A few thoughts, a few sayings

-"Je suis celui qui te connais quand tu fuis jusqu'au bout du monde" Jacques Bertin (Je suis celui qui court)

- "Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..." Saint-Exupéry (Petit Prince)

- "Et le plus beau, tu m'as trahi. Mais tu ne m'en as pas voulu" Reggiani (Le Vieux Couple)

- "We all got holes to fill And them holes are all that's real" Townes Van Zandt (To Live is To Fly)

- "Et de vivre, il s'en fout, sa vie de lui s'éloigne... Tu marches dans la rue, tu t'en fous, tu te moques, de toi, de tout, de rien, de ta vie qui s'en va." Jacques Bertin (Je parle pour celui qui a manqué le train)

- "I thought that you'd want what I want. Sorry my dear." Stephen Sondheim (Send in the clowns)

- "Pauvre, je suis de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace. Mon père jamais n'eu grand richesse, Ni son aïeul nommé Orace. Pauvreté nous suit à la trace, sur les tombeaux de mes ancêtres, Les âmes desquels Dieu embrasse! On n'y voit ni couronnes ni sceptres." François Villon (Pauvre, je suis)

- "Vous êtes prêts à tout obéir, tuer, croire. Des comme vous le siècle en a plein ses tiroirs. On vous solde à la pelle et c'est fort bien vendu" Aragon (Ce qu'il m'aura fallu de temps pour tout comprendre)

- "And honey I miss you and I'm being good and I'd love to be with you if only I could" Bobby Russell (Honey)

- "And I need a good woman, to make me feel like a good man should. I'm not saying I am a good man Oh but I would be if I could" Fleetwood Mac (Man of the World)

- "Je ne comprends pas ces gens qui peuvent s'installer n'importe où quand je cherche inlassablement avec la tête fermée que tu connais l'endroit où je retrouverai mon enfance" Jacques Bertin (Colline)

lundi, septembre 10, 2007

Le Vengeur - Chapitre 19. Orlamund - Siège

Voici le chapitre 19 qui reprends une Orlamund différente et qui se révèle peu à peu. Je l'espère aussi plus agréable à lire même si je pense que les étapes précédentes étaient obligatoires.

Musique d'inspiration: Ennio Moricone - For a Few Dollars More

Chapitre XIX. Orlamund - Siège

Un rocher s’écrasa contre la tour Saint Jean, Orlamund ne sursauta même pas, elle baissa juste la tête par réflexe et continua son chemin. Les blessés n’attendaient pas eux. Des gravillons atterrirent dans ses cheveux alors que les plus gros blocs s’écrasaient dans la rue déserte. Deux semaines que le siège avait débuté et cette période sombre lui avait déjà semblé plus longue que l’année écoulée. Pourtant elle avait eu de la chance.

Elle avait marché toute la journée les jambes et la croupe en feu. C’est là que la panique la submergea. Un jour et elle n’était même pas encore en vue de la Synd, cette rivière descendait des montagnes à l’ouest et longeait celles-ci jusqu’à Pylos. Elle n’avait presque rien à manger sur elle et était bien incapable de chasser pour subvenir à ses besoins. Le doute la pris, allait-elle jamais arriver à la frontière avec les Cités Libres avant de mourir de faim ou d’épuisement ?
Dans un fol espoir, elle continua de marcher jusqu’à la nuit tombante. Incapable de pouvoir voir suffisamment et risquant de se fouler la cheville sur un caillou instable, elle s’affala sur le sol. Terrifiée par la solitude et le silence qui l’entourait, elle éclata en sanglots sur ses robes roses de sang et grises de poussière. Elle s’endormit recroquevillée sur elle même et fut réveillée par les grognements de son ventre vide. « Idiote » pensa-t’elle. Pourquoi n’était-elle pas retournée voir les questeurs qui tentaient de la retrouver ? Ils l’auraient emmenée saine et sauve au château de père. Elle aurait pu y dormir et y manger tout son saoul « ...avant d’être envoyée au couvent.» Elle laissa échapper un long soupir résigné.
En fin d’après midi, elle n’arrivait plus à marcher. Elle avait eu la mauvaise idée d’ingurgiter un champignon qu’elle avait découvert à l’ombre d’un rocher moussu. Il ne devait pas être très comestible car elle s’accroupit pour vomir à nouveau, les jambes flageolantes. C’est dans cet état que le docteur Terius et Pinceur l’avaient trouvée, recueillie et soignée. Le docteur était un vieil homme calme, presque chauve et à la vue déclinante qui n’alignait pas plus de trois mots dans une journée. Pinceur quand à lui était un jeune orphelin de dix ans aux cheveux couleurs de blé. Il avait eu son surnom pour avoir eu l’habitude de toujours ramener une pincée d’herbes quand on lui en demandait le pot ce qui avait eu le don d’énerver le doc. Depuis, le garçon semblait profiter de son surnom pour pincer les fesses des demoiselles. Orlamund y avait échappé jusque là mais elle avait quand même pris le garçon en affection. Le docteur Terius ne lui avait rien demandé et elle ne lui avait rien dit, une foi remise elle s’était d’elle même mise au travail pour l’aider. Ils avaient ainsi traversé de nombreux villages pour aider des miséreux malades, ils apportaient quelques remèdes contre le gîte et le couvert. Ce n’était bien sûr pas le chemin le plus court vers Pylos mais ils finirent par y arriver juste avant les grosses neiges qui bloquent les cols. Une grande ville représente une source de travail inépuisable pour un docteur et Orlamund avait largement eu le temps de se faire la main. Ce travail lui plaisait, pour une fois elle pouvait faire quelque chose en tant que femme et être respectée malgré tout.

Depuis le début du siège, c’est à peine si elle avait encore le temps de dormir. On ne comptait plus les fractures, les contusions et autres maladies dues au manque de nourriture. Dire que l’ennemi n’avait même pas encore donné un seul assaut. Pylos était une cité marchande, elle n’avait jamais été préparée pour la guerre. Orlamund descendit la grande allée de pierre qui s’éparait les quartiers hauts de la ville basse. Les soldats avaient besoin d’elle. Le poste de commandement avait eu droit à son premier bombardement cette nuit. Soit les assaillants avaient eu des problèmes pour le localiser soit ajuster un tir de catapulte était plus complexe qu’elle ne le pensait. Deux semaines à tirer au hasard dans la ville, il était temps qu’ils s’attaquent aux structures militaires et laissent les civils en paix. Elle entra dans le poste à moitié écroulé. Le docteur Terius était déjà présent en train d’opérer un homme à même le sol. Il découpait une jambe avec des ciseaux afin d’en retirer des échardes grandes comme la main. Livides deux des collègues du soldat tentaient de le maintenir au sol alors que celui-ci beuglait comme un forcené. A peine entrée que les blessés encore conscient l’implorèrent de venir les aider, tendant leurs mains vers elle. « Dame ! Dame ! Pitié ! Dame ! ». Elle inspira profondément et ferma les yeux, laissant son autre « moi » sortir. Elle sentit leurs âmes, ferma les yeux de ceux qui n’avaient aucune chance, les berçants dans un sommeil profond et sans douleur. Elle répara certains organes internes, cautérisa des plaies et endormit les épuisés. Tout était si simple sous cette forme spectrale. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, de retour dans son corps, le calme était revenu dans le bâtiment. Les quelques hommes valides présents la regardaient avec respect et leurs yeux presque larmoyants valaient tous les mercis du monde. Elle s’attela ensuite à bander les plaies. Elle avait laissé le blessé du docteur Terius entre les mains de celui-ci. Le docteur n’aimait pas qu’Orlamund décide pour lui du destin de ses blessés même si elle savait que celui-ci n’avait aucune chance. Lorsqu’il était épuisé le docteur la regardait avec haine. Il lui en voulait d’avoir si facile, que ce soit pour soigner ou pour tuer.

Les bombardements reprirent et Pinceur vint la chercher.
- C’est les halles s’te fois, y’a des morts. Tout scrabouillés qu’y sont.
Elle se demandait comment l’enfant supportait cette tension et cette violence quotidienne.
Le soir venu, elle s’écroula sur sa couche, trop épuisée pour se sustenter. Sa nuit fut agitée, des hommes broyés, des fractures ouvertes sur des os luisants de sang émergeait de la noirceur qui l’entourait et derrière elle entendait « Vois ce que tu m’obliges à faire petit oiseau. ».
Le tocsin la reveille au petit matin “Ding Ding Ding” sans arrêt. Les rues étaient encore plus désertes que d’habitude, seuls quelques chiens reniflant les détritus se promenaient encore. Tous les volets étaient clos et aucun officier n’était passé allumé les torches cette nuit donnant à la ville un air fantomatique.

Orlamund suivit la seule source de bruit en ce petit matin gris. Elle n’avait pas pris le temps de se laver et du sang séché maculait encore ses ongles.

Une grande clameur envahit l’air comme si les portes de l’enfer s’étaient ouvertes. L’ennemi assaillait les murs et était probablement en train de gagner. Elle croisa des soldats qui s’éloignaient des murailles. L’un d’entre eux la reconnu et lui attrapa le bras :
- N’allez pas par là, c’est la fin. Seule la mort vous y attend. Ils sont des milliers !
- Je ne recule pas devant mon devoir moi soldat !

Son ton autoritaire était revenu tout naturellement. Malgré ses mésaventures elle gardait son éducation de princesse encrée profondément en elle. Jamais aucun homme ne lui avait encore parlé comme ça. « …à part Devian » lui répondit une petite voix dans son crâne. L’homme la relâcha, surpris, il fit mine d’ajouter quelque chose mais se ravisa et s’enfuit. Elle se demanda où il espérait bien trouver refuge.
Elle en rencontra d’autres mais il semblait pourtant que le mouvement n’était pas général et que les murs tenaient toujours. Un officier haranguait ses troupes, tentant de leur redonner courage, bousculant les indécis, passant d’un poste à l’autre pour donner des conseils. Personne ne prenait la peine d’évacuer les blessés et si Orlamund voulait les atteindre elle allait devoir s’approcher de la tourmente.
Le bruit était assourdissant, elle gravit les marches et manqua tomber lorsqu’un autre soldat la bouscule pour passer et fuir. Les défenseurs ployaient. L’officier en attrapa un et avec son aide repoussa un échelle. Les hommes reprenaient courage de voir ainsi un haut gradé s’investir. L’ennemi donna alors le vrai assaut. Des milliers de gorges crièrent « Hou Chou Ha ! » et les hommes s’élancèrent. Déjà, un premier assaillant posait le pieds sur le rempart, puis un deuxième.
L’officier fut le premier à faire face, seul. D’un revers il envoya le premier valdinguer par-dessus les remparts. Le deuxième, lui, lui planta sa courte épée dans la jambe. Instinctivement, Orlamund sut que l’artère avait été touchée. Elle se projeta hors de son corps et colmata la brèche, rejoignit les tissus déchirés et insuffla sa force à l’homme avant même que celui-ci ne touche le sol.
Tout soldat convenablement entraîné courait au secours de son officier lorsque celui-ci tombait. Ce réflexe sauva l’homme d’un second coup d’épée qui lui aurait été fatal. Elle pouvait voir la livrée rouge et noire de l’assaillant alors qu’un autre le rejoignait. La pression subie ses dernières semaine ressorti à travers le voile apaisant qui l’entourait d’habitude. Elle attrapa le bras de l’homme et plongea son épée sur le casque de son compagnon, tranchant le cuir du casque comme du beurre. L’arme se planta dans l’os du crâne, le fissurant et faisant claquer les dents du malheureux qui surpris, se mordit la langue et se la coupa avant de mourir. Elle continua son mouvement et envoya l’ennemi par-dessus les murs s’écraser sur l’échelle en contre bas. L’officier bien qu’affaiblit s’était relevé et criait « Haro ! Haro ! Pour Pylos ! » Et elle reprit ce chant en chœur alors qu’elle faisait voler les corps hors de la muraille encore et encore.

Elle se réveilla bien plus tard, Pinceur à son côté était assis sur un tabouret, ses jambes bougeant sans cesse d’impatience. A peine eut elle ouvert les yeux qu’il sauta sur ses pieds tout content
- Z’aviez rien mangé mamzel. Puisement qu’il a dit l’doc.
Trop faible pour encore parler, elle avala l’eau que lui tendit le jeune homme.
- Y’a un soldat qu’est venu, y m’a mêm montré sn’ épée mêm qui parait qu’il a tué des gens vec!
Orlamund sourit. Voir pinceur si gai et au petit soin pour elle lui faisait presque oublié ce qui s’était passé. Elle lui ébouriffa les cheveux d’une main encore peu assurée et fut prise de vertiges.
- Deux zours que vous y dormez, deviez êt fatiguée mamzel.
Elle s’était déjà ruée sur le pain et la soupe à côté de son lit.

A peine Pinceur eut-il ouvert la porte, que l’officier se rua à l’intérieur et mit genou en terre.
- Par les saints vous êtes en vie ! Capitaine Jean pour vous servir.
Il lui prit la main et la baisa. Elle put mieux l’observer, une quarantaine d’année, le teint halé et la marque du cuir du casque marquait ses tempes. Il n’était pas bel homme avec ses dents gâtées et son nez de travers mais son regard était puissant et on réalisait vite qu’on était en face d’un homme qui avait l’habitude de commander.
- Ma Dame, nous vous devons la victoire ce jour là, il n’y a plus eu d’assaut depuis, l’ennemi nous craint. Vous avez été formidable ! Sans vous la ville serait tombée, je n’arrive pas à croire la chance que nous avons de vous avoir à nos côtés. Les gens pensent que c’est Aelor qui les protège mais je sais que c’est vous, je vous ai senti.
- Du calme dit-elle d’une petite voix en tentant de ramener les couvertures sur elle.
- Je...pardon Ma Dame, désolé de vous assaillir comme ça au réveil, vous devez être épuisée. Je tenais à vous remercier. Les hommes ont besoin de vous sur les remparts, ils savent qu’avec vous à nos côtés on ne peut pas perdre. Vous auriez dû voir ça ! Les gens sortaient de leurs maisons pour regarder l’ennemi voler hors des murs, les déserteurs sont revenus à leur poste ! C’est un miracle !
- Je, je ne suis pas sûre de comprendre mon implication dans tout ça, Capitaine.
L’homme fut décontenancé un instant et puis sourit.
- Ecoutez, je suis intimement convaincu que vous m’avez sauvé la vie. Je suis un soldat et les soldats ne survivent pas à une artère tranchée. Les gens savent que vous avez un don pour soigner et on a besoin de quelqu’un qui nous redonne espoir et courage. Que vous le vouliez ou non, ce quelqu’un c’est vous. Tout ce que je vous demande c’est de vous montrer, de donner une raison à ces hommes de mourir.
- Ce sont les blessés qui ont besoin de moi, soldat, je ne connais rien à la guerre.
- Personne ne pourra rien pour eux une fois l’ennemi dans la place. Je vous en supplie ma Dame.
- Je m’appelle Orlamund.
- Comme la princesse ?
- Comme la princesse...


Elle avait fini par céder, ne fut-ce que pour voir l’homme partir. Mais il avait tenu parole, à peine faisait elle ses premiers pas timides hors du lit qu’une couturière s’annonça. Une fois le travail terminé et qu’elle put s’admirer dans un miroir (un miroir ? depuis combien de temps ne s’était elle pas regardé ainsi ?) elle fut choquée de voir le changement opéré. Une robe de velours rouge à la doublure couleur sang, les bords sombres contrastait avec le teint clair se sa peau. Ses doigts maintenant sales et calleux juraient avec le reste de son corps encore frêle. Son visage était plus fin, presque émacié sur les mèches brunes qui lui descendaient sur les tempes. Ses yeux d’un gris bleu clair lui donnaient plus que son âge. Elle se surprit à se voir plus princesse maintenant qu’avant dans ses robes de fillettes qui valaient probablement plus que toute la maison du docteur. Cette robe-ci était faite pour être vue, pour la mettre en valeur et elle se sentit fière du résultat.
Pour la première fois depuis des mois, elle se mit à avoir confiance en elle et eut plaisir à se regarder dans ce miroir qu’elle avait évité depuis cette fameuse nuit. Elle se sentit fière d’avoir sauvé des vies, fière d’être utile et demandée, fière de ne plus être une petite fille. Et les larmes coulèrent le long de ses yeux, des larmes de regrets sur une enfance terminée mais aussi de joie pour sa nouvelle vie qui commençait.

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