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Musique d'inspiration: Vladimir Cosma - La Chèvre
Chapitre XXVIII. Saymar - Anna
Saymar retira son couteau de la gorge du jeune homme et l’essaya contre son tabard. Si jeune, qu’est-ce qu’il foutait là ce con ? Il entreprit de lui découper le doigt pour récupérer une bague, il en avait déjà ramassé une dizaine, toutes identiques sur ces soldats. Il se demandait comment des soldats pouvaient se payer de tels bijoux.
Laura s’approcha :
- Tu fais quoi ?
- Je ramasse la verroterie, ces bagues doivent valoir une fortune.
- On est plus des brigands tu sais.Saymar la regarda un instant, décidemment il ne voyait pas ce qu’il avait pu lui trouver dans le temps.
- Ouais ben comme j’ai rien d’autre à foutre de la journée je vais quand même continuer.
Elle haussa les épaules et s’en alla. Ils l’énervaient tous autant qu’ils étaient. Toujours à pinailler, oui mais ci, non mais cela et blablabla mon cul est rose. Seule Anna, arrivait à le faire sentir calme et serein, elle le comprenait elle, ou du moins elle faisait comme ci.
Il continuait à faire sa récolte lorsque les Burgans arrivèrent sur le champ de bataille pour ramasser leurs morts. « Z’en ont pour un bout de temps ! ». La tribu des femmes, les panthères s’il se souvenait bien, avait morflé mais les pertes étaient énormes des deux côtés. Saymar se demanda quand même quel était l’intérêt de se battre à poil quand il regardait le nombre de corps de femmes (et pas moche en plus) qui gisait là. Il en reconnut quelques unes qui leur rendaient visite au campement.
Il cracha dégoûté, tant de morts pour rien. Au final les Burgans n’étaient pas si sauvage que ça, ils étaient juste différents. Les liudmarkiens avaient bien failli les surprendre avec la brume. Ils n’avaient été averti qu’une heure avant de leur arrivée. Les hommes du chef, les lions avaient du absorber la première charge sans vraie préparation. Les serpents et les panthères étaient les seules autres tribus présentes. Les autres étaient encore sur la route de l’autre côté de la rivière Faux mais d’après les premiers échos, ils avaient dû combattre eux aussi. N’empêche, c’est encore l’autre peigne cul de chevalier qui était venu les chercher afin d’aider les Burgans. Saymar avait d’abord refusé mais tous les autres avaient accepté chaleureusement, impatient de montrer leurs valeurs. Ils avaient agrippés leurs armes et courut rejoindre la mêlée. L’autre nobliau était gonflé, il avait refusé de combattre des compatriotes, prétextant que sa seule présence suffirait à arrêter les combats. Saymar lui aurait bien botté le cul pour qu’il y aille tout seul au front. Enfin ils y étaient allés, et l’affrontement avait tourné au massacre.
Les femmes panthères portaient des châles blancs qui couvraient leurs cheveux et leurs épaules. Elles s’étaient peintes des larmes sur le visage. Il en vit une soutenir le chef Burgans qui contemplait la masse de corps. Cet imbécile avait insisté pour combattre alors qu’il n’était manifestement pas en état après sa petite démonstration de la semaine précédente. Tous aussi fou les uns que les autres à courir après la mort. Il coupa le dernier doigt et mis la bague dans sa poche après avoir fouillé machinalement les poches du cadavre. Il se prendrait bien une bonne biture ce soir, de toute façon Anna le boudait parce qu’il avait refusé qu’elle prenne part au combat, elle y était allée quand même bien sûr mais lui en voulait d’avoir voulu la protéger. « Bah ! ».
- S..Saymar ?
Un corps bougeait près de lui, une main se tendait. Le type avait une sale blessure à la tête et Saymar mit un temps à reconnaître Pilton sous le sang qui lui maculait la face.
Il s’accroupit précipitament :
- Frérot ? Eh beh, tu t’es bien fait amoché. Tu veux que j’aille chercher de l’aide ?Il lui tata le crâne doucement, une blessure moche, Pilton avait peut être perdu un œil mais il survivrait.
- Aaah. Arrête. Mon frère…
- Oui ?
Pilton continuait sa phrase sans s’adresser particulièrement à quiconque.
- …est …est…mort à dix…dix putains d’ans.
Saymar réfléchit un instant, Pilton délirait-il ou tentait-il de lui expliquer quelque chose ? Celui-ci ferma les yeux un instant, aspirant de l’air goulûment comme s’il rassemblait ses forces.
- Pourquoi toute cette mascarade de frère alors ?
- Je…J’étais perdu. Je savais plus quoi faire, ils…ils voulaient tous quelque chose. J’étais si fatigué. Fatigué. Tu avais l’air gentil et puis…t’étais dans la merde.
Saymar rit.
- C’est clair que j’y étais jusqu’au cou, tu m’as sorti d’un fameux merdier et t’inquiète tu vas te sortir de celui-ci. Dit-il en lui tapotant l’épaule, prêt à se relever pour aller chercher de l’aide.
- …mais tu n’es qu’une ordure. Si j’avais su.
Saymar arrêta son geste, son regard se glaça et il porta la main à sa dague.
- Tu sais plus ce que tu dis, frérot. Tu t’es pris un sale coup, demain tu auras oublié tout ça.
- Non…non. Pilton sanglotait maintenant. Il faut les prévenir. Il faut leur dire que t’es pas un héro.
Saymar avait du mal à le comprendre au milieu de tous ces sanglots mais il se demanda quand même si l’homme délirait ou était devenu complètement con. Il aurait pu s’en sortir, sa blessure n’avait pas l’air fatale, pourquoi le menacer lui ? C’était vraiment la dernière chose à faire.
- Dors frérot, ça va aller.
Il lui enfonça doucement la dague dans le bas du dos, la lame glissant lentement entre deux vertèbres, presque avec amour.
- Bonne nuit frérot, enchanté d’avoir fait ta connaissance.
Il se releva et sentit une boule dans sa gorge. Décidemment, il avait vraiment besoin d’un verre.
Le lendemain, les éclaireurs annonçaient l’arrivée d’une seconde armée, le branle bas de combat réveillé Saymar et sa gueule de bois. Les Burgans étaient encore tous rassemblés pour faire leur deuil, la plupart avait les traits tirés et le regard abattu. Le chevalier machin arriva, l’air pimpant malgré les cicatrices qui lui barraient le visage. Il était si fier sur son nouveau cheval. Il le salua, le fixant de ses yeux laiteux, comment se type faisait-il pour voir. Saymar frissonna. Je ne pense pas qu’il faille s’inquiéter, ce sont des hommes des royaumes du Sud pas des Liudmarkiens. Ils devaient d’ailleurs probablement poursuivre ceux-ci. Avec l’accord d’Arnulf, je compte me porter au devant d’eux avec une délégation, vous en êtes ?
Saymar le regardait interdit :
- Pour y quoi foutre ?
- Parce que vous êtes peut-être le seul ici à pouvoir éviter un autre bain de sang ?
- Pourquoi vous y êtes pas allé vous hier, voir les Liudmarkiens ?
- Une petite voix qui m’a dit de ne rien en faire.
Saymar le dévisagea un instant pour savoir si c’était une tentative d’humour ou de la pure folie. « Taré ce type ! » pensa-t’il.
- La prochaine fois que vous entendez des voix, demandez moi, je vous assomme avec plaisir.
Ils y étaient donc allé, ils arrivèrent sous bonne escorte sous une tente de commandement montée à la va-vite. La plus grosse surprise de la journée fut de retrouver le commandant Mark. L’homme n’avait apparemment pas perdu de temps. Etrangement celui-ci accueillit Saymar à bras ouvert.
- Que le monde est petit ! Vous avez réussi à vous alliez les Burgans, c’est fantastique ! J’arriverai jamais à comprendre comment vous vous en sortez.
Saymar le regarda méchamment un instant, se demandant si l’homme se moquait de lui.
- Moi non plus. Répondit-il simplement pince sans rire.
L’autre débile s’était esclaffé et Saymar se demanda à quel jeu il jouait vraiment.
Les négociations furent principalement menées par Guylhom et il s’emmerda profondément tout du long. Après les échanges de bonne fois, les Burgans demandèrent le droit de passage pour trouver une « vierge sanglante ». Mark les regarda bizarrement :
- Vous avez entendus parlé de la princesse ?
Le sauvage ne tint plus en place dès qu’on lui traduit la réponse, il exigea une entrevue avec celle-ci et s’énervait face aux réponses polies et prudentes de Mark. Saymar sortit. Tout cela ne le regardait plus.
Lorsque vint le moment de se séparer, Mark vint le trouver.
- La princesse désirerait vous rencontrez. Lorsque je lui ai fait mon rapport, elle a exprimé un grand intérêt pour ces hommes et ces femmes qui se sont battus en son nom.
- Elle est là ?
- Non, elle est en sécurité à Pylos mais ce n’est qu’à une semaine de marche.
Saymar avait haussé les épaules en répondant vaguement oui. Il rentra tard au campement.
Il passa au milieu de quelques franches vulgairement installées, la genou plié et la croupe proéminente contre un tas de bois. Décidemment pour certaines s’habiller comme des hommes les faisaient passer pour des filles de joie. Il savait que certaines discutaient dans son dos, certaines n’auraient pas dit non pour avoir ses faveurs lui par contre s’en foutait, il ne pensait qu’à une seule.
Il était tard mais les Burgans continuaient leur veillée. Les instruments s’étaient tut mais les femmes continuaient de chanter. Parfois les hommes répondaient d’un cri grave et plaintif qui résonnait dans la plaine longtemps après que le chant ait cessé.
Il vit la nuit doucement s’illuminer alors que les bûchers funéraires étaient allumés. Des teintes orangées se levèrent vers les cieux et commencèrent à combattre les ténèbres.
- C’est beau. Anna l’avait rejoint, sans bruit. Elle était pieds nus.
- Oui.
- Ils ont accepté que les nôtres soient brûlés auprès de leurs guerriers. Pilton sera en bonne compagnie.
Elle lui prit la main.
- Ils ont beau se balader à moitié à poil, ils ont quand même plus de décence que nous. Quant on les côtoie on ne peut s’empêcher de les respecter. C’est triste pour eux, ils ont perdu beaucoup des leurs hier et pour pas grand-chose.
- Triste ? Toi ?
- Bah, tu comprends ce que je veux dire.
- Pourquoi faut-il que tu sois si doux parfois ? Si gentil avec moi et si dur avec les autres ?
- Je ne suis pas une brute. S’offusqua-t-il.
- Non, en effet. Mais tu sais être si distant que parfois je me demande si tu vis dans le même monde que le nôtre.
- Je n’ai jamais eu vraiment envie de vivre dans ce monde. Pourquoi on partirait pas ?
- De quoi ? Elle rit. Partir ? Où ça ?
- Les îles d’été ! Toi et moi, laissons les à leur guerres et à leurs dieux.
- Tu es fou !
Elle avait les yeux qui pétillaient, qu’elle était belle.
- Bien sûr que je le suis ! N’as-tu jamais rêvé de voir la mer ?
- Si bien sûr mais…
- Alors ? Allons-y partons !
- On ne peut laisser les autres. Ils comptent sur nous, sur toi.
- Je m’en fou des autres, je…
- moi pas.
Il déglutit, allait-il être obligé de lui dire ? De s’agenouiller, de quémander devant elle ?
- Tu fais une de ces têtes, on dirait un gamin.
Son sourire blanc éclatait, il ne voyait plus que lui.
- C’est l’impression que j’ai parfois, face à toi je ne suis plus qu’un gamin et j’aime ça.
Elle le regarda dans les yeux.
- Dis le moi.
- Quoi ?
- Que tu m’aimes.
- Bien sûr que je t’aime.
- Pas comme ça. Tu m’aimes vraiment ?
Il hésita un instant se rappelant cette fameuse nuit où elle lui avait dit «Tu me désireras, Saymar, plus que tout au monde. Je hanterai tes nuits, je ferai battre ton coeur et tu seras prêt à prendre le risque de mourir pour m’avoir. ». Il regarda autour de lui. Il n’y avait rien ici pour lui. La guerre finie, il n’aurait plus de chez lui, pire on risquait de lui passer la corde au cou pour brigandage.
- Oui. Je t’aime. Je t’aime plus que cette putain de vie, je préfère clamser vingt fois que de te perdre. Tu le sais. Epouses moi.
Elle lui prit la main, le visage angélique, les yeux brillants de milles feux et se leva sur la pointe des pieds pour lui déposer un baiser sur la bouche. Elle aussi avait l’air d’une petite fille se dit-il.
Il avait fini par s’agenouiller et lui avait demandé sa main et alors que tout le monde pleurait lui était le plus heureux des hommes.
Ils avaient tous acceptés de les accompagner, les franches et puis les autres qui restaient. Il avait cru que le chevalier immaculé allait sortir ses yeux morts de ses orbites quand il lui avait annoncé son départ pour se marier. Le chef Burgans lui une fois qu’il avait compris de quoi il retournait avec éclaté de rire et lui avait asséné une claque dans le dos. Il devait encore avoir la marque. Ils marchaient gaiement, loin des combats. Haytor s’occupait de tout maintenant, envoyer des éclaireurs alentours entre autre, Saymar n’avait pas la tête à ça. Il tenait la main d’Anna et lui chuchotait des mots doux à l’oreille et quelques saloperies sur les autres aussi mais ça la faisait tant rire. Il aimait quand elle riait.
Il s’attendait à ce que Laura prenne mal la nouvelle mais au contraire elle vint le voir avec un grand sourire. « Je suis si heureuse pour vous patron. Vous l’avez tout deux mérités. Et puis on doit vous avouez un truc. Haytor et moi on aimerait aussi se marier. Le même jour que vous ce serait un honneur. Ce grand dadais est trop timide pour vous le demander lui-même. ».
Saymar hocha la tête distraitement. Il regardait Anna, cueillir des fleurs. C’est fou comme des trucs tout cons pouvaient l’émerveiller. Chaque soir, ils passaient des heures à se parler et à s’embrasser. Saymar essayait parfois d’aller plus loin, de passer les mains sous sa chemise de lin mais elle ne se laissait pas faire. Elle voulait absolument attendre le mariage et au fond cela lui était bien égal, rien que l’avoir près de lui, lui suffisait.
Ils arrivèrent en vue de Varest au bout de deux bonnes semaines, les troupes Liudmarkiennes l’avaient désertée bien avant leur arrivée mais ils furent quand même accueillis en héros. Saymar profita de cet élan de bonne foi de la part du peuple pour retirer un maximum d’avantage de ses maigres richesses. Tout cela se passa comme dans un rêve, le temps passait à une vitesse folle, les journées défilaient sans qu’il ait eu l’impression de rien faire mais il savait qu’il les vivait pleinement. La cérémonie du mariage par contre lui parut bien trop longue et sommes toute assez simple, ils partaient le lendemain pour les îles d’étés et lui s’émut surtout de voir Anna dans une robe de satin blanc qui faisait ressortir ses cheveux roux et son teint halé. Haytor et Laura se marièrent après eux et Saymar se surprit même à avoir une larmichette au coin de l’œil lorsqu’ils se dirent oui. La nuit de noce arriva et il se surprit à avoir les mains moites lorsqu’ils pénétrèrent dans la chambre louée pour l’occasion. Elle était décorée de fleurs et de messages grivois mis en place par le soin des franches. Anna se mordait la lèvre inférieure lorsqu’elle retira sa robe. Il n’osait bouger, une certaine appréhension le tenaillait et il se demanda un instant si elle n’avait pas un couteau caché dans son dos. Il put découvrir ensuite qu’il n’en était rien lorsqu’il lui caressa l’échine de ses doigts. Elle le déshabilla lentement alors qu’il découvrait son corps de ses lèvres et de ses mains. Elle se tortilla et gémit lorsqu’il lui toucha l’entrejambe. Il n’avait jamais rien ressenti de pareil auparavant avec aucune autre femme, elle était douce et chaude, prête pour lui déjà mais il fit durer le plaisir, ses doigts se délectant de cette sensation à nulle autre pareille. Elle se tendait et se dressait sous ses caresses pointant ses seins vers sa bouche. Il lui mordilla les tétons et finit par la pénétrer, un peu trop impatiemment peut-être. Elle n’était pas vierge mais à vrai dire il s’en moquait. Elle l’accueillit avec plaisir et ils bougèrent à l’unisson. Il vint en elle, trop vite à son goût mais elle sut vite le ramener à elle, en elle. Il ne sut combien dura leur ébats mais il aurait voulu que jamais ils ne cessent.
Il ne sut pas non plus ce qui lui fit peur. Elle cria un moment alors qu’il la prenait pour la troisième fois. Elle se débattit, il crut d’abord à un jeu, la retenant par la taille mais elle le regardait sans le voir et le repoussa durement, se débattant avec ses pieds. Elle se dressa contre un meuble, affolée.
- Non !
Elle se regarda un instant, nue et couverte de sueur et de leur odeur.
- Salaud ! Salaud ! Tu m’as violée.
- Anna, chhut calme toi. C’est moi Saymar. Je suis là, je t’aime.
- Tu l’as tué ! Tu l’as tué ! Tu es un salaud, tu rigolais, tu rigolais.
Il vint près d’elle et lui entoura les épaules de son bras. Il réalisa qu’il ne savait rien de son passé et qu’il était loin d’être aussi rose qu’il se l’était imaginé. Il lui baisa les cheveux.
- Shhhh. Ça va aller. Tout va bien se passer. Il te faut du temps.
Une franche avait oublié une paire de ciseau sur place, lui ne l’avait pas vue jusqu’à ce qu’il la sente se planter dans son ventre et s’y replanter encore. Il hoqueta.
Il voulu l’implorer, lui dire qu’il l’aimait mais le choc l’empêcha de prononcer un mot.
- Non ! Non ! Non ! criait-elle à chaque coup.
Il avait mal mais quelque chose en lui se brisa. Une petite voix qui lui disait « Tu me supplieras à genoux de te tuer en échange d’une seule nuit avec moi. Je te le promets ! ». Il n’avait pas supplié. Non, il n’avait pas supplié. Pourquoi ?
Sa tête cogna le sol et l’obscurité l’engloutit.
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