A few thoughts, a few sayings

-"Je suis celui qui te connais quand tu fuis jusqu'au bout du monde" Jacques Bertin (Je suis celui qui court)

- "Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..." Saint-Exupéry (Petit Prince)

- "Et le plus beau, tu m'as trahi. Mais tu ne m'en as pas voulu" Reggiani (Le Vieux Couple)

- "We all got holes to fill And them holes are all that's real" Townes Van Zandt (To Live is To Fly)

- "Et de vivre, il s'en fout, sa vie de lui s'éloigne... Tu marches dans la rue, tu t'en fous, tu te moques, de toi, de tout, de rien, de ta vie qui s'en va." Jacques Bertin (Je parle pour celui qui a manqué le train)

- "I thought that you'd want what I want. Sorry my dear." Stephen Sondheim (Send in the clowns)

- "Pauvre, je suis de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace. Mon père jamais n'eu grand richesse, Ni son aïeul nommé Orace. Pauvreté nous suit à la trace, sur les tombeaux de mes ancêtres, Les âmes desquels Dieu embrasse! On n'y voit ni couronnes ni sceptres." François Villon (Pauvre, je suis)

- "Vous êtes prêts à tout obéir, tuer, croire. Des comme vous le siècle en a plein ses tiroirs. On vous solde à la pelle et c'est fort bien vendu" Aragon (Ce qu'il m'aura fallu de temps pour tout comprendre)

- "And honey I miss you and I'm being good and I'd love to be with you if only I could" Bobby Russell (Honey)

- "And I need a good woman, to make me feel like a good man should. I'm not saying I am a good man Oh but I would be if I could" Fleetwood Mac (Man of the World)

- "Je ne comprends pas ces gens qui peuvent s'installer n'importe où quand je cherche inlassablement avec la tête fermée que tu connais l'endroit où je retrouverai mon enfance" Jacques Bertin (Colline)

dimanche, octobre 07, 2007

Le Vengeur - Chapitre 26. Arnulf "Lapin-Tordu" - Le duel

Un chapitre écrit assez rapidement, Saymar et Arnulf m'ont toujours facilité la tâche. :)
Un combat nécessaire pour un chapitre qui ne l'était pas vraiment. Etrangement je me traîne, j'ai peur d'aborder la fin, je laisse à mes personnages encore un peu de temps avant le grand saut. Ce chapitre marque donc la fin de l'avant dernier cycle, j'attaque bientôt la dernière ligne droite.

Photo d'Erlend?

Musique d'inspiration: Mike Oldfield - Tubular Bells / Corvus Corax - Furatum Alci Provinciam


Chapitre XXVI. Arnulf « Lapin-Tordu » - Duel

L’armée burganne serpentait sur plusieurs dizaines de kilomètres. Vue du ciel, elle devait ressembler à un gigantesque serpent. D’ailleurs c’était la tribu des Serpents qui s’occupaient de la reconnaissance aujourd’hui. Leur petite taille les avantageait sur ce terrain marécageux et leur permettait de mieux s’en sortir face aux embuscades ennemies. Ceux-ci évitaient toute confrontation directe, leurs cavaliers légers harcelaient leurs flancs et leurs fantassins s’attelaient à saboter les ponts. Arnulf ne pouvait pas faire avancer ses hommes plus vite, la colonne s’étirait déjà bien trop. De plus, il fallait faire de nombreuses expéditions dans les villages alentour pour récupérer la nourriture nécessaire à tout ce petit monde. Sans parler des sudistes…

Le chevalier scintillant lui avait assuré qu’ils n’étaient pas une menace, qu’ils voulaient juste profiter de la protection burganne tant que les hommes de fer étaient proches. Arnulf ne pouvait pas les considérer comme des alliés et il pestait sur le fait de devoir les nourrir sans recevoir de contrepartie. D’après le chevalier, ils s’étaient nommés les guerriers de la princesse, en rapport avec une princesse de royaumes encore plus au sud qui avait été enlevées par les hommes de fer. Arnulf s’était bien sûr posé la question si la vierge sanglante ne pouvait être cette même personne mais vu que personne ne savait où elle était il n’était pas beaucoup plus avancé. Son armée était canalisée vers le sud vers ce qu’il pensait être une force ennemie importante. Les sudistes étaient des personnes étranges, ils buvaient jusqu’à plus soif sans n’avoir rien à fêter et traînaient livides le lendemain en queue de colonne avec les bêtes, pataugeant dans la boue. Ils avaient malgré tout réussi à s’attirer les sympathies de la tribu des panthères, Alwin lui avait confié que c’était principalement dû aux guerrières qui les accompagnaient et aussi un peu aux hommes. Mélanger un peu le sang burgan ne ferait pas de mal. Il avait couché avec elle dernièrement, elle n’avait pas caché son envie de lui alors qu’elle ignorait superbement les avances des autres guerriers. Elle savait aussi qu’il ne s’était laissé faire que par faiblesse et non par amour.
Cela ne semblait pas la gêner, peut-être avait-elle besoin d’une relation charnelle et sauvage car c’était ainsi qu’ils faisaient l’amour. Peut-être était-ce juste parce qu’elle voulait qu’il reste fort et qu’il avait besoin de cet exutoire pour braver les épreuves de ces derniers temps ? Pourquoi se sentit-il si coupable alors ?
Les guerriers ne se privaient généralement pas pour violer ou prendre maîtresse, ça faisait partie du métier tout autant que le combat. De plus, Alwin n’était pas n’importe qui, son statut l’empêchait de prendre mari et puis au final elle avait déjà porté sa semence. Elle le comprenait mieux que ne pourrait jamais le faire sa femme et pourtant, pourtant, il avait cru en l’amour unique et indéfectible. Il en avait été si fier mais elle n’était pas là et ne pouvait comprendre le mal qui le rongeait, il fallait déjà avoir tué pour cela. Tuer encore et toujours, jusqu’à ce que les visages connus et inconnus des morts viennent nous visiter la nuit et réclamer vengeance. Aujourd’hui ne serait pas différent, il allait encore y avoir un visage à rajouter à la foule qui attendait les prémisses du sommeil.
Irkan. Le jeune homme semait la discorde, prétextant qu’Arnulf n’était plus capable de diriger, qu’il devenait mou et faible. Le jeune homme avait bien des qualités mais il avait tendance à oublier sa place et courait trop après les honneurs. Sa langue acérée avait déjà fait trop de mal. Les hommes commençaient à douter de leur chef, ils ne comprenaient pas pourquoi on ne tuait pas les prisonniers, pourquoi la croisade vers le Sud s’était transformée en longue marche interminable et pourquoi on évitait le combat. Il haussa les épaules, peu importe s’ils comprenaient ou pas mais il fallait qu’ils obéissent. Aujourd’hui, Irkan avait l’occasion de prouver sa valeur et il n’oserait pas la laisser passer, dut-il y laisser la vie. Arnulf considérait cependant que le jeune homme avait peu de chance de vaincre, il avait trop peu d’expérience du combat et les duels amicaux qu’il avait du faire n’égalaient en rien un combat à mort.
Pourtant, son adversaire était plus jeune, plus agile et pouvait très bien l’emporter sur sa force. Arnulf envisagea alors la défaite un instant. Il serra les mains et les tendit devant lui. « Ta vue baisse ! » grommella-t-il. Trente-six ans déjà. C’est la première fois qu’il envisageait sereinement de vieillir. Son père lui répétait quand il était jeune : « Le mieux que tu puisses espérer c’est de partir avant tes enfants ». Ses enfants, Arnulf ne les avait jamais vus et il voulait vivre pour le faire, les voir rire et les porter dans ses bras. Les dieux lui laisseraient-ils l’occasion de les voir grandir ? Il était déterminé, il en tuerait dix comme Irkan s’il le fallait.

C’est un soleil timide qui accueillit le duel. De longs nuages noirs striaient le ciel en lui donnant une teinte sombre comme un crépuscule. Arnulf suait déjà, des gouttes froides lui tombaient des aisselles. Les Burgans formaient un cercle large autour d’eux. Le silence était pesant, l’instant était grave et seule une tribu neutre et impartiale désignée par les parties en présence avaient le droit de jouer pendant le combat afin d’éviter toute tricherie ou influence de la part des clans concernés. D’un commun accord, le choix s’était porté sur la tribu des Serpents, Arnulf avait même donné la mission d’éclaireur aux Panthères aujourd’hui. Il ne voulait pas qu’Alwin soit présente et puisse réagir si les choses tournaient mal. Ils étaient trop proches et une intervention de sa part pourrait signifier une guerre de clan. Il y’avait ça et puis il y’avait la peur qu’elle meure, laissant leur enfant seule.
Il fit jouer ses muscles, ses paupières tressautaient un peu du manque de sommeil.
Irkan fendit la foule et se plaça face à lui. Son corps était enduit d’huile et il arborait des peintures de guerre. Les Serpents commencèrent à jouer de leurs fluttes traverses au son clair accompagnés par des xylophones en bois. Irkan souriait et saluait son public, le maquillage cursif qui lui entourait les paupières lui donnait un air plus terrifiant et permettait en même temps de distraire l’adversaire.
Arnulf ne s’en formalisa pas, il se dit juste que l’huile allait rendre le combat un peu plus sportif, il allait devoir réagir vite pour arriver à garder prise sur un poisson glissant.
Ils commencèrent à se tourner autour, les regards se croisant, chacun cherchait à deviner qui allait faire le premier mouvement.
Arnulf se déplaçait en crabe, les bras prêt à embrasser son ennemi, il avait refusé le couteau de rituel, persuadé de ne pas en avoir besoin. Cela l’aurait perturbé, avec sa force il n’avait pas l’habitude de se battre avec des armes si petites. Son adversaire, lui, le tenait à bout de bras, légèrement en hauteur, prêt à lui plonger dessus. Se doutant que la patience n’était pas le fort du jeune homme il attendit la première attaque, ses pieds nus tâtant le sol sous ses pas. Les visages sérieux autour d’eux devinrent flous à mesure qu’il se focalisait sur son adversaire. Les minutes semblèrent durer des heures, les deux hommes respiraient calmement mais leur front s’ornait de goûtes de sueurs.
Irkan se fendit soudainement, manquant surprendre Arnulf par un coup direct au cœur. Celui-ci recula précipitamment, récoltant une entaille au passage. Ainsi, le jeune homme cherchait à en finir au plus vite, il ne prenait pas de risques inutiles et ne cherchait pas à faire durer le suspense. Il était peut-être plus malin qu’il n’en avait l’air ou il avait reçu des conseils avisés de plus sages que lui.
Le ciel se couvrait de plus en plus, donnant à la scène un air de fin du monde. Les spectateurs retenaient leur souffle, nombreux étaient ceux juchés sur des bottes de pailles afin de mieux voir. Irkan attaqua à nouveau, vers le bas cette fois, Arnulf lui attrapa la main mais l’huile rendait la prise glissante et il ne put arrêter le bras armé à temps. Deux entailles déjà, l’une au torse, l’autre sur le biceps, ça faisait beaucoup pour une première passe d’arme, surtout que ce genre de blessures fines démangeait à chaque fois qu’il bougeait.
Le jeune homme attaqua encore, décidé à ne pas faire durer le duel et à pousser son avantage obligeant Arnulf à éviter ses coups les uns après les autres, souvent de justesse.
Celui-ci continuait d’attendre son heure, il recevait de plus en plus d’entaille et reçut même un coup plus grave au côté mais lorsque le moment lui sembla propice il se déporta sur le côté, attrapa les cheveux du jeune homme et les lui tira d’un coup sec, arrachant une touffe. Attributs sacrés pour sa tribu, l’autre ne put s’empêcher de s’énerver et tenta de lui cracher dessus en l’insultant.
- Tu es trop soucieux de ton apparence, enfant, toutes tes parures ne transformeront jamais un rhinocéros en lion.
- Pourtant il ne faut pas grand-chose aux lions pour devenir des limaces, grand père
.
Tout le clan des lions se raidit sous l’insulte, certains portant la main à leur arme.
Irkan, haineux, ne semblait même pas avoir remarqué l’émoi qu’il avait causé. Il attaqua encore et encore couvrant son adversaire d’autres zébrures, il réussit même à le toucher au visage en agrippant la barbe d’Arnulf. Celui-ci avait réussi à repousser son bras juste à temps avant d’envoyer un coup de genou formidable contre sa cuisse.
Le jeune homme était plus prudent maintenant qu’il boitait légèrement. Le sang couvrait le visage d’Arnulf, l’obligeant à s’essuyer les yeux de temps en temps.
Il se mit à pleuvoir et Arnulf en remercia les dieux. Il se sentait mieux, la pluie nettoyait le sang et lui permettait aussi d’assouvir la soif qui le tenaillait. Il se mit à sourire, le lion endormit avait fini sa sieste.
Il lança quelques feintes, attaquant à droite pour lancer son bras vers la gauche. Il avait déjà réussi à faire tomber son adversaire par deux fois mais pas encore à l’agripper fermement. Les dieux étaient de son côté, il en était certain. Il approcha de plus en plus, Irkan maintenant prudent préférait reculer. Le cercle de spectateurs s’ouvrit devant eux, la musique était légère et semblait donner une note métallique aux goûtes de pluie.
D’une manchette, Arnulf frappa l’épaule qui tenait le couteau et profita de l’effet de surprise pour asséner une claque retentissante au jeune homme. La pluie se faisait plus dense, l’eau coulant en minces rigoles dans la boue sous leurs pieds. Arnulf pieds nus avait un avantage sur un sol humide et boueux. Irkan attaque le flanc, tentant de contourner par la droite. Affaibli, glissant, il fut trop lent. Arnulf accueillit son coup pour mieux pouvoir agripper le jeune homme. Le couteau s’enfonça dans son flanc, il espéra juste qu’il ne touchait aucun organe vital et serrant les dents, grognant il serra le cou du jeune homme, que celui-ci n’avait pas jugé bon de huiler. Il le souleva du sol, d’un revers il envoya le jeune homme s’écraser sur le sol en lui maintenant le poing qui tenait encore l’arme. Irkan toucha le sol dans un craquement alors que son poignet se brisait et qu’il laissait échapper le poignard dans la boue. Combatif, il tenta tant bien que mal d’envoyer un pied au visage d’Arnulf mais celui-ci ne jouait plus.
Il serra sa prise sur le pied et vit voler Irkan une seconde fois, l’envoyant s’écraser face dans la boue et glisser sur plus d’un mètre. Un peu sonné celui-ci n’eut pas le temps de se relever qu’Arnulf était déjà sur lui, l’agrippant par les cheveux et tirant sa tête en arrière.
- Déclare forfait, devient un sans clan et promet de ne jamais revenir en terre burganne et tu auras la vie sauve.
Ce qui pour un burgan était pire que la mort mais Arnulf répugnait à verser le sang de son peuple. La face boueuse, le jeune homme toussa et cracha, dévoilant ses dents blanches dans un sourire moqueur.
- Crève vieillard.
Arnulf était content de voir qu’il se comportait en vrai Burgans devant la mort. Il agrippa la tête d’Irkan sous son bras et lui murmura :
- Tu es un brave, j’aurais préféré t’avoir comme fils que comme ennemi. Garde une place pour moi auprès des dieux.
- Moi pas
.
Il abrégea le supplice en lui écrasant le nez dans le visage. Le dernier regard qu’Irkan lui adressa fut un de remerciement avant que la douleur ne le fasse hoqueter et tourner le regard vers des cieux que lui seul pouvait voir.
Les Serpents avaient arrêté de jouer, il contempla les visages moroses alentours. Personne ne se réjouissait, un homme, un guerrier, un frère, un ami était mort. Son rôle de chef ne serait plus contesté pour un temps mais il avait payé cher sa victoire. L’adrénaline était partie, le laissant chancelant, affaibli. Il refusa les mains tendues de ses hommes et boita vers sa tente. Il avait perdu beaucoup de sang, comment avait-il pu combattre. Les dieux allaient-ils l’abandonner maintenant ?
Alwin l’attendait devant sa tente, rapidement elle se glissa sous son bras et l’aida à entrer.
- Co…Comment ?
- Tu croyais vraiment que je n’étais pas au courant ?
- Mais tu n’es pas venu voir ?
- Je connais les règles tout comme toi, et je préfère laisser les vieux lions grincheux faire ce qu’ils veulent, ils reviennent toujours à la maison.
- Merci.

Ce qu’il aimait cette femme, réalisa-t-il. Il lui toucha le sein, un sourire aux lèvres.
- Bas les pattes, le vieux, tu n’es plus en état.
- Je ne suis pas si vieux.
- Tu as des cheveux blancs.
- Oh…
- Que va-t-on faire maintenant ?
- On continue, vers le sud. Les dieux nous guident, sinon je n’aurais pas gagné aujourd’hui. On la trouvera bien cette vierge sanglante.

Elle sourit.
- Si je n’étais pas si au courant de tes ébats, je pourrais croire que c’est toi.
- J’ai si mauvaise mine ?
- Terrible, on croirait voir un bouc mangé par les loups.
Dit-elle en l’embrassant. Une larme lui coula sur la joue.
- Tu pleures ?
- De te voir en vie, vieux fou.
- Ma femm…
- Shhhh.
Elle lui posa un doigt sur les lèvres et puis le monta.
Jamais il n’aurait cru avoir encore de l’énergie pour ça et pourtant, il n’était pas sûr de savoir lequel des deux fatiguait le plus l’autre lors de cette chevauchée sauvage. Il s’endormit juste après d’un sommeil sans rêve et les morts le laissèrent tranquille.

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