantasmer plus que ça sur son corps, à part ses seins peut être mais elle les mettait tellement en valeur.
Reste qu’entendre parler le prince de sa sœur comme ça lui fit un drôle d’effet, un mélange de colère de honte et de désir. Décidemment, il aurait du violer quelque femelle comme ses hommes l’avait fait à Varest, ça l’aurait peut être calmé.
- A vos ordres Sire.

C’est à ce moment là qu’un messager entra en trombe.
- Sire ! Une délégation de Pylos, ils veulent des pourparlers. Et la sorcière est avec eux !
Ils sortirent en trombe. Les hommes de Thibaut attendaient toujours, alignés au garde à vous et suant sous le soleil levant. Le prince en bouscula quelques uns pour mieux voir.
- Elle ose la salope !
Roland s’était approché et d’un air rusé il ajouta :
- Salope peut-être mais princesse c’est sûr.
Le prince le regarda d’un air surpris et puis reporta son regard sur l’arrivante.
Thibaut lui cherchait à comprendre où Roland avait bien pu apercevoir la princesse. Il observa l’arrivante. Elle avait les cheveux bruns montés en chignon, le visage fin et un teint d’albâtre, un nez fin, une bouche pincée aux lèvres vermeilles, des pommettes saillantes sortaient d’une robe de satin rouge éclatante. En tout cas elle avait tout de l’allure d’une princesse, hautaine et superbe. Les hommes qui l’escortaient en étaient presque éclipsés.
- Mais oui…Elle est donc en vie, intéressant. Vous n’allez peut-être pas devoir monter à l’assaut de suite capitaine mais j’aimerais que vous restiez pour voir ça, la rencontre risque d’être intéressante, très intéressante !

samedi, septembre 15, 2007

Le Vengeur - Chapitre 21. Arnulf - Guet-apens

Enfin! Depuis le temps que je voulais l'écrire celui-là. :)
Un chapitre important je pense, un chapitre dont la musique me trottait dans la tête depuis des mois. Un chapitre dont j'ai eu peur d'oublier l'essence. J'espère qu'il est aussi frais ici que lorsque je l'ai pensé le premier jour. Une étape importante quoi qu'il en soit, tout ce qui a été écrit avant devait cadrer pour que ceci arrive, c'était un passage obligatoire pour moi, je voulais ce combat.
Il est un peu plus court que ce que je m'étais imaginé mais je verrai bien à la relecture ce que ça donne vraiment.
Bonne lecture.

Musique d'inspiration: Corvus Corax - Venus Vina Musica

Chapitre XXI. Arnulf « Lapin-Tordu » - Guet-apens

Les hautes herbes remplissaient la plaine. Elles se couvraient de la rosée du matin, pourtant cela faisait des heures que les Burgans étaient en route. La brume commençait enfin à se lever mais on n’arrivait pas encore à apercevoir les dents des dieux pourtant si proches. Arnulf fit un signe de tête à Alwin, celle-ci partit en courant, le dos courbé battant la terre de ses pieds nus. Il se demanda comment elle faisait pour ne pas grelotter de froid. Il savait qu’il n’aurait pas à prévenir le gosse, celui-ci avait un sixième sens pour ce genre de chose. Gosse, Arnulf pouffa. Ce gamin avait plus de maturité que la plupart des hommes et il arrivait à clouer le bec à Irkan en personne, la tribu des Serpents était décidément bien étrange. Les autres tribus étaient encore coincées dans les montagnes. Les neiges avaient mis du temps à fondre cette année et c’est seulement grâce aux Béliers, maintenant sous ses ordres qu’ils avaient pu traverser sans encombre. La connaissance des montagnes de ceux-ci ne suffisait cependant pas à faire passer des rhinocéros au travers d’un col enneigés.
Les Lions étaient accroupis près de lui. La plupart la main sur leurs instruments pour leur éviter de faire le moindre bruit. Il ne voyait personne d’autre. Ah si ! Enfin il aperçut les premiers cavaliers.
- Eclaireurs. murmura-t’il.
Ses hommes reprirent l’information et la passèrent aux autres.
Il allait falloir jouer serré. Les hommes se déplacèrent pas à pas pour éviter de se retrouver dans le chemin des cavaliers. Ceux-ci avançaient avec précaution, on ne voyait pas à dix mètres. Mais eux étaient visibles de plus loin. « Prétentieux, ils n’apprendront donc jamais ? » pensa Arnulf. Malgré les fourrures et l’accoutrement hivernal ils avaient gardés la cape rouge, le grand bouclier rond et surtout le casque panaché, fourbis d’une longue crête peinte en rouge. Même les jambières reflétaient la lumière de suffisamment loin pour prévoir leurs mouvements.
Les Burgans attendirent, les éclaireurs passant parfois à moins de cinq mètres d’un groupe de guerrier mais ils regardaient au loin, pas à leurs pieds. Le soleil commençait à poindre ses rayons, tentant de disperser la brume, en vain. « Pour l’instant ».
Mais ils n’eurent pas à attendre beaucoup plus longtemps, le gros de la troupe arrivait. Ils marchaient en colonne, la lance sur l’épaule, le bouclier harnaché dans le dos. Arnulf eut un sourire mauvais, son cœur se mit à battre plus fort. L’ennemi, enfin !
Les soldats de fer ne semblaient pas très enthousiastes. Ils avaient froid et beaucoup avait les épaules voûtées ou toussaient. Arnulf se demanda pourquoi il s’était inquiété quand on lui avait annoncé la colonne,
- On les entendrait à trois kilomètres. Chuchota-t’il.
Le guerrier à côté de lui ouvrit sa bouche dans un sourire carnassier.
Rien que leur façon de marcher en rythme faisait vibrer le sol bien avant qu’on puisse les apercevoir.
Il attendit que la plus grosse partie des troupes soit passées. Enfin, il se releva doucement en sortant sa hache de la peau qui la protégeait de l’humidité. Il donna un signe de tête à son voisin qui prépara sa corne, inspira un grand coup et souffla dedans trois longs coups. Arnulf se mit à courir vers l’ennemi en criant « LIOOOONS ». Il entendit un autre cri se répercuter « PANTHERES » et les éclaireurs tombèrent tous en même temps, les chevaux s’écroulant avec eux, disparaissant dans les herbes. Arnulf courait en grandes enjambées, sautait les mottes de terres et levait haut sa hache. Son autre main tambourinait sur ton petit tambour. Des centaines de guerriers faisaient la même chose donnant l’impression qu’ils étaient des milliers. L’ennemi se figea. Certains restèrent là interdit, d’autres pointèrent la lance dans leur direction. Arnulf se mit à chanter et fut reprit par ses hommes.
Un cri s’éleva de la colonne de soldats. Ils commencèrent à faire un mur de bouclier. « Trop tard » pensa Arnulf en voyant l’ordre qui mettait du temps à passer, certains hommes qui n’arrivaient pas à se dépêtrer de la lanière de cuir qui retenait leur bouclier dans le dos. Encore dix pas. « TAUREAUX » le cri retentit devant lui de l’autre côté de l’ennemi. Il crut entendre le ralliement « ..EERPENTS » à droite alors que les autres tribus se relevaient, semant la confusion et la peur, leurs instruments se mêlant aux autres. Certains hommes qui attendaient la charge des lions se retournèrent. Des bleus probablement. Arnulf et ses hommes continuaient de courir droit sur les lances ennemies.
Les hommes de fer n’avaient jamais compris une chose, les Burgans n’avait pas besoin d’être au corps à corps pour frapper. A trois pas, Arnulf leva son bras aussi haut qu’il le pouvait et lança sa hache de toutes ses forces. Elle se planta dans le bouclier devant lui, le poids de l’arme fit reculer l’homme qui abaissa lance et bouclier. Arnulf sourit en dégainant sa grande épée de son dos. Il était temps pour lui de faire jouer une autre musique. Au loin les anciens et les infirmes s’occupaient de maintenir l’hymne guerrier en frappant sur de lourds tambours aussi vite qu’ils le pouvaient.
Arnulf sauta et se jeta épaule en avant sur le mur de bouclier. Les hommes tentèrent de relever leur lance mais il sauta par-dessus et les percuta de plein fouet créant une première brèche dans leur ligne. Il n’eut pas le temps de se relever qu’il put voir que le combat faisait déjà rage autour de lui. Des hommes de fer s’écroulaient. Certaines avaient le crâne ouvert par une hache car ils n’avaient pas eu le réflexe de se protéger le visage. D’autres avaient reçu un coup d’épée dans la nuque car le poids des haches burgannes les avait fait s’agenouiller. Il se mit à genoux, achevant un soldat sous lui d’un coup de coude dans la nuque. Une panthère passa au dessus de lui et arracha le visage d’un soldat qui allait l’empaler. « Alwin ». Arnulf sourit, elle avait enfin lâché ses joujoux. Aujourd’hui était un beau jour, le sang coulait sur la terre Verion allait être heureuse. Il continua de chanter en frappant de droite et de gauche. Ses coups étaient tellement puissants qu’il fracassa plus d’un bouclier en cassant le bras qui le soutenait. Sa force était tellement spectaculaire qu’il pouvait attraper un homme d’une main et le lancer sur ses compagnons tout en tranchant la jambe d’un autre à sa droite. Ses hommes n’étaient pas en reste. Les soldats de fer flanchèrent, reculèrent, tentèrent de se reformer et puis ils reçurent la charge des taureaux. Arnulf vit des hommes projeté dans les airs et se demanda s’il ne combattait pas aux côtés de vrais taureaux.
Des poches de résistances se formaient, la colonne était brisée. Des dards tombèrent du ciel se plantant dans le cou et dans l’arrière des jambes des soldats paniqués. Les Serpents étaient à l’œuvre, à peine effleurés, les hommes s’écroulaient, empoisonnés. Et le soleil se leva enfin. Il illumina la lame rougie de sang d’Arnulf alors qu’il la faisait tournoyer au dessus de sa tête, pliant les genoux il faucha la tête de deux soldats qui s’approchaient trop, leur ouvrant la mâchoire, le fer de leur casques s’enfonçait dans les chairs avant de laisser passer l’épée qui ressortait de l’autre côté dans une gerbe de sang. Il cria de plaisir faisant jouer ses muscles.
Il voyait les hommes tomber, parfois c’était des visages qu’il connaissait mais souvent c’était la tête d’un homme au teint pâle, le regard surpris et emprisonné dans un casque au panache ridicule.
Des cris se faisaient entendre parmi les rangs ennemis. Un homme tentait de les rallier, son armure blanche scintillant sous le soleil.
Un frisson glacé parcourut Arnulf. Il poussa un soldat ennemi, passant à côté de lui sans même le tuer. « NOON ! Arrêtez ! » criait-il en courant vers l’homme maintenant encerclé. Mais les tambours, les chants et le bruit des combats empêchaient les Burgans de l’entendre.
Il courut le plus vite qu’il put en évitant les ennemis, les lames amies qui tournoyaient, les cadavres et les lances tombées au sol. Les larmes coulaient dans sa barbe alors qu’il criait « NON NON LAISSEZ LE ! » Ce devait être un jour merveilleux, ce devait être le début de sa quête pas la fin. Quel tour lui jouait les dieux ?
Le chevalier scintillant faisait tourner son cheval, une bête magnifique, il frappait à gauche et à droite, son épée flamboyait à une vitesse folle, son bouclier en forme de lierre arrêtait les coups les plus vicieux. Bientôt il fut seul au milieu des Burgans mais il ne faiblissait pas. Arnulf reprit espoir, plus que quelques mètres et il pourrait arrêter cette folie. Et puis l’homme fut tiré à bas par des bras puissants qui agrippaient ses genouillères en forme de serpent. Arnulf cria encore, de rage, il ne voyait plus rien d’autre que l’homme qui tombait doucement de cheval, comme dans un cauchemar. L’animal se cabra, écrasant de ses fers le visage d’un Taureau tentant de dégager un chemin pour son maître. Un amas de corps, de bras et d’armes s’agglutina sur le chevalier et Arnulf ne vit plus que les haches qui s’abattaient sur lui. Encore et Encore ! Elles devenaient rouges et le sang volait accompagné de morceaux d’armure blanche qui scintillaient sous le soleil. Il n’y avait plus une seule trace de brume dans le ciel.
Arnulf tomba à genoux, un non plaintif sur les lèvres. Il se mit à pleurer. Il avait échoué. Il avait eu l’esprit embrumé par la soif de sang. La scène sous ses yeux lui apparaissait maintenant comme une abomination. Comment avait-il pu croire que la guerre était une affaire d’honneur ? Les morceaux de corps, les ventres ouverts, les hommes (et femmes nota-t-il en voyant une cousine d’Alwin clouée au sol par une lance) tombés amis ou ennemis, tout ça faisait partie d’un cauchemar et non d’un rêve de gloire. Le rêve c’était la vie, celle qui l’attendait au village dans le ventre de sa femme. Ses épaules étaient secouées de soubresauts. Il avait failli à son peuple tout ça pour une gloriole personnelle, tout ça parce que comme son père, il voulait marquer l’histoire burgannes.
Oh ! Il l’avait marquée, il venait juste d’assister à la fin de son peuple et c’était lui qui l’avait précipitée. Ses hommes le regardaient interdits. Les plus anciens semblaient comprendre, attribuant ses pleurs à la douleur d’avoir abattu un ennemi honorable mais ils ne savaient pas. Personne ne savait qu’il devait trouver le chevalier scintillant, pourquoi n'avait-il pas prévenu les autres ?
Trop fier encore, il avait voulu garder la parole des dieux pour lui seul. Il leva les poings aux cieux et cria sa colère.
Alwin s’était approchée, inquiète, doucement elle lui posa une main sur l’épaule. Il ne la sentit pas, il se leva et avança vers les restes du chevalier blanc. Etrangement son cheval restait près de son corps, il n’avait même pas été blessé. Les burgans ne frappaient pas les bêtes quand ils pouvaient l’éviter. L’animal renâcla lorsqu’il voulut approcher, il se tenait au dessus du corps de son maître. Arnulf tendit les mains en avant dans un geste apaisant et s’avança doucement. L’équidé se calma et recula pour lui permettre de voir le carnage, Arnulf aurait presque juré voir une larme dans ses yeux bruns mais sa vue était tellement brouillée qu’il s’essuya le visage d’un revers de manche avant d’examiner le corps. En fait l’armure, bien que cabossée, avait résisté à la plupart des coups, mais le visage lui était réduit en charpie. Pourquoi ne portait-il pas de casque ? Cela l’aurait peut être sauvé ? Arnulf faillit maudire l’homme pour son imprudence mais se ravisa tellement il était stupide de vouloir maudire les morts de n’avoir pas pu éviter de mourir. Il s’agenouilla, prit la main gantée de l’homme et se mit à chanter.
Arnulf chantait là un chant qu’on entendait peu, le chant des héros morts au combat.
Et malgré leur surprise, malgré leurs doutes, aucun burgans ne refusa se chant à l’homme qui s’était si bien battu aujourd’hui.
Le soleil était haut dans le ciel lorsqu’ils s’arrêtèrent de chanter. Des chariots avaient été amenés. On y posait les corps des Burgans défunts, ceux-ci seraient renvoyés vers leur terre natale.
Après hésitation Arnulf décida de ramasser celui du chevalier scintillant aussi. Il l’enterrerait devant sa maison et y prierait chaque matin jusqu’à la fin. Un lion ne fuyait pas la honte. Il espérait juste qu’il aurait le temps de voir ses enfants grandir avant que son peuple ne disparaisse.

Le Vengeur - Interlude

Voici un petit interlude qui se situera juste avant le chapitre 17 (pas que ça aie une importance capitale mais ça me permet d'avoir une découpe logique). Sorte de prologue après le passage d'un an.
Il est composé d'éléments qui au départ étaient prévus pour d'autres chapitres (en tout cas l'essence de ce qui s'y passe) et puis comme d'habitude, une autre idée aparut et je pense que ce petit interlude plaira plus au lecteur et permettra de lier le monde un peu plus.

Musique d'inspiration: Cultus Ferox- Aufbruch


Interlude

Il s’extirpa de l’humus. Les feuilles mortes accumulées sur son corps tombèrent lentement au sol, le révélant, nu. Le soleil baignait la place de ses rayons et lui réchauffait l’écorce. « La peau ? ». Une douce musique envahit l’air. Il sourit son visage se craquelant un peu. Ses yeux s’ouvrirent enfin, ravis. Pourtant quelque chose n’allait pas. « Vengeur »
Il s’écarta de l’arbre à regret. La gestation avait été longue, même pour lui. Il avança en rythme, ses pas lourds écrasant les feuilles dans un silence anormal. La végétation vivante ou morte s’écartait devant lui. Il sourit encore révélant une dentition parfaite et étincelante. Ses jambes se levèrent un peu plus à chaque pas, ses genoux saluant sa naissance en rythme. Il courut.

Un autre le rejoignit, plus grand mais tout aussi nu. La peau aussi verdâtre que la sienne. Ils se sourirent, une curieuse impression leur traversa l’échine. « Famille ». Oui ils faisaient partie de la même famille maintenant. Il se sentit bien et fort. Pourtant quelque chose n’allait pas.

La forêt semblait crier, le sol était prêt à bondir. Il ressentit l’atmosphère pesante, elle se transmit à ses muscles, lui donnant envie de les défouler, de se relâcher, de bondir, de frapper. Les branches se balançaient en rythme fredonnant une douce plainte. Pourtant au loin il sentait le sol marteler. Il sentait la cognée contre les troncs. Quelque part, quelque chose n’allait pas.
La colère monta dans son cœur, pourtant il souriait toujours. Il n’avait pas peur, il n’aurait plus jamais peur. Il courut ainsi, nu. Les lianes déposèrent des morceaux d’écorce sur lui en passant.
Lorsqu’il atteignit enfin la lisière, sans être essoufflé, il était recouvert d’une armure d’écorce hérissée de petits piquants presque invisibles. Enserrée dans du lierre, elle lui donnait fière allure. Le soleil lui donnait un air vert clair, l’ombre lui donnait un air brun foncé. Il sortit pas à pas hors des bois, s’y arrachant avec difficulté.
Il pouvait maintenant voir ce qui l’avait réveillé et la colère grandit. Le sol frémit.
Sa vue perçante distinguait des êtres sombres, des hommes, couverts de grands manteaux de plumes noires. De mouvements saccadés ils ouvraient leurs ailes et les abattaient à nouveau, taillant, coupant les arbres. Les cognées faisaient frémir les branches, tomber des feuilles pourtant vertes, saigner une forêt ancestrale.

Il dégaina son épée d’os. Elle était formidable, tout autant que lui. Son compagnon tenait une branche énorme dans ses mains, un arbre en forme de marteau mais il savait qu’il aurait tout aussi bien avoir une forme d’arbre gigantesque. Il sourit et courut sus à l’ennemi.

Etrangement le premier à l’apercevoir était un vieil homme courbé sur un cheval. Lui aussi portait un manteau de plume et son visage barbu se fondait dans le crâne d’un corbeau gigantesque aux orbites sombres qui puisaient dans l’obscurité même. Il ne sut pas comment il le savait car l’homme n’avait pas bougé.
Sa course se fit plus lente et les hommes approchèrent, d’autres se posèrent près de lui. Leurs visages étaient inexpressifs. Certains arboraient encore des pièces d’armures ternies et couvertes de rouilles et de sang. La plupart tenaient des sabres courbes et ébréchés. Il fendit à travers eux comme il pouvait s’enfoncer dans un lit de feuille.
Mais la plaine n’était pas son élément alors qu’ils étaient si nombreux. D’autres vinrent, encore et encore. Le ciel était noir de plumes. Cette guerre s’annonçait longue et il n’était pas sûr de gagner. Son compagnon, couvert d’entailles restait souriant. L’espace autour de lui était dégagé, son marteau lui ouvrit un chemin à travers les corps avec un coup de tonnerre. Furn était décidément un personnage qui aimait se faire remarquer. Il sourit aussi encore plus et rit, rit très fort.
A la nuit tombante les hommes oiseaux avaient perdu du terrain. « La forêt aussi » pensa-t-il amèrement en regardant les arbres tombés. Il repartit vers l’abri des feuilles, son armure végétale se décomposant au fur et à mesure qu’il retournait vers sa tombe d’humus. Là au moins il pourrait rêver d’un monde vert, si vert qu’il faisait mal aux yeux.

vendredi, septembre 14, 2007

Le Vengeur - Chapitre 20. Guylhom - Florian

Un chapitre frustrant. Le chapitre suivant (non encore écrit) est un chapitre que j'attends depuis le début, il fallait à tout pris que tout s'imbrique dans ce chapitre ci, que tout soit prêt pour la suite. Seulement voilà avec les changements faits sur la ligne temporelle j'oscillait et hésitait sur quoi y mettre exactement.
Et puis l'idée s'est construite petit à petit, mais ce qui fut vraiment frustrant c'est d'avoir eu l'inspiration, l'idée finale en pleine nuit. J'avais le choix entre dormir ou me lever pour écrire et franchement j'ai préféré dormir, seulement voilà, devoir écrire un chapitre de mémoire (surtout avec la mienne) n'est pas la même chose que de l'écrire sous l'inspiration donc bref un peu frustré de n'avoir pas pu rendre le dialogue Guylhom/Florian de façon exacte mais j'espère que le résultat reste dans le ton.

Musique d'inspiration: Basil Poleduris - Riddle Of Steel Riders Of Doom


Chapitre XX. Guylhom – Florian

Cette année avait été longue, Guylhom se souvenait de son crapahutage à travers le royaume. Il avait l’impression d’être en selle depuis toujours, ses jambes restaient archées lorsqu’il démontait et son dos le faisait souffrir jour et nuit. Il regarda les montagnes, elles contrastaient tellement avec ce qu’il avait pu voir depuis qu’il avait quitté la cité de Liudmark.

Valars était une ville étrange. Guylhom avait passé beaucoup de temps la tête dans les livres pendant sa vie, il connaissait la géographie du monde connu par cœur, seulement voilà les cartes n’avaient pas grand-chose à voir avec la réalité. Le voyage avait été long, terriblement long et ennuyeux.
Alors dès qu’il voyait quelque chose de nouveau, Guylhom s’émerveillait, se redressait sur son cheval et regardait au loin avec les yeux brillants. Valars était non seulement quelque chose de nouveau mais aussi quelque chose d’unique. Il y’a quelques décennies c’était à peine un petit village qui par chance se trouvait sur la route commerciale entre les cités libres et le Liudmark. Des marchands afin de maximiser les profits commencèrent à y construire des entrepôts. La ville grandit et fit de plus en plus de profit, on y installa une caserne et on y construisit une palissade. Le temps de finir celle-ci, la ville s’étendait déjà en dehors, grossissant presque à vue d’œil. C’était la première vraie cité de Liudmark, ici pas de donjon, pas de murailles, on ne vivait que par le profit et pour le profit.
Et pourtant lorsque Guylhom y arriva à la tête de ses cinq mille hommes, la plaine était couverte de tentes et de soldats. Des éclaireurs avaient déjà annoncé leur arrivée et un détachement assez important les attendait. Ici la religion n’était pas aussi prédominante que dans l’ouest. Les villageois ne le saluaient pas, ne cherchaient pas sa bénédiction. Ici il n’était qu’un soldat. Mais un soldat trop voyant, un sergent quelconque lui annonça qu’il devait rester en dehors de la juridiction sous peine d’être abattu à vue. Guylhom fut choqué par ces paroles. Ses années passées au monastère l’avaient complètement détaché de la réalité du monde où les hommes comme lui n’étaient pas toujours respectés.
Il ordonna donc d’installer le camp et c’est seulement deux jours plus tard que son frère le reçut. Il ne l’en blâma pas, il n’était pas au courant de leur lien de parenté et devait être très occupé par les préparatifs guerriers. « Contre Qui ? » demanda à nouveau la voix dans son crâne. Il avait fini par accepter cette présence interne, presque intime maintenant s’il devait se rappeler des nuits torrides qu’il avait passées au château de son père. Il se rappela ses moments en souriant, la journée il passait les hommes en revues, s’entraînait ou flânait dans les rues de sa ville natale. Guylhom était grand et on l’apercevait de loin, il avait apprécié le contact avec la population et surtout les enfants. Il se demanda d’ailleurs s’il en aurait jamais. Pourtant, il se rappelait surtout les nuits passées en compagnie de cette présence féminine, ces nuits où elles lui avaient fait découvrir le plaisir sous ses nombreuses formes.

Il chassa ces souvenirs et entra dans la tente de son frère, son escorte s’arrêta là et ne lui fit pas l’affront de lui demander de déposer son arme. L’homme assis à une table en face de lui tenait vraiment plus de son père que de sa mère : musclé mais presque bedonnant déjà, un regard sévère et des lèvres tombantes qui ne souriaient pas souvent. Lorsqu’il leva les yeux vers Guylhom, il n’y avait aucune sympathie dans sa voix.
- Que voulez vous prêtre ? Et que faites vous en compagnie de nos renforts ?
Guylhom n’avait rien d’un prêtre et il le savait tous deux.
- Bonjour Florian
L’homme l’examina, un éclair de compréhension passa dans ses yeux gris mais son visage ne trahit en rien qu’il avait deviné. Au lieu de ça, sa mâchoire se crispa encore plus.
- C’est moi Guylhom.
- Guylhom…je ne pensais pas que tu sortirais jamais la tête de tes livres.

Le ton était froid et il eut soudainement peur de son frère.
- Que fais-tu dans cet…accoutrement ?
- C’est récent et ça me surprend tout autant que toi je suppose.
- Qu’est-ce que vous voulez encore vous autre ?

Guylhom se sentit exclu de la famille. Il aurait tout aussi bien pu être mort que ça n’aurait fait ni chaud ni froid à son frère.
- Rien, enfin si, on m’a envoyé à la recherche d’Aelor, père m’a prêté cinq mille de ses hommes et…
- Comment ?! Ces hommes me reviennent, nous en avons besoin pour…ils sont à moi c’est tout !

Guylhom haussa les épaules.
- Je suppose que père t’en enverra d’autres bientôt. Je suis venu ici pour te voir et pour savoir si tu avais des informations sur Aelor.
- Tu te fous de nous, tu t’en es toujours foutu !
- Je, non mais…j’ai une mission.

- Et la famille alors ? Tu as rejoins un ordre qui s’est voué à notre chute.
- Ne dis pas de bêtises.
- Ah non et qui ? QUI s’est opposé à nous lors de la dernière guerre ?
- Je ne suis pas dans les confidences de l’ordre mais pour ce que j’en sais vous aviez attaqué les royaumes du sud en premier.
- Ah ! pour ce que t’en sais….Il l’avait brûlée Guylhom !
- De quoi tu parles ?

- DE TA SŒUR ! Ce gros porc, il n’a pas supporté l’humiliation, il a attrapé une torche et il l’a brûlée ! Devant tout le monde ! Aujourd’hui encore je sens l’odeur de cheveux cramés et de porc cuit. Tu l’as vues ??? Tu savais que la chair avait cette odeur quand elle crame ?
Les gardes avaient ouvert le battant de la tente et observaient la scène la main sur leurs armes.
Son frère ne remarquait rien, il continuait de crier et de s’emporter sur Guylhom alors qu’il n’avait même pas été présent à cette époque.
- Et père, ce père que tu aimais tant, n’a rien fait. Il l’a laissé partir. Oh bien sûr après il a tenté de les envahir mais il ne voulait pas avouer que sa fille était défigurée par un pisseux. Je parie qu’il ne t’en a même pas parlé !
- Non, à vrai dire je ne savais même pas que j’avais une sœur jusqu’à ce qu’il me le dise.
- Tu as toujours passé ton temps dans les livres. Tu n’as jamais pris soin de la famille. Tu as préféré rejoindre l’ennemi, mais ils paieront un jour, tous autant qu’ils sont ! J’en ai fait le serment. Et tu ferais mieux de faire ton choix.

Voir son frère ainsi ravagé par la folie et la douleur affecta grandement Guylhom, d’autant plus qu’aux premières estimations il était à la tête de presque trente milles hommes. Qui sait ce qu’il contait en faire ?
- Un jour ils paieront et s’agenouilleront devant le Liudmark en demandant pardon.
- Tu es fou.
souffla Guylhom.
Le regard de son frère flamboya. Il tira son épée et s’approcha.
- N’ose jamais plus me critiquer dans mon propre campement. JAMAIS ! Ne crois pas que cette armure te protège, vous n’êtes pas infaillible vous chevalier blancs !.
« C’est lui ! C’est lui ! C’est lui ! » la voix dans sa tête s’affolait. Guylhom fut pris de vertiges, incapable de comprendre ce qui se passait sous cette tente. Son frère se méprit sur sa réaction.
- Tu es un pleutre ! Tu recules déjà, tu as toujours été un pleutre, déjà petit tu avais peur de te faire mal à l’épée. Ton ordre n’a vraiment plus personne vers qui se tourner pour te choisir, toi.
- Je veux juste savoir ce que tu sais d’Aelor, après je m’en vais. Dit Guylhom d’une petite voix.
- Tu t’en vas ? Tu crois que je vais te laisser partir avec mes hommes, tu iras seul dans les terres burgannes chercher ce soi disant messie. Seul ! Tu m’entends ? Comme tu nous as laissé seul toutes ces années.
Guylhom n’en pouvait plus de se faire reprocher les malheurs de sa famille lors de sa formation au monastère. Il essaya quand même d’apaiser la tension ambiante.
- Arrête Florian. Je ne veux pas me battre avec toi. Je te laisse mener ta guerre.
- Te battre ? Tu en es incapable. Tu es le déshonneur de cette famille. Vous les moinillons, vous vous croyez puissants mais vous exploitez le peuple pour votre propre gloire. Votre époque est finie. Tu es fini.

Florian le poussait en martelant sa cuirasse du poing.
- Arrête !
Guylhom reculait de plus en plus, jusqu’à se retrouver dehors. Un attroupement s’était formé autour de la tente. Des hommes observaient la scène avec amusement, la plupart avaient la bouche ouvert sur un rictus aux dents gâtées.
- Pars d’ici la queue entre les jambes si tant est que tu en as une. Fuis petit moinillon de merde !
Guylhom ne sut jamais si c’était sa propre colère refoulée ou celle de la voix mais il frappa son frère au visage. Son gant de métal ouvrit la pommette du général qui tomba par terre en arrière. Ses hommes tirèrent l’épée comme un seul homme. Un bruit formidable que des centaines d’épées qu’on tire du fourreau. Un bruit qui glaça le sang de Guylhom. Il mit la main sur la garde de son épée et la tira doucement. Les hommes hésitaient, ils crachaient sur son ordre mais tous avaient entendu parler de la prouesse des chevaliers de Saint Royan.
Florian se releva, se tâtant le visage.
- Va ! Pars faire ta quête si importante. Prends tes hommes s’ils veulent te suivre mais que je ne te croise plus jamais. Aujourd’hui, je n’ai plus de frère.

Guylhom avait encore les larmes aux yeux alors que résonnaient dans son esprit les dernières paroles de son frère. Il se détourna de la vision de Palis détruite, ravagée. Ce voyage ne lui apportait au final que des déceptions. Il avait l’impression que chaque étape lui montrait des ruines, son père n’était plus que l’ombre de ce qu’il était, son frère était devenu un fou sauvage et haineux, Palis, la cité frontière n’était plus que cendres froides, quelle serait la prochaine étape ?
« …être un chevalier de Saint Royan n’a jamais été facile »
- Je n’ai jamais demandé à l’être.
« Tu sembles croire qu’on ta choisis pour ton nom, alors que c’est lui qui nous à fait hésiter. Nous ne t’avons pas choisi, tu t’es désigné seul. »
- J’ai passé ma vie le nez dans les livres d’histoires et de droit. J’aurais à la limite été un juriste passable alors un chevalier, pfeu.
« Et tu crois que je n’aurais pas voulu vivre dans une jolie ferme au coin d’un bois ? »
Guylhom la voyait très bien cette ferme, l’image était apparue spontanément dans son esprit. Une petite construction en torchis, un toit de paille brune, des vitres sales derrières lesquelles oscillaient la flamme d’une bougie. Le bois était une plaque sombre sur ce tableau nocturne. Aucun chemin ne menait à la ferme car elle ne recevait jamais de visite. Jusqu’à cette fois là probablement. Cette nuit où une jeune fille avait vu sa vie basculer.
- Je suis désolé, je ne pense qu’à moi.
« Oui, mais je ne veux pas de ta pitié. Va rejoindre tes hommes, il est temps de se mettre en marche »
- Mais je n’ai pas encore reçu confirmation que les cols étaient désenneigés.
Personne ne lui répondit et il supposa qu’elle n’allait plus lui adresser la parole pendant quelques temps, probablement sa punition pour avoir remonté des souvenirs à la surface.
Il descendit de son promontoire et pris le chemin du campement. Enfin ! Ils allaient pouvoir traverser la montagne. « Elichzane : les dents des dieux » que les Burgans appelaient ces montagnes. Les pentes abruptes, les pointes effilées et enneigées ne rassuraient pas outre mesure sur la dentition des dits dieux. Impossible de les passer en hiver, les cols étaient enneigés et l’escalade impensable.
Ces dents n’étaient faites que de roche, pas un gramme de bronze alors qu’on en trouvait dans la moindre colline du Liudmark, pour tout le bien que ça faisait. Aucune ressource exploitable ce qui expliquait l’absence de ville d’importance dans le nord du pays. Seuls quelques forts ici et là afin de prévenir une attaque burganne. Palis avait été la seule implantation notable, la seule aussi à commercer avec les barbares. Dire qu’il n’avait pas fallu deux semaines à Aelor et à son armée pour la réduire à néant. Guylhom craignait de voir les dégâts qu’il allait apercevoir de l’autre côté des montagnes. Aelor avait été à la tête de la plus grande armée de ce monde, oh bien sûr, ils n’étaient pas entraînés comme les fiers soldats de Liudmark et les Burgans étaient des adversaires terribles mais quand bien même. Pourtant cela faisait plus d’un an que ces ruines ne fumaient plus. Qui sait s’il restait encore quoi que ce soit de vivant de l’autre côté de ces montagnes. Qui sait si cette quête avait encore un sens.
Ses hommes le saluèrent lorsqu’il rentra au camp, ceux-ci étaient couverts de fourrures, battant du pied pour se réchauffer en montant la garde. Leurs gants de cuir marron se serraient et se desserraient sur les longues hampes des lances et un souffle glacé sortait de dessous leurs capuches. L’hiver avait été rude et le printemps s’annonçait timide. Guylhom attrapa le premier sergent qu’il reconnu à son casque empennés et lui demanda de préparer les troupes. Mille hommes seulement mais cela suffirait pour une première traversée. Les quatre mille autre les rejoindraient d’ici quelques semaines quand les cols seraient moins dangereux, d’ici là ils allaient poser les bases de la nouvelle Palis. Le Liudmark ne pouvait rester sans protection et Florian n’avait pas eu l’air de s’en inquiéter lui.
Le camp s’activa, on chargea les chariots de vivres et d’armes. Impossible de faire porter les longues lances de plus de trois mètres aux hommes dans des montagnes encore gelées et glissantes, ils allaient se contenter de courtes lances de marche. On scella les chevaux.
Les éclaireurs revinrent avant qu’ils n’aient fini les préparatifs. Mais ils avaient le feu vert, les cols étaient accessibles. Demain, ils seraient en terre burganne.

lundi, septembre 10, 2007

Le Vengeur - Chapitre 19. Orlamund - Siège

Voici le chapitre 19 qui reprends une Orlamund différente et qui se révèle peu à peu. Je l'espère aussi plus agréable à lire même si je pense que les étapes précédentes étaient obligatoires.

Musique d'inspiration: Ennio Moricone - For a Few Dollars More

Chapitre XIX. Orlamund - Siège

Un rocher s’écrasa contre la tour Saint Jean, Orlamund ne sursauta même pas, elle baissa juste la tête par réflexe et continua son chemin. Les blessés n’attendaient pas eux. Des gravillons atterrirent dans ses cheveux alors que les plus gros blocs s’écrasaient dans la rue déserte. Deux semaines que le siège avait débuté et cette période sombre lui avait déjà semblé plus longue que l’année écoulée. Pourtant elle avait eu de la chance.

Elle avait marché toute la journée les jambes et la croupe en feu. C’est là que la panique la submergea. Un jour et elle n’était même pas encore en vue de la Synd, cette rivière descendait des montagnes à l’ouest et longeait celles-ci jusqu’à Pylos. Elle n’avait presque rien à manger sur elle et était bien incapable de chasser pour subvenir à ses besoins. Le doute la pris, allait-elle jamais arriver à la frontière avec les Cités Libres avant de mourir de faim ou d’épuisement ?
Dans un fol espoir, elle continua de marcher jusqu’à la nuit tombante. Incapable de pouvoir voir suffisamment et risquant de se fouler la cheville sur un caillou instable, elle s’affala sur le sol. Terrifiée par la solitude et le silence qui l’entourait, elle éclata en sanglots sur ses robes roses de sang et grises de poussière. Elle s’endormit recroquevillée sur elle même et fut réveillée par les grognements de son ventre vide. « Idiote » pensa-t’elle. Pourquoi n’était-elle pas retournée voir les questeurs qui tentaient de la retrouver ? Ils l’auraient emmenée saine et sauve au château de père. Elle aurait pu y dormir et y manger tout son saoul « ...avant d’être envoyée au couvent.» Elle laissa échapper un long soupir résigné.
En fin d’après midi, elle n’arrivait plus à marcher. Elle avait eu la mauvaise idée d’ingurgiter un champignon qu’elle avait découvert à l’ombre d’un rocher moussu. Il ne devait pas être très comestible car elle s’accroupit pour vomir à nouveau, les jambes flageolantes. C’est dans cet état que le docteur Terius et Pinceur l’avaient trouvée, recueillie et soignée. Le docteur était un vieil homme calme, presque chauve et à la vue déclinante qui n’alignait pas plus de trois mots dans une journée. Pinceur quand à lui était un jeune orphelin de dix ans aux cheveux couleurs de blé. Il avait eu son surnom pour avoir eu l’habitude de toujours ramener une pincée d’herbes quand on lui en demandait le pot ce qui avait eu le don d’énerver le doc. Depuis, le garçon semblait profiter de son surnom pour pincer les fesses des demoiselles. Orlamund y avait échappé jusque là mais elle avait quand même pris le garçon en affection. Le docteur Terius ne lui avait rien demandé et elle ne lui avait rien dit, une foi remise elle s’était d’elle même mise au travail pour l’aider. Ils avaient ainsi traversé de nombreux villages pour aider des miséreux malades, ils apportaient quelques remèdes contre le gîte et le couvert. Ce n’était bien sûr pas le chemin le plus court vers Pylos mais ils finirent par y arriver juste avant les grosses neiges qui bloquent les cols. Une grande ville représente une source de travail inépuisable pour un docteur et Orlamund avait largement eu le temps de se faire la main. Ce travail lui plaisait, pour une fois elle pouvait faire quelque chose en tant que femme et être respectée malgré tout.

Depuis le début du siège, c’est à peine si elle avait encore le temps de dormir. On ne comptait plus les fractures, les contusions et autres maladies dues au manque de nourriture. Dire que l’ennemi n’avait même pas encore donné un seul assaut. Pylos était une cité marchande, elle n’avait jamais été préparée pour la guerre. Orlamund descendit la grande allée de pierre qui s’éparait les quartiers hauts de la ville basse. Les soldats avaient besoin d’elle. Le poste de commandement avait eu droit à son premier bombardement cette nuit. Soit les assaillants avaient eu des problèmes pour le localiser soit ajuster un tir de catapulte était plus complexe qu’elle ne le pensait. Deux semaines à tirer au hasard dans la ville, il était temps qu’ils s’attaquent aux structures militaires et laissent les civils en paix. Elle entra dans le poste à moitié écroulé. Le docteur Terius était déjà présent en train d’opérer un homme à même le sol. Il découpait une jambe avec des ciseaux afin d’en retirer des échardes grandes comme la main. Livides deux des collègues du soldat tentaient de le maintenir au sol alors que celui-ci beuglait comme un forcené. A peine entrée que les blessés encore conscient l’implorèrent de venir les aider, tendant leurs mains vers elle. « Dame ! Dame ! Pitié ! Dame ! ». Elle inspira profondément et ferma les yeux, laissant son autre « moi » sortir. Elle sentit leurs âmes, ferma les yeux de ceux qui n’avaient aucune chance, les berçants dans un sommeil profond et sans douleur. Elle répara certains organes internes, cautérisa des plaies et endormit les épuisés. Tout était si simple sous cette forme spectrale. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, de retour dans son corps, le calme était revenu dans le bâtiment. Les quelques hommes valides présents la regardaient avec respect et leurs yeux presque larmoyants valaient tous les mercis du monde. Elle s’attela ensuite à bander les plaies. Elle avait laissé le blessé du docteur Terius entre les mains de celui-ci. Le docteur n’aimait pas qu’Orlamund décide pour lui du destin de ses blessés même si elle savait que celui-ci n’avait aucune chance. Lorsqu’il était épuisé le docteur la regardait avec haine. Il lui en voulait d’avoir si facile, que ce soit pour soigner ou pour tuer.

Les bombardements reprirent et Pinceur vint la chercher.
- C’est les halles s’te fois, y’a des morts. Tout scrabouillés qu’y sont.
Elle se demandait comment l’enfant supportait cette tension et cette violence quotidienne.
Le soir venu, elle s’écroula sur sa couche, trop épuisée pour se sustenter. Sa nuit fut agitée, des hommes broyés, des fractures ouvertes sur des os luisants de sang émergeait de la noirceur qui l’entourait et derrière elle entendait « Vois ce que tu m’obliges à faire petit oiseau. ».
Le tocsin la reveille au petit matin “Ding Ding Ding” sans arrêt. Les rues étaient encore plus désertes que d’habitude, seuls quelques chiens reniflant les détritus se promenaient encore. Tous les volets étaient clos et aucun officier n’était passé allumé les torches cette nuit donnant à la ville un air fantomatique.

Orlamund suivit la seule source de bruit en ce petit matin gris. Elle n’avait pas pris le temps de se laver et du sang séché maculait encore ses ongles.

Une grande clameur envahit l’air comme si les portes de l’enfer s’étaient ouvertes. L’ennemi assaillait les murs et était probablement en train de gagner. Elle croisa des soldats qui s’éloignaient des murailles. L’un d’entre eux la reconnu et lui attrapa le bras :
- N’allez pas par là, c’est la fin. Seule la mort vous y attend. Ils sont des milliers !
- Je ne recule pas devant mon devoir moi soldat !

Son ton autoritaire était revenu tout naturellement. Malgré ses mésaventures elle gardait son éducation de princesse encrée profondément en elle. Jamais aucun homme ne lui avait encore parlé comme ça. « …à part Devian » lui répondit une petite voix dans son crâne. L’homme la relâcha, surpris, il fit mine d’ajouter quelque chose mais se ravisa et s’enfuit. Elle se demanda où il espérait bien trouver refuge.
Elle en rencontra d’autres mais il semblait pourtant que le mouvement n’était pas général et que les murs tenaient toujours. Un officier haranguait ses troupes, tentant de leur redonner courage, bousculant les indécis, passant d’un poste à l’autre pour donner des conseils. Personne ne prenait la peine d’évacuer les blessés et si Orlamund voulait les atteindre elle allait devoir s’approcher de la tourmente.
Le bruit était assourdissant, elle gravit les marches et manqua tomber lorsqu’un autre soldat la bouscule pour passer et fuir. Les défenseurs ployaient. L’officier en attrapa un et avec son aide repoussa un échelle. Les hommes reprenaient courage de voir ainsi un haut gradé s’investir. L’ennemi donna alors le vrai assaut. Des milliers de gorges crièrent « Hou Chou Ha ! » et les hommes s’élancèrent. Déjà, un premier assaillant posait le pieds sur le rempart, puis un deuxième.
L’officier fut le premier à faire face, seul. D’un revers il envoya le premier valdinguer par-dessus les remparts. Le deuxième, lui, lui planta sa courte épée dans la jambe. Instinctivement, Orlamund sut que l’artère avait été touchée. Elle se projeta hors de son corps et colmata la brèche, rejoignit les tissus déchirés et insuffla sa force à l’homme avant même que celui-ci ne touche le sol.
Tout soldat convenablement entraîné courait au secours de son officier lorsque celui-ci tombait. Ce réflexe sauva l’homme d’un second coup d’épée qui lui aurait été fatal. Elle pouvait voir la livrée rouge et noire de l’assaillant alors qu’un autre le rejoignait. La pression subie ses dernières semaine ressorti à travers le voile apaisant qui l’entourait d’habitude. Elle attrapa le bras de l’homme et plongea son épée sur le casque de son compagnon, tranchant le cuir du casque comme du beurre. L’arme se planta dans l’os du crâne, le fissurant et faisant claquer les dents du malheureux qui surpris, se mordit la langue et se la coupa avant de mourir. Elle continua son mouvement et envoya l’ennemi par-dessus les murs s’écraser sur l’échelle en contre bas. L’officier bien qu’affaiblit s’était relevé et criait « Haro ! Haro ! Pour Pylos ! » Et elle reprit ce chant en chœur alors qu’elle faisait voler les corps hors de la muraille encore et encore.

Elle se réveilla bien plus tard, Pinceur à son côté était assis sur un tabouret, ses jambes bougeant sans cesse d’impatience. A peine eut elle ouvert les yeux qu’il sauta sur ses pieds tout content
- Z’aviez rien mangé mamzel. Puisement qu’il a dit l’doc.
Trop faible pour encore parler, elle avala l’eau que lui tendit le jeune homme.
- Y’a un soldat qu’est venu, y m’a mêm montré sn’ épée mêm qui parait qu’il a tué des gens vec!
Orlamund sourit. Voir pinceur si gai et au petit soin pour elle lui faisait presque oublié ce qui s’était passé. Elle lui ébouriffa les cheveux d’une main encore peu assurée et fut prise de vertiges.
- Deux zours que vous y dormez, deviez êt fatiguée mamzel.
Elle s’était déjà ruée sur le pain et la soupe à côté de son lit.

A peine Pinceur eut-il ouvert la porte, que l’officier se rua à l’intérieur et mit genou en terre.
- Par les saints vous êtes en vie ! Capitaine Jean pour vous servir.
Il lui prit la main et la baisa. Elle put mieux l’observer, une quarantaine d’année, le teint halé et la marque du cuir du casque marquait ses tempes. Il n’était pas bel homme avec ses dents gâtées et son nez de travers mais son regard était puissant et on réalisait vite qu’on était en face d’un homme qui avait l’habitude de commander.
- Ma Dame, nous vous devons la victoire ce jour là, il n’y a plus eu d’assaut depuis, l’ennemi nous craint. Vous avez été formidable ! Sans vous la ville serait tombée, je n’arrive pas à croire la chance que nous avons de vous avoir à nos côtés. Les gens pensent que c’est Aelor qui les protège mais je sais que c’est vous, je vous ai senti.
- Du calme dit-elle d’une petite voix en tentant de ramener les couvertures sur elle.
- Je...pardon Ma Dame, désolé de vous assaillir comme ça au réveil, vous devez être épuisée. Je tenais à vous remercier. Les hommes ont besoin de vous sur les remparts, ils savent qu’avec vous à nos côtés on ne peut pas perdre. Vous auriez dû voir ça ! Les gens sortaient de leurs maisons pour regarder l’ennemi voler hors des murs, les déserteurs sont revenus à leur poste ! C’est un miracle !
- Je, je ne suis pas sûre de comprendre mon implication dans tout ça, Capitaine.
L’homme fut décontenancé un instant et puis sourit.
- Ecoutez, je suis intimement convaincu que vous m’avez sauvé la vie. Je suis un soldat et les soldats ne survivent pas à une artère tranchée. Les gens savent que vous avez un don pour soigner et on a besoin de quelqu’un qui nous redonne espoir et courage. Que vous le vouliez ou non, ce quelqu’un c’est vous. Tout ce que je vous demande c’est de vous montrer, de donner une raison à ces hommes de mourir.
- Ce sont les blessés qui ont besoin de moi, soldat, je ne connais rien à la guerre.
- Personne ne pourra rien pour eux une fois l’ennemi dans la place. Je vous en supplie ma Dame.
- Je m’appelle Orlamund.
- Comme la princesse ?
- Comme la princesse...


Elle avait fini par céder, ne fut-ce que pour voir l’homme partir. Mais il avait tenu parole, à peine faisait elle ses premiers pas timides hors du lit qu’une couturière s’annonça. Une fois le travail terminé et qu’elle put s’admirer dans un miroir (un miroir ? depuis combien de temps ne s’était elle pas regardé ainsi ?) elle fut choquée de voir le changement opéré. Une robe de velours rouge à la doublure couleur sang, les bords sombres contrastait avec le teint clair se sa peau. Ses doigts maintenant sales et calleux juraient avec le reste de son corps encore frêle. Son visage était plus fin, presque émacié sur les mèches brunes qui lui descendaient sur les tempes. Ses yeux d’un gris bleu clair lui donnaient plus que son âge. Elle se surprit à se voir plus princesse maintenant qu’avant dans ses robes de fillettes qui valaient probablement plus que toute la maison du docteur. Cette robe-ci était faite pour être vue, pour la mettre en valeur et elle se sentit fière du résultat.
Pour la première fois depuis des mois, elle se mit à avoir confiance en elle et eut plaisir à se regarder dans ce miroir qu’elle avait évité depuis cette fameuse nuit. Elle se sentit fière d’avoir sauvé des vies, fière d’être utile et demandée, fière de ne plus être une petite fille. Et les larmes coulèrent le long de ses yeux, des larmes de regrets sur une enfance terminée mais aussi de joie pour sa nouvelle vie qui commençait.

jeudi, septembre 06, 2007

Aelor - Cadeau de Flock.

Surprise aujourd'hui ! Flock me fait partager sa vision d'Aelor. Oui oui, le "seigneur des corbacs" le même personnage qu'on retrouve dans le prologue et dont le nom revient aussi souvent.

Grand merci à lui, c'est très gratifiant de savoir que quelques unes de vos lignes ont pu mener à un dessin, quelque chose de concret.
Je crois que Flock a largement gagné la palme de la motivation pour mon travail d'écriture et je ne l'en remercierai jamais assez.

Santé à toi !