A few thoughts, a few sayings

-"Je suis celui qui te connais quand tu fuis jusqu'au bout du monde" Jacques Bertin (Je suis celui qui court)

- "Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..." Saint-Exupéry (Petit Prince)

- "Et le plus beau, tu m'as trahi. Mais tu ne m'en as pas voulu" Reggiani (Le Vieux Couple)

- "We all got holes to fill And them holes are all that's real" Townes Van Zandt (To Live is To Fly)

- "Et de vivre, il s'en fout, sa vie de lui s'éloigne... Tu marches dans la rue, tu t'en fous, tu te moques, de toi, de tout, de rien, de ta vie qui s'en va." Jacques Bertin (Je parle pour celui qui a manqué le train)

- "I thought that you'd want what I want. Sorry my dear." Stephen Sondheim (Send in the clowns)

- "Pauvre, je suis de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace. Mon père jamais n'eu grand richesse, Ni son aïeul nommé Orace. Pauvreté nous suit à la trace, sur les tombeaux de mes ancêtres, Les âmes desquels Dieu embrasse! On n'y voit ni couronnes ni sceptres." François Villon (Pauvre, je suis)

- "Vous êtes prêts à tout obéir, tuer, croire. Des comme vous le siècle en a plein ses tiroirs. On vous solde à la pelle et c'est fort bien vendu" Aragon (Ce qu'il m'aura fallu de temps pour tout comprendre)

- "And honey I miss you and I'm being good and I'd love to be with you if only I could" Bobby Russell (Honey)

- "And I need a good woman, to make me feel like a good man should. I'm not saying I am a good man Oh but I would be if I could" Fleetwood Mac (Man of the World)

- "Je ne comprends pas ces gens qui peuvent s'installer n'importe où quand je cherche inlassablement avec la tête fermée que tu connais l'endroit où je retrouverai mon enfance" Jacques Bertin (Colline)

lundi, octobre 08, 2007

Le Vengeur - Chapitre 27. Thibaut - L'homme Roland.

!!!! SPOILERS - Evitez de lire ce chapitre si vous n'avez pas lu ceux qui précèdent. !!!!

Un chapitre facile à écrire mais difficile émotionnellement à terminer. C'est le dernier chapitre de Thibaut, le premier personnage que je termine. Un petit pincement au coeur et une humeur au fond des chaussettes. Et dire que tout ça fut écrit à cause d'un petit matin brumeux.

Musique d'inspiration: Hans Zimmer - Injection.


Chapitre XXVII. Thibaut - L’homme Roland

Il se demanda si le dieu cornu était venu l’accueillir sur terre. La brume était si épaisse qu’on ne voyait pas à vingt pas. Pourtant, il galopait, droit devant, sur les lignes burgannes. Il les entendait, leurs tambours résonnant sans relâche accompagnés d’il ne savait quelles cornes. Thibaut était confiant, les Burgans étaient trop fiers pour monter une embuscade et brume ou pas il allait les écraser.

Il entendait le martèlement des sabots tout autour et derrière lui. Un boucan d’enfer et pourtant il ne voyait que les cavaliers qui se tenaient à ses côtés, les autres n’étaient que des formes fantomatiques qui apparaissaient parfois avant de disparaître à nouveau dans le rideau de brouillard. Penché sur l’encolure de son cheval, son bacinet fortement secoué, il repensa amèrement aux dernières semaines écoulées.

Tout, tout avait échoué à cause d’une seule et même personne : Orlamund Forcefer. Un grain de sable royal qui avait tout balayé. Cette chienne superbe avait insufflé la peur dans le cœur de l’armée la mieux disciplinée du monde civilisé. La moitié des hommes avait assisté à la mise à mort du prince et de la moitié de la noblesse. Que faire contre un ennemi qu’on ne peut ni voir ni toucher ? Thibaut n’avait pas la réponse et il considérait que la campagne était un échec.
Il ne devait pas être le seul dans le cas car la plupart des nobles survivants s’étaient retirés avec leurs troupes, ils rentraient au pays ou vers Valars. Ceux qui restaient s’étaient disputés pour le contrôle de l’armée ce qui n’arrangeait en rien le moral de celle-ci. La discipline se relâchait et il n’y pouvait pas grand-chose. Il avait essayé de mettre ce temps à profit pour comprendre les motivations de Roland. Celui-ci observait un mutisme inquiétant et souriait peu contrairement à son habitude.
- Tu la connaissais ? lui demanda Thibaut un soir alors qu’ils buvaient du vin à la belle étoile.
- Pas personnellement… répondit celui-ci distraitement.
- Des fois, j’ai l’impression que tu la hais, elle t’a fait quelque chose ?
- Ah parce qu’à toi elle ne t’a rien fait ? Elle vient d’anéantir toutes nos chances de remporter cette guerre.
- Je ne parle pas de ça
Le regard de Roland flamboya
- Qu’est-ce que ça peut te foutre, gamin.
- Je m’inquiète.
- Tu t’inquiètes ? Qu’est-ce que ça change ? Je ne veux pas de ta pitié. Ma famille entière a été massacrée par les Forcefer. Un jour, ils paieront.
- Ah…Je suis désolé.
- Désolé, c’est tout ce que tu sais faire, je n’aurais pas été là que tu serais encore désolé dans un cachot à Montveilh. J’ai passé des années à m’entraîner, à planifier, à espionner la cour, à me rapprocher d’eux, à découvrir leur visage marqué par l’infamie. Des années…

Il contemplait le miroitement du breuvage dans son gobelet.
- Qui es-tu ? Vraiment ? Tu n’es pas le fils de l’évêque de Rochefaud n’est-ce pas ?
- Pas vraiment, même si le vieux s’est plié de bonne grâce à la comédie.
- Alors ?
- Quoi ?
- Qui es-tu ?
- Mèle toi de ce qui te regardes.
- Toi tu sais bien tout de moi.
- Pour ce qu’il y’a à savoir sur un nobliaux.
- Va te faire foutre.

Roland sourit, un instant Thibaut cru avoir retrouvé son ami.
- Roland Lapert pour te servir, enfin c’est plutôt toi qui devrait le faire.
Il faisait la comédie, se levant et faisant une courbette, le coude levé comme s’il tenait une longue cape soyeuse.
- Arrête tes conneries ! Allez dis-le moi.
Ils avaient rit et bu encore un peu, se moquant du nouveau personnage de Roland. Il ne s’était pas attendu à ne plus le revoir. Le lendemain, Roland avait disparu, il avait emporté son paquetage sans laisser aucune trace. Personne ne savait où il avait disparu. Ce n’est que deux heures plus tard que Thibaut réalisa que Luclin manquait aussi à l’appel. Il réalisa à quel point il avait considéré le géant comme un meuble qui l’accompagnait partout. Un sentiment de solitude poignant l’envahit. Ceux qu’il croyait être ses amis avaient disparus, ils étaient partis sans lui. Rentrant dans sa tente, il s’affala sur son lit et y découvrit un mot sous l’oreiller. « Gamin, rentre chez toi. Amitiés Roland. »
Il l’envisagea un instant, retrouver ce qui restait de sa famille, pleurer un peu dans les bras de sa mère et serrer Sorj et Eliana dans ses bras. Puis il sortit prendre l’air et là il vit ses hommes, enfin les hommes de Frida. C’est pour elle qu’ils restaient et se battait. Certains d’entre eux avaient des femmes et des enfants qu’ils désiraient revoir et pourtant ils étaient encore là, pour l’honneur. Quelque chose que personne ne pouvait leur enlevé. Il ne pouvait décemment pas revenir vers Frida couvert de déshonneur, elle ne l’accepterait pas. Il fallait qu’il reste et montre de quoi il était capable.
Cela faisait quelques jours qu’on annonçait une colonne burganne arrivant droit sur eux. Ce matin là, lorsqu’il arriva au quartier général, il ne restait que deux nobles qui se regardaient en chien de faïence, tous les autres avaient fuis et probablement que ces deux là n’attendaient que pour voir lequel des deux resterait le plus longtemps. Il décida de prendre les choses en main.
« Il faut aller à leur rencontre, il n’y a plus rien pour nous ici. »

C’est une armée six fois plus petite qu’à son arrivée qui quitta les abords de Pylos, laissant derrière elle une grande majorité de son barda. La plaine était jonchée de déchets, de tentes écroulées et d’armes de sièges abandonnées. Thibaut envoya des messagers pour demander des renforts à Telon ou Valars s’il fallait aller jusque là, espérant qu’il y’aurait des troupes pour entendre son appel. Les premiers rapports d’éclaireurs faisaient état d’une armée ennemie gigantesque, étalée sur des kilomètres. Des cavaliers harcelaient leur flanc droit sans relâche mais les pertes étaient énormes. Près de la moitié des éclaireurs ne rentraient pas de mission, rendant chaque mission plus difficile pour trouver des volontaires. Ils avaient à peine posé le campement du premier jour que la nouvelle arriva.
Le Roi Kylios Ier avait traversé la Synd et les talonnait. Cela changeait la donne, il ne pouvait décemment combattre en ayant des ennemis dans le dos. Pourtant, il répugnait à fuir. Il voulait à tout pris éviter l’affrontement avec les sudistes, s’ils le reconnaissaient ce pourrait être catastrophique pour sa fille, pire s’il était capturé se serait la pendaison en tant que traître. Il fallait aller de l’avant, pousser au travers des lignes burgannes, rejoindre le gros de l’armée avec une victoire et laisser les sudistes se débrouiller avec qu’il restait des barbares. Il contempla la bougie qui oscillait au dessus des cartes, devait-il écrire une lettre d’adieu ? Non, ils allaient réussir, il fallait qu’il ait foie en leur entreprise.

L’étendard claquait au vent. Il se demanda si les burgans avaient été prévenus de leur arrivée ou non.
L’air était froid et humide, vivifiant. Thibaut se demanda pourquoi Roland était parti. Etait-il vraiment le dernier descendant des Laperts ? Dans ce cas, Thibaut n’avait-il été qu’un instrument de vengeance pour lui ? Qu’elle avait été la part de vérité dans tout ce qu’il avait vécu ? Il serra la main sur la garde de son épée, il fallait qu’il se nettoie l’esprit. Tuer quelques sauvages lui ferait du bien. Les flancs de son cheval étaient couverts d’écumes, ils ne devaient plus être loin maintenant. Les éclaireurs avaient dit deux kilomètres. Tout à coup des formes se levèrent et crachèrent des projectiles. Des hommes tombèrent des deux côtés. Certaines forment avaient été écrasée sous les sabots des chevaux.
Il réalisa que le cheval à côté de lui n’avait plus de cavalier et commençait à ralentir.
« Ne pas ralentir, ne pas faiblir !»
Il talonna son cheval de plus belle et soudain il les vits. Oui, ils les attendaient, soudain se fut le choc. Il fendit les rangs ennemis, bousculant des corps, en faisant tomber sous les sabots de son cheval, il faillit vider les étriers lorsque celui-ci se cabra, écrasant le visage d’un homme d’un coup de fer.
Le chaos de la bataille s’amplifia tout comme le boucan des tambours. D’autres hommes le rejoignirent dans la mêlées, bousculant les guerriers burgans. « Plutôt mort que Frida ! » cria-t’il mais il n’entendit pas les réponses. Etaient-ils déjà si peu ? Il faisait tourner son cheval sur lui-même, repoussant de son épée et de son bouclier les bras qui se tendaient. Son cheval reçut une hache dans le flanc et fit un écart avant de s’arrêter doucement. « Pas maintenant, continue, continue je t’en supplie » implora Thibaut. Mais le cheval sentait la vie le quitter, il s’ébroua un peu et chancela. Il plia ses pattes et commença à se coucher. Les ennemis s’étaient reculés pour laisser de la place à la bête ce qui laisse le temps à Thibaut pour démonter. Il jeta un coup d’œil alentours. Seul. Complètement seul au milieu de cette masse humaine hostile. Et puis il commença à les entendre au dessus du vacarme. « Ho Chou Ha ! ». L’infanterie arrivait, enfin ! Les burgans ployèrent sous leur charge et commencèrent à reculer. Thibaut ferraillait de nouveau, la brume l’empêchait de bien savoir par où aller. Un burgan le bouscula et continua sa route sans même tenter de le combattre. Un autre trébucha devant lui et eut un regard étonné lorsque Thibaut lui planta son épée dans le ventre. Il réalisa soudain qu’un de ses hommes se battait à ses côtés puis d’autres les rejoignirent. Ils avancèrent de concert, reformant les rangs. Tout était encore possible.
Des femmes à moitié nues sortirent de la brume en hululant. Elles empalèrent l’homme à la gauche de Thibaut en lançant de courtes lances. Certains hommes reculèrent, surpris par ces démones. Mais elles ne portaient pas d’armures, elles vinrent s’empaler contre les lances liudmarkiennes. Tombant les unes après les autres, tentant d’éviter les lames pour se faire faucher par une autre. La plupart se tordaient maintenant au sol arborant des entailles profondes au torse ou aux jambes. Les soldats hésitèrent un instant avant de les achever, un instant seulement et ils plantèrent leur lance dans les corps. Epinglant ces papillons de nuits qui mouraient dans un râle aigu. Des flèches plurent et puis des dards, faisant des dégâts considérables dans les rangs. Un cri fut vite repris : « Poison ! ». Les hommes se rapprochèrent, collant les boucliers les uns aux autres, chacun tentant de protéger son voisin alors que les hommes touchés se convulsait par terre, les yeux révulsés.
Le mur de bouclier permit de réduire les pertes. Les projectiles venaient s’y écraser dans des « Pocs » à peine audibles comparés au battement de tambours incessants.
Les Burgans fuyaient les combats rangés comme la peste. A raison, personne ne pouvait battre le Liudmark sur ce terrain là. Mais ils n’étaient pas sans ressource, ils utilisaient le terrain et la brume à leur avantage, sortant soudain de nulle part pour tuer un ou deux soldats avant de fuir. Pas une seule fois, ils n’avaient stoppé cette musique infernale, guidant Thibaut et ses hommes vers leur campement.
Une clameur retentit devant eux, les lances furent placées en épi, prêtes à accueillir toute charge.
« Allez Thibaut, encore un peu ! » se répétait-il.
Anéantir le centre Burgans, leur campement, les obliger à s’éparpiller et puis rejoindre les troupes de l’autre côté. Les Saints pouvaient bien rendre ça possible. Il espérait que les autres groupes faisaient diversion sur les flancs comme prévu.

Puis il les vits, une autre vague de Burgans, accompagnés d’hommes et de femmes qui ne l’étaient pas. Ceux-ci étaient armés d’épées courtes et de fourches. Que faisaient-ils au milieu des sauvages ? Thibaut fit signe à ses hommes de ralentir. Il n’en croyait pas ses yeux mais l’armure qu’il contemplait était reconnaissable entre toutes. Un chevalier immaculé de Saint-Royan, que faisait-il ici ?
A cet instant, Thibaut comprit qu’il avait fait le mauvais choix. Les Saints, eux-mêmes, désavouaient son action. Il n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit, ni même d’espérer un dialogue que la mêlée était engagée et des hommes mourraient. Les épées courtes étaient diablement efficaces pour couper les hampes des lances, les fourches, elles, servaient à les plaquer au sol. Les burgans eux lancèrent leurs lourdes haches, la plupart se plantant dans le bois des boucliers, en fendant certains.
Thibaut reçut un coup sur le crâne, son casque encaissant la majeure partie du choc mais il resta sonné un instant. Il commença à marmonner : « Pardon, pardon ». Son arme traînait au bout de son bras et il avançait vers cette armure blanche qui représentait tout ses rêves d’enfant. Une pique se planta dans son aine, le pliant en deux sous le choc. Un coup de pieds le fit partir en arrière mais le coup fatal ne vint pas. Il sentait le sang couler par à coup et mouiller ses chausses.
Il resta étendu là, des hommes l’enjambaient et tombaient autour de lui. Ses hommes. Il commença à entendre d’autres cris. « Retraite ! Retirez-vous, tout est perdu ! » mais il ne réalisa pas bien ce que ça voulait dire.
Le ciel se dégageait, les saints étaient vraiment de la partie. Il n’avait pas la force de lever la main pour se protéger les yeux des premiers rayons de soleil. Un homme manifestement sudiste le trouva délirant et parlant tout seul une demi-heure plus tard. Thibaut était livide, ses yeux presque révulsés bataillaient pour rester ouverts, le sang formait une marre autour de lui et il croyait bien que sa vessie s’était relâchée elle aussi. De toute façon, il ne sentait plus ses jambes.
L’homme, grand, un nez trop long et les cheveux lui tombant sur les yeux se pencha et l’observa un instant.
Il sourit chaleureusement et cela fit énormément de bien à Thibaut.
- Un message à transmettre l’ami ?
Thibaut batailla, secouant la tête, tentant d’articuler quelque chose et de montrer sa bague en même temps. Il avait tant de choses à dire, il ne voulait pas mourir.
L’homme eu un rictus moqueur.
- C’est con, fallait y penser avant.
Il lui planta sa dague dans le cou, ses beaux yeux bleus étaient froids et sans émotions.

C’est fou ce qu’on met comme temps à mourir, ce qu’on peut avoir comme regrets à ce moment là, ce qu’on se sent seul. Thibaut hoqueta, le sang lui remplissait la bouche et l’étouffait doucement. Il ne s’en inquiétait déjà plus, la douleur l’abandonnait, le laissant seul avec ses dernières pensées.
« Je reviens à la maison, mère, dit à Frida que je l’aime. Dit lui que j’ai essayé que…dis lui que j’aurais aimé la revoir. Tu crois que je verrai papa ? Tu crois qu’il serra fier de moi ? Est-ce que Liliana m’en veut toujours d’avoir cassé sa poupée ? Elle me manque tant. Sorj aussi ? Tu m’aimes maman hein dit ? Maman ? »

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