A few thoughts, a few sayings

-"Je suis celui qui te connais quand tu fuis jusqu'au bout du monde" Jacques Bertin (Je suis celui qui court)

- "Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..." Saint-Exupéry (Petit Prince)

- "Et le plus beau, tu m'as trahi. Mais tu ne m'en as pas voulu" Reggiani (Le Vieux Couple)

- "We all got holes to fill And them holes are all that's real" Townes Van Zandt (To Live is To Fly)

- "Et de vivre, il s'en fout, sa vie de lui s'éloigne... Tu marches dans la rue, tu t'en fous, tu te moques, de toi, de tout, de rien, de ta vie qui s'en va." Jacques Bertin (Je parle pour celui qui a manqué le train)

- "I thought that you'd want what I want. Sorry my dear." Stephen Sondheim (Send in the clowns)

- "Pauvre, je suis de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace. Mon père jamais n'eu grand richesse, Ni son aïeul nommé Orace. Pauvreté nous suit à la trace, sur les tombeaux de mes ancêtres, Les âmes desquels Dieu embrasse! On n'y voit ni couronnes ni sceptres." François Villon (Pauvre, je suis)

- "Vous êtes prêts à tout obéir, tuer, croire. Des comme vous le siècle en a plein ses tiroirs. On vous solde à la pelle et c'est fort bien vendu" Aragon (Ce qu'il m'aura fallu de temps pour tout comprendre)

- "And honey I miss you and I'm being good and I'd love to be with you if only I could" Bobby Russell (Honey)

- "And I need a good woman, to make me feel like a good man should. I'm not saying I am a good man Oh but I would be if I could" Fleetwood Mac (Man of the World)

- "Je ne comprends pas ces gens qui peuvent s'installer n'importe où quand je cherche inlassablement avec la tête fermée que tu connais l'endroit où je retrouverai mon enfance" Jacques Bertin (Colline)

vendredi, septembre 21, 2007

Le Vengeur - Chapitre 23. Saymar - Retraite

Un chapitre écrit sous l'inspiration il y'a une semaine. Ecrit pendant un trajet de tram sur une feuille de papier comme je le fais de plus en plus souvent. C'est l'horreur à réécrire mais au moins j'avance.
Il y'a encore un travail de cohérence à faire notament concernant le nombre de soldats mais le premier jet est là.
J'aime à penser que la relation que Saymar et Anna entretiennent dans ce chapître est sincère et j'espère que ça passe à la lecture.

Musique d'inspiration: Cultus Ferox - Aufbruch (tanzmix)

Chapitre XXIII. Saymar - Retraite

« Bande de bigleux » qu’il avait traité les éclaireurs lorsqu’il s’était avéré qu’ils avaient eu tort et pas qu’un peu. Reste qu’il aurait mieux valu qu’ils le soient.
Ce n’était pas vint-cinq mille hommes qui avançaient mais à peine cinq mille. Le lieutenant Frihan n’avait rien trouvé de mieux que de sonner la charge. Les « soldats de la princesse », forts de leur supériorité numérique, avaient donc quitté les palissades et couru sus à l’ennemi. Saymar avait lancé un contre-ordre mais il était déjà trop tard. Seul un petit groupe était resté auprès de lui, quelques centaines tout au plus. Ses hommes n’avait pas tenu la formation plus de vingt pas, cassant les formations pour lesquelles ils s’étaient entraînés si durement ces derniers mois. Les vétérans restaient en place mais de là où Saymar se trouvait on avait l’impression d’un gros chaos avec la moitié des hommes dévalant la colline, l’autre marchant en petits groupes. De façon assez prévisible, ils se firent hacher menu.

Les liudmarkiens étaient des combattants formidables. Ils n’avaient pas bronché en voyant la horde humaine qui leur déferlait dessus. La première ligne avait aligné de grand boucliers ronds, les collants l’un à l’autre. Ils les tenaient fermement à deux mains, se déplaçant de guingois, l’épaule bien calée sous le haut de l’armature. Pliés derrière leurs murs protecteurs, on avait presque l’impression de voir l’horizon approcher. Mais ce n’était pas tant cette première ligne qui posait problème mais bien les suivantes, armées de lances de près de douze mètres de long. Avant d’atteindre le mur de bouclier, un assaillant devait d’abord traverser un vrai champ de pointes. Les piquiers tenaient leur arme à deux mains, balançant celle-ci dans un mouvement avant arrière rythmé par les tambours. Du point de vue de Saymar, ce balancier mortel était fascinant.
De près, ce devait être encore plus impressionnant, les premiers « soldats de la princesse » stoppèrent net leur avancée stupide, pas les autres. Une bousculade s’ensuivit, poussant des malheureux dans le piège mortel de l’ennemi. Les piques rentrèrent dans les hommes comme dans du beurre et en sortirent rougies de sang. La moitié des hommes cherchaient à faire demi-tour, l’autre à se battre, ce fut un vrai carnage. Les troupes aguerries arrivèrent enfin au contact, bousculés, malmenés, ils s’en tiraient mieux mais pas suffisamment bien pour renverser le cours de la bataille. Ils atteignirent les défenses ennemies grâce à leurs petits boucliers incurvés et à leurs épées courtes qui permettaient d’écarter les hampes. Mais l’ennemi avait plus d’un tour dans son sac ou plutôt plus d’une arme dans sa besace. De dessous les boucliers sortirent des lames courbes qui s’attaquèrent aux jambes des assaillants. Les cadavres s’amoncelaient et Saymar avait ordonné l’ordre de retraite bien avant que les cavaliers léger du Liudmark ne fassent leur apparition scellant le sort de la bataille. Il doutait que l’ennemi eut à compter beaucoup de victimes. Il se retourna vers ses hommes et femmes qui l’observaient plein d’espoir et dit simplement :
- On se casse !

C’était il y’a quelques jours déjà. La cavalerie légère les harcelait, empêchant toute fuite vers le sud.
Les fuyards isolés étaient abattus sans merci et Saymar commençait à se douter qu’ils cherchaient à les acculer. Ce serait une victoire tellement plus douce pour Frederik de Liudmark que d’arriver à capturer et à faire pendre plusieurs centaines de « brigands », de quoi remonter sa popularité auprès du peuple.
Pourtant Saymar souriait, cet imbécile de Laurent avait été parmi les premiers à tomber et Anna ne semblait pas plus abattue que ça. Elle et les femmes soldats, « les Franches » comme elles se plaisaient à se nommer maintenant, étaient restées près de lui. C’était probablement ce qui les avait tous sauvés. La plupart étant trop frêles pour porter une épée étaient équipées d’arc. L’ennemi n’était pas assez fou pour avancer sous une pluie de flèche alors qu’il suffisait d’être patient pour attraper sa proie.
Anna était maintenant seconde des Franches, son éducation, sa hargne et son ton autoritaire avait joué en sa faveur surtout que tous savait que Saymar l’avait prise en affection « comme sa propre fille » qu’ils disaient. « Bande de cons ! » Ils semblaient tous voir en lui quelqu’un qui n’existait pas et ça l’emmerdait. « p’têt pour ça que j’aime s’te salope. Au moins elle, elle me déteste. » marmonna-t’il.
Comme souvent chez les femmes, il y’avait une certaine rivalité au sein de leur groupe mais le plaisir que celles-ci avaient à humilier les hommes semblaient suffire pour l’instant à les garder soudées. Saymar s’en foutait, qu’elles aient des nichons ou pas tant qu’elles savaient se battre.
Il se demanda si le général Mark s’en était sorti. Il ne l’avait pas vu suite à la débandade et se demandait pourquoi il avait laissé son officier ordonner une charge aussi débile alors qu’ils étaient censés être des soldats aguerris. Un homme comme lui aurait dû sentir le vent tourner bien avant l’issue de la bataille. N’empêche, Saymar n’était pas pressé de le revoir, enfin libre ou presque, plus de grosses armée à commander, plus d’exemple à donner. Que chacun se débrouille, lui, il allait sauver sa peau. Valait mieux être lâche et vivant que con et mort.

Ils arrivèrent en vue du lac de Jerfaux, il leur fallait absolument arriver à contourner celui-ci par le nord pour ne pas être coincé entre leurs poursuivants et la ville de Valars qui devait être pleine de troupes.
Il décida donc de poursuivre leur fuite durant la nuit. Ils installèrent un faux campement pour la nuit et y laissèrent quelques volontaires sous les ordres de Laurra et Haytor histoire d’y donner un semblant de vie. Ils partirent en silence le long des berges boueuses du lac. En voyant ses belles bottes crottées, il pensa que c’est à ce moment là dans sa vie que tout avait merdé, le jour où il avait sali ses nouvelles bottes. Pilton traînait la patte, il n’était plus que l’ombre de lui-même, dépassé par les événements, il évitait Saymar un maximum. C’est Anna qui marchait à ses côtés dans la longue colonne silencieuse qui les menait seuls les Saints savaient où. Il espérait encore pouvoir atteindre la frontière des Cités Libres bien qu’il ne savait pas si une colonne d’hommes et femmes en armes pourrait y pénétrer.
Anna était belle et farouche, sa peau était mouchetée de gouttelettes. Il avait pourtant presque réussi à l’oublier dernièrement, trop occupé par les préparatifs guerriers mais il s’était toujours douté qu’elle ne le laisserait pas s’en sortir aussi facilement. Il se demanda jusqu’où elle était allée avec son petit soldat. Etait-elle encore vierge ? L’avait-elle jamais été lorsqu’il l’avait rencontrée ? Qu’elle avait été la part de vérité dans tout ça ?
Indécis et plus habitué aux passes d’une nuit qu’aux affaires de cœur, Saymar n’osait rien dire. Elle le regardait en coin et il fallut attendre une bonne heure de marche avant qu’elle ne se décide à prendre la parole. Il dut se concentrer pour la comprendre, malgré le calme de la nuit, sa voix n’était qu’un murmure. Il détestait ça.
- Tu crois qu’on va s’en sortir ?
- C’est seulement maintenant que tu t’en inquiètes ?

- Je ne sais pas. Je ne me suis jamais vraiment posé la question. Elle marqua une pause.
- Pourtant j’ai souhaité votre mort à tous pendant longtemps mais…aujourd’hui vous êtes ma seule famille.
Il était étonné par cette franchise, était-ce un nouveau jeu ou tentait-elle vraiment de se réconcilier avec lui ?
- Cette vie n’est pas si terrible si on aime marcher et qu’on n’a pas peur des éléments. Ajouta-t’elle en s’essuyant les gouttes du visage.
- Non. C’est pas si terrible. Rien n’est vraiment insurmontable…
Il laissa sa phrase en suspends, que pouvait-il lui dire, cette vie était meilleure que celle qu’il avait vécue avant à faire un boulot de merde et il n’avait jamais connu l’opulence lui.
- …à part les douleurs de cœur. J’ai compris cela maintenant. Finit-elle.
- Tu l’aimais ?
Elle prit son temps pour répondre.
- Non, enfin pas vraiment mais il était gentil avec moi et j’avais besoin d’une certaine tendresse.
Saymar ne se sentait pas très à l’aise de parler d’un autre homme ainsi, un soupçon de jalousie lui tordit l’estomac.
- Il était jeune. Dit-il en haussant les épaules.
- Oui.
Elle savait qu’il ne parlait pas de son âge mais bien de son inexpérience. Il faillit sortir une banalité telle que « Il est mort en héro ! » mais cela lui sembla tellement stupide qu’il pouffa.
Elle sourit, se méprenant sur sa réaction ou peut-être pas.
- On a tous le droit d’être fleur bleue de temps à autre. Il trouvera sa place auprès des Saints.
Il n’avait rien à redire à cela, il n’était même pas sûr de savoir si elle parlait du jeune soldat ou d’elle-même.
- Et nous ? ajouta-t’elle timidement.
A ça non plus il ne savait pas quoi répondre. Se demandait-elle s’ils allaient avoir une place de choix après leur mort ou parlait-elle d’un possible « nous », de la relation ambiguë qu’ils entretenaient.
Le cœur battant, il haussa les épaules. Pourquoi fallait-il que son esprit s’imagine plein de choses, de non-dits chaque fois qu’elle lui adressait la parole ?
Il respira profondément, s’enivrant de l’odeur nocturne. La lune faisait miroiter les petites vaguelettes qui parcouraient les bords du lac.
- Le vent se lève. dit-il.
Mais dans sa tête il l’entendait murmurer « Et Nous ? »
Son ventre se crispa de la savoir si proche et pourtant si inaccessible. Ils continuèrent de marcher en silence. Elle suivait son rythme malgré la différence de taille et ils distancèrent peu à peu les autres.
- J’ai froid. Dit-elle simplement en lui prenant la main.
Un frisson lui parcouru le corps, comme si son sang venait de devenir chatouilleux. Il ne dit rien, trop surpris mais lui passa un de ses manteaux de fourrure sur les épaules.
Elle lui reprit la main, serrant un peu. Elle pleurait en silence et il comprit que tout ce qu’elle avait voulu avec Laurent c’était de croire en une jeunesse qui lui avait été refusée jusqu’ici. Mais il ne savait toujours pas ce qu’elle attendait de lui, une vengeance était-elle encore à l’ordre du jour ?
Il ne dit rien car rien ne pouvait être dit qui ne gâcherais ce moment.
Son esprit vagabonda, loin devant eux par delà les distances, dans les Cités Libres. Les y accepteraient-on ? Qu’y ferait-il ? Peut-être pourrait-il partir dans les îles d’été avec Anna. Il avait entendu des histoires merveilleuses sur un soleil sans fin et des dieux poissons.
Lorsqu’ils s’arrêtèrent enfin au petit matin, elle dormit blottie contre lui et il continua à se poser des questions sur leur futur tout en lui caressant les cheveux. Elle avait beau les avoir coupés courts ils étaient toujours aussi doux.

Ce n’est qu’une semaine plus tard, fourbus et affamés qu’il eu la réponse à ses interrogations. Ses seconds avaient réussi à les rejoindre, tout semblait aller pour le mieux et ils étaient près de la frontière.
Si près du but, l’affluent de la Synd enfin en vue, un éclaireur, essoufflé, vint leur annoncer le verdict. « Des burgans, des milliers non ! Des dizaines de milliers de burgans ! »
Décidément Saymar n’aimait pas les éclaireurs et celui-ci lui sembla soudainement hideux. Il eut envie de lui arracher la langue de sa bouche vineuse, de lui couper les oreilles à la dague et de lui rentrer son air ahuri à coups de poings. Il serra la garde de sa dague mais Anna lui posa la main sur le bras arrêtant son geste.
- Ils sont là. Sa voix n’était plus qu’un soupir.
L’armée burganne arrivait et Saymar n’avait jamais rien vu de tel. Des monstres énormes, cornus et reluisant sous le soleil avançaient, menaçants. Dans le vent traînaient des étendards rouge sang. Des cavaliers passèrent au loin entamant une manœuvre d’encerclement.
Les jambes flageolantes, il se pencha pour vomir un bile claire.
- Fait chier de crever le ventre vide. Dit-il en se relevant et en s’essuyant la bouche.
Anna était pâle. On aurait dit une statue de cire et Saymar se dit qu’il aurait mieux fait de la baiser quitte à clamser, ne fut-ce qu’une fois avant la fin.« Verte couille ! ».

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